Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
*Kuusi: l’épicéa, en finnois ; en anglais, the spruce.
Jardin d’Albert Khan (www.frawsy.com)
« En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains » […]
Jacques Prévert (« Histoires » – 1946)
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Clare Hammond – piano
Le compositeur finlandais Jean Sibélius, amoureux inconditionnel de la nature qui lui est également porte ouverte sur la métaphysique, écrit en 1914 cinq pièces pour piano dédiées à quelques arbres qui l’ont inspiré. « Kuusi », mouvement léger de valse nocturne, est la cinquième et dernière de ce recueil, « Les Arbres » – Opus 75.
Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère
Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ?
Quel chagrin t’a dicté cette parole amère,
Cette offense au malheur ?
Alfred de Musset (« Souvenir »)
Comme il est bon, quand la vie, parfois, décide de faire la mauvaise tête, voire, certains jours, de nous bousculer un peu fort du côté du cœur, d’aller se réfugier sous « l’arbre de l’oubli ».
Là, au moment apaisé où nos paupières s’abandonnent, il n’est pas rare qu’une petite mélodie toute simple, mais si douce, vienne tournoyer autour de nos chagrins. Les branches, même dépouillées par les vents froids de l’hiver, la gringottent pour nous. Comme les cordes de mille guitares leurs brindilles desséchées donnent la sérénade à l’âme alanguie.
Une invite à l’oubli !
Alberto Ginastera (argentine 1916-1983) – transcription pour deux guitares d’une Milonga (Canción al árbol del olvido) composée initialement pour piano.
Mais, soyons vigilants, car il arrive quelquefois, sous cet arbre, que l’on oublie d’oublier.
Poésie de Fernán Silva Valdés (Argentine 1887-1975)
Sur ma terre il y a un arbre
Qui s’appelle l’arbre de l’oubli
Où vont se consoler,
Petite vie,
Les moribonds de l’âme.
Pour ne pas penser à toi,
Sous l’arbre de l’oubli
Je me suis couché une nuit,
Petite vie,
Et je m’y suis bien endormi.
Et au sortir de mon rêve,
Une fois encore je pensais à toi,
Car j’ai oublié de t’oublier,
Petite vie,
Quand je me suis couché…
En mi pago hay un árbol, Que del olvido se llama, Donde van a consolarse Vidalita, Los moribundos del alma.
Para no pensar en vos, En el árbol del olvido, Me acosté una nochecita, Vidalita, Y me quedé bien dormido.
Al despertar de aquel sueño Pensaba en vos otra vez, Pues me olvidé de olvidarte, Vidalita, En cuantito me acosté.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy
L'oreille du taureau à la fenêtre De la maison sauvage où le soleil blessé Un soleil intérieur de terre Tentures du réveil les parois de la chambre Ont vaincu le sommeil Paul Eluard