Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Le grincement lancinant des essieux de ce chariot contient tout le lacher-prise fataliste, désespéré, d’un peuple condamné à la misère de sa condition.
Dans l’ironie désabusée des paroles d’une chanson populaire, la compassion d’un poète gaucho, Romildo Risso, et dans la milonga composée par Atahualpa Yupanqui pour les accompagner, le rythme lent et le ton désenchanté de celui qui n’attend ni ne veut plus rien.
Les essieux de ma charrette
Parce que je ne graisse pas les essieux Ils m’appellent négligent
Puisque moi j’aime quand ils grincent Pourquoi irais-je les graisser ?
C’est trop ennuyeux de suivre et suivre la piste. Le chemin est trop long avec rien pour me divertir.
Je n’ai pas besoin de silence, moi je n’ai rien à penser.
J’avais de quoi, mais ça fait longtemps, maintenant je ne pense plus.
Les essieux de ma roue, je ne les graisserai jamais.
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L’ironie est une tristesse qui ne peut pleurer et sourit.
Comme une illustration de cette juste remarque de Jacinto Benavente, (Prix Nobel de Littérature 1922), le Septeto Santiaguero reprend le titre, devenu depuis longtemps un classique du genre, à la mode cubaine…
Septeto Santiaguero : Los ejes de mi carreta
Los ejes de mi carreta
Porque no engraso los ejes me llaman abandonao. Porque no engraso los ejes me llaman abandonao.
Si a mí me gusta que suenen, ¿pa’ qué los quiero engrasaos? Si a mí me gusta que suenen, ¿pa’ qué los quiero engrasaos?
Es demasiado aburrido seguir y seguir la huella. Es demasiado aburrido seguir y seguir la huella, demasiado largo el camino sin nada que me entretenga.
No necesito silencio, yo no tengo en qué pensar. No necesito silencio, yo no tengo en qué pensar.
Tenía, pero hace tiempo, ahora ya no pienso más. Tenía, pero hace tiempo, ahora ya no pienso más.
Tu ne dis jamais rien tu ne dis jamais rien Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien Comme toi, l’œil ailleurs, à me faire la fête
Tu ne dis jamais rien
Tu ne dis jamais rien Je vois le monde un peu comme on voit l’incroyable L’incroyable c’est ça c’est ce qu’on ne voit pas Des fleurs dans des crayons Debussy sur le sable A Saint-Aubin-sur-Mer que je ne connais pas Les filles dans du fer au fond de l’habitude Et des mineurs creusant dans leur ventre tout chaud Des soutiens-gorge aux chats des patrons dans le Sud A marner pour les ouvriers de chez Renault Moi je vis donc ailleurs dans la dimension quatre Avec la Bande dessinée chez MC 2 Je suis Demain je suis le chêne et je suis l’âtre Viens chez moi mon amour viens chez moi y a du feu Je vole pour la peau sur l’aire des misères Je suis un vieux Boeing de l’an quatre-vingt-neuf Je pars la fleur aux dents pour la dernière guerre Ma machine à écrire a un complet tout neuf Je vois la stéréo dans l’œil d’une petite Des pianos sur des ventres de filles à Paris Un chimpanzé glacé qui chante ma musique Avec moi doucement et toi tu n’as rien dit
Tu ne dis jamais rien tu ne dis jamais rien Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien Comme toi, l’œil ailleurs, à me faire la fête
Dans ton ventre désert je vois des multitudes Je suis Demain. C’est Toi mon demain de ma vie Je vois des fiancés perdus qui se dénudent Au velours de ta voix qui passe sur la nuit Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe A Paris quand je suis allongé dans ton lit A voir passer sur moi des filles et des éponges Qui sanglotent du suc de l’âge de folie Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe Avec la bande dessinée chez un ami Je suis Jamais je suis Toujours et je suis l’ixe De la formule de l’amour et de l’ennui Je vois des tramways bleus sur des rails d’enfants tristes Des paravents chinois devant le vent du nord Des objets sans objet des fenêtres d’artistes D’où sortent le soleil le génie et la mort Attends, je vois tout près une étoile orpheline Qui vient dans ta maison pour te parler de moi Je la connais depuis longtemps c’est ma voisine Mais sa lumière est illusoire comme moi
Et tu ne me dis rien tu ne dis jamais rien Mais tu luis dans mon cœur comme luit cette étoile Avec ses feux perdus dans des lointains chemins Tu ne dis jamais rien comme font les étoiles
Voici une douce ballade que j’aurais volontiers chantée au Paris que j’ai tant aimé jadis, lorsque cette bien jolie touriste n’était encore que le projet de ses parents et la caméra super 8 vintage qu’elle utilise aujourd’hui une formidable nouveauté technologique.
Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde.
… Moi qui chaque jour, depuis des années, sur les marches de la Butte Montmartre, glisse mes pas sur les traces qu’ont laissées tant de vos illustres pairs, je dois vous dire, cher Victor Hugo, que si votre remarque est avérée, je crains fort pour le sort du monde.
Puissent ses transformations ne s’inspirer jamais de notre Paris d’aujourd’hui… !
O tempora, o mores !
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Passenger chante
« The Way That I Love You »
The Way That I Love You
How many times can I tell you You’re lovely just the way you are Don’t let the world come and change you Don’t let life break your heart
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Don’t put on their mask, don’t wear their disguise Don’t let them dim the light that shines in your eyes If only you could love yourself the way that I love you
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How many times can I say You don’t have to change a thing Don’t let the tide wash you away Don’t let worry ever clip your wings
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Discard what is fake, keep what is real Pursue what you love, embrace how you feel If only you could love yourself the way that I love you
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And if you ever choose a road that leads nowhere All alone and you can’t see right from wrong And if you ever lose yourself out there Come on home and I’ll sing you this song
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So how many times can I tell you You’re lovely just the way you are Don’t let the world come and change you Don’t let life break your heart
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— ¤ —
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Ma manière de t’aimer
Combien de fois dois-je te le dire Tu es adorable telle que tu es Ne laisse pas le monde te transformer Ne laisse pas la vie briser ton cœur
Ne mets pas leur masque, ne porte pas leur déguisement Ne les laisse pas voiler la lumière qui brille dans tes yeux Si seulement tu pouvais t’aimer comme je t’aime
Combien de fois dois-je te le dire Tu n’as rien à changer Ne laisse pas la marée t’emporter Ne laisse jamais l’inquiétude te couper les ailes
Préserve-toi du faux, encourage le vrai Poursuis ce que tu aimes, rassemble ce que tu ressens Si seulement tu pouvais t’aimer comme je t’aime
Et si jamais tu choisissais une route qui ne mène nulle part Toute seule sans distinguer le bon grain de l’ivraie Et si jamais tu te perdais toi-même là-bas Viens à la maison et je te chanterai cette chanson
Alors combien de fois dois-je te le dire Tu es adorable telle que tu es Ne laisse pas le monde te transformer Ne laisse pas la vie briser ton cœur
La simplicité véritable allie la bonté à la beauté.
Platon – La République
La simplicité ! De combien de nos émotions est-elle la mère ?
Par exemple :
Une guitare qui déborde de souvenirs, des doigts que les ans ont décharnés, torturés d’avoir caresser tant de cordes, la voix, douce par-delà la fatigue, d’un vieil homme qui se retourne sur son histoire et chante simplement la nostalgique mélodie d’un Rimbaud de son siècle, compagnon de sa jeunesse, Bob Dylan : il n’en faut pas plus pour donner à nos larmes un goût de liberté.
Il est long le chemin pour demain !
John Winn, après avoir séduit avec sa guitare ses compagnons d'armes de l'US Army au milieu des années 1950, commence à New-York, en 1960, une encourageante carrière de chanteur "folk" dans les cafés branchés de Lower West Village qui lui vaut même de se produire sur les scènes célèbres du Carnegie Hall et du Town Hall.
C'est l'époque où il rencontre Bob Dylan avec qui il noue une belle relation amicale et professionnelle.
John raconte comment Bob composa alors cette chanson, "Tomorrow is a long time" :Très attristée par le départ, vraisemblablement sans retour, de son amie Suzy pour l'Italie, Dylan confie sa peine à John et lui annonce qu'il va aussitôt l'exprimer dans une chanson.
Qui aurait pu prévoir son succès planétaire et le nombre incalculable de ses reprises dont le temps n'a toujours pas arrêté le décompte ?
Tomorrow is a long time
Demain est si loin
If today was not an endless highway,
If tonight was not a crooked trail,
If tomorrow wasn’t such a long time,
Then lonesome would mean nothing to you at all.
Yes, and only if my own true love was waitin’,
Yes, and if I could hear her heart a-softly poundin’,
Only if she was lyin’ by me,
Then I’d lie in my bed once again.
Si ce jour n’était pas une route infinie
Si ce soir n’était pas un sentier tortueux
Si demain n’était pas un jour si lointain,
Alors solitaire ne voudrait rien dire à tes yeux.
Oui, et seulement si ma bien-aimée attendait,
Si je pouvais entendre son cœur battre doucement,
Si elle était allongée là, à mes côtés,
Alors je pourrais me coucher à nouveau.
I can’t see my reflection in the waters,
I can’t speak the sounds that show no pain,
I can’t hear the echo of my footsteps,
Or can’t remember the sound of my own name.
Yes, and only if my own true love was waitin’,
Yes, and if I could hear her heart a-softly poundin’,
Only if she was lyin’ by me,
Then I’d lie in my bed once again.
Je ne peux voir mon reflet sur l’eau
Je ne peux émettre de son qui ne traduise de douleur
Je ne peux entendre mes pas résonner
Ni me souvenir du son de mon propre nom.
Oui, et seulement si ma bien-aimée attendait,
Si je pouvais entendre son cœur battre doucement,
Si elle était allongée là, à mes côtés,
Alors je pourrais me coucher à nouveau.
There’s beauty in the silver, singin’ river,
There’s beauty in the sunrise in the sky,
But none of these and nothing else can touch the beauty
That I remember in my true love’s eyes.
Yes, and only if my own true love was waitin’,
Yes, and if I could hear her heart a-softly poundin’,
Only if she was lyin’ by me,
Then I’d lie in my bed once again.
Il y a quelque chose de beau dans cette rivière d’argent qui chante,
Il y a quelque chose de beau dans le ciel quand le soleil se lève,
Mais rien de cela ni rien d’autre ne vaut la beauté
Qui émanait des yeux de ma bien-aimée.
Oui, seulement si ma bien-aimée attendait,
Si je pouvais entendre son cœur battre doucement,
Si elle était allongée là, à mes côtés,
Alors je pourrais me coucher à nouveau.
Traduction de Valérie Charlez publiée sur le site bobdylan-fr.com
Paul Robeson (basse) – Carnegie Hall de New York, le 9 mai 1958 :
Goin’ home, goin’ home, I’m jes’ goin’ home ; Quiet-like, some still day, I’m jes’ goin’ home. It’s not far, jes’ close by, Through an open door ; Work all done, care laid by, Goin’ to fear no more. Mother’s there ‘spectin’ me, Father’s waitin’ too ; Lots o’ folk gather’d there, All the friends I knew, All the friends I knew. Home, I’m goin’ home !
Nothin lost, all’s gain, No more fret nor pain, No more stumblin’ on the way, No more longin’ for the day, Goin’ to roam no more ! Mornin’ star lights the way, Res’less dream all done ; Shadows gone, break o’ day, Real life jes’ begun. There’s no break, there’s no end, Jes’ a livin’ on ; Wide awake, with a smile Goin’ on and on.
Même à la lueur des feux de Bengale, le bagne est toujours le bagne, et la musique qu’entend de loin un homme certain de ne jamais revoir son pays ne suscite en lui qu’une noire tristesse.
Anton Tchékhov – l’île de Sakhaline (Gallimard – Folio Classique)
Étrange écho de Negro spirituals dans ces mots de l’écrivain russe Anton Tchekhov ! Et pourtant, ce ne sont pas les chants nostalgiques afro-américains qui les ont inspirés, mais les sinistres silences adipeux des bagnards maudits de l’île de Sakhaline, au large de la Sibérie. Là où « les gens erraient comme des ombres et se taisaient comme des ombres ».
Antonín Leopold Dvořák (1841-1904)
Alors qu’en ce début des années 1890 Tchékhov est tout à la rédaction de « L’île de Sakhaline », le compositeur tchèque célèbre, Antonin Dvorák, s’apprête à embarquer pour New York, décidé à occuper le poste de directeur du Conservatoire National de musique, conformément à l’invitation appuyée que lui ont adressée les américains, fervents admirateurs de son œuvre.
— L’histoire ne nous a pas appris que les deux artistes eurent quelqu’occasion de se rencontrer…
1893. Antonin Dvorák est installé à Manhattan depuis un an. Particulièrement motivé par l’ambitieux projet que lui proposent ses hôtes américains : fonder une musique nationale pour ce jeune pays, les États Unis, il a composé une symphonie, sa neuvième, à laquelle il donne d’abord le juste titre de « Symphonie depuis le Nouveau Monde » avant qu’elle ne finisse par s’appeler « Symphonie du Nouveau Monde ». Le 15 décembre, elle est au programme du New York Philharmonic Orchestra au Carnegie Hall, pour sa toute première exécution.
Qui aurait pu imaginer que l’œuvre connaisse un succès populaire aussi grand à travers le monde, jusqu’à nos jours encore, au point de servir de source d’inspiration et d’illustration musicales à mille et une productions allant du générique d’émission télévisée à la sonorisation de jeux vidéos en passant par les transcriptions les plus diverses dans les univers musicaux les plus variés, sans compter les innombrables reprises des thèmes mélodiques d’un mouvement ou d’un autre dans les musiques de films ou les compositions populaires contemporaines ?
Et, à l’origine de cette pléiade de succès, faisant office de catalyseur, « Goin’ home » !
Tout commence donc ainsi :
— S’il vous plaît, Maestro !
— Et j’entends déjà, dès les premières mesures… « Bon sang ! Mais c’est bien sûr !…La Symphonie du Nouveau Monde ! »
Dvoràk – Symphonie N°9 (début du 1er mouvement)
Philharmonique de Berlin dirigé par Claudio Abbado
Théâtre Massimo de Palerme – 1er Mai 2002
Difficile, il est vrai, de trouver quelque parenté musicale entre le dynamisme de cette cavalcade effrénée de l’orchestre à travers les grands espaces et la douceur élégiaque d’un chant du retour entonné par la voix envoûtante de Paul Robeson !
Mais le décor est planté : La neuvième de Dvorák !
Glissons-nous dans le deuxième mouvement et sans bouder notre plaisir, laissons-nous emporter par la douce vague mélancolique du premier thème, Largo, sur laquelle surfe, en Ré bémol majeur, avec délice et grâce, le cor anglais !…
Évoquer son nom, ou croiser son malicieux regard embusqué derrière son pince-nez, et déjà l’on se sent planer à travers les résonances suspendues des accords égrenés avec lenteur sur le piano, entre lesquels s’étirent, dépouillées et diaphanes, reconnaissables entre toutes, les mélodies singulières de ses « Gymnopédies » ou de ses « Gnossiennes ». Quelquefois, quand une musique de ses compositions défie le souvenir, n’est-il pas amusant de retrouver dans les méandres de notre mémoire l’étrangeté gentiment séditieuse de certains titres tels, par exemple, que « Musique d’ameublement », « Morceau en forme de poire », ou encore « Embryons desséchés » ?
Suzanne Valadon – Erik_Satie – 1893
Erik Satie est né il y a 150 ans, en 1866. Et c’est évidemment par ses œuvres pour le piano — même si les interprètes de premier plan les boudent trop souvent — que sa musique est parvenue jusqu’à nous.
Originale, toujours rebelle aux conventions du romantisme, ironique et caustique souvent, et, au fond, bien plus sérieuse qu’elle ne veut paraître à travers les particularités de son modernisme et le mystère de son inventivité, elle continue de nous séduire encore aujourd’hui, nous, auditeurs de toutes générations. D’ailleurs, ne s’avère-t elle pas, souvent, être un point d’entrée attrayant pour ceux qui décident de découvrir, à rebours de son histoire, la musique dite « classique ».
Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère
Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ?
Quel chagrin t’a dicté cette parole amère,
Cette offense au malheur ?
Alfred de Musset (« Souvenir »)
Comme il est bon, quand la vie, parfois, décide de faire la mauvaise tête, voire, certains jours, de nous bousculer un peu fort du côté du cœur, d’aller se réfugier sous « l’arbre de l’oubli ».
Là, au moment apaisé où nos paupières s’abandonnent, il n’est pas rare qu’une petite mélodie toute simple, mais si douce, vienne tournoyer autour de nos chagrins. Les branches, même dépouillées par les vents froids de l’hiver, la gringottent pour nous. Comme les cordes de mille guitares leurs brindilles desséchées donnent la sérénade à l’âme alanguie.
Une invite à l’oubli !
Alberto Ginastera (argentine 1916-1983) – transcription pour deux guitares d’une Milonga (Canción al árbol del olvido) composée initialement pour piano.
Mais, soyons vigilants, car il arrive quelquefois, sous cet arbre, que l’on oublie d’oublier.
Poésie de Fernán Silva Valdés (Argentine 1887-1975)
Sur ma terre il y a un arbre
Qui s’appelle l’arbre de l’oubli
Où vont se consoler,
Petite vie,
Les moribonds de l’âme.
Pour ne pas penser à toi,
Sous l’arbre de l’oubli
Je me suis couché une nuit,
Petite vie,
Et je m’y suis bien endormi.
Et au sortir de mon rêve,
Une fois encore je pensais à toi,
Car j’ai oublié de t’oublier,
Petite vie,
Quand je me suis couché…
En mi pago hay un árbol, Que del olvido se llama, Donde van a consolarse Vidalita, Los moribundos del alma.
Para no pensar en vos, En el árbol del olvido, Me acosté una nochecita, Vidalita, Y me quedé bien dormido.
Al despertar de aquel sueño Pensaba en vos otra vez, Pues me olvidé de olvidarte, Vidalita, En cuantito me acosté.
Vladimir Kush (né à Moscou – 1965) – Lever de soleil sur l’océan
N’oublie pas…
N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili. Elle est dans les chemins craquelés de l’été, dans la paille des meules, dans le bois sec de ton armoire, … si tu sais bien l’entendre. Elle est aussi dans le cœur du criquet. Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir, Ne nie pas le soleil.
Sabine SICAUD – Les poèmes de Sabine Sicaud (Stock, 1964)
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Quelques mots (peut-être nécessaires ?) sur Sabine Sicaud :
Sabine Sicaud (1913-1928)
Cette très jeune poétesse, originaire du Sud-Ouest de la France, morte à quinze ans dans les souffrances d’une grave maladie des os, a laissé deux recueils de poèmes qui, s’ils ne sont pas ré-édités, mériteraient grandement de l’être.
Au delà de l’« espiègle vision de l’univers »* qui transparaît naturellement dans l’œuvre de cette jeune fille, le lecteur ne peut pas ne pas percevoir l’exceptionnelle maturité d’un esprit très tôt construit, lucide, sensible jusqu’à pouvoir exprimer à 15 ans avec simplicité et dans une langue pure, les affres de la douleur et la profonde sagesse qui leur répond. Un juste regard humain et une sensibilité poétique souvent à la mesure de certains vers inoubliables qui peuplent nos anthologies.
Nombreux, et pas des moindres, avec juste raison ont crié au génie. L’un d’eux, Alain Bosquet, écrivait, entre autres éloges à la jeune prodige, 30 ans après le décès de celle-ci, lorsque furent enfin édités ses poèmes : « Sans avoir connu la vie, Sabine Sicaud va mourir. Ses poèmes, illuminés d’une tristesse où tout est à la fois résignation et grandeur, disent un drame haussé au niveau de l’universel. La langue est d’une simplicité qui convient aux œuvres que le temps ne peut entamer : là tout est clair, rigoureux, irremplaçable. » **
Mais, enfin, qu’on veuille bien ne pas faire de comparaison trop hâtive avec une autre jeune prodige éphémère des années 1960, Minou Drouet. Rejoignons en confiance cette édifiante remarque à propos de notre contemporaine, émise par un poète incontestablement épris de beauté : « Pour moi la fraîcheur du délire enfantin a bien vieilli. Lisez plutôt Sabine Sicaud ».***
*Anna de Noailles in la préface du recueil « Poèmes d’enfant » publié en 1926
**Article dans la « Revue de Paris » – 1er trimestre 1959
*** « Une enfant de génie dont nous ne fîmes pas un phénomène » – Article de René Lacôte (1913-1971) paru dans « Les lettres françaises » (04/12/1958)