Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Arthur Rimbaud – Le pont Mirabeau
C’est à pas lents et mesurés qu’il nous faut traverser les saisons de nos souvenirs pour ne surtout pas les déranger. – Au rythme tendrement nostalgique du poème de Barbara Auzou :
Pourquoi le son des cloches semble-t-il plus alerte au jour levant et plus lourd à la nuit tombante ? J’aime cette heure froide et légère du matin, lorsque l’homme dort encore et que s’éveille la terre. L’air est plein de frissons mystérieux que ne connaissent point les attardés du lit. On aspire, on boit la vie qui renaît, la vie matérielle du monde, la vie qui parcourt les astres et dont le secret est notre immense tourment.
Guy de Maupassant – Sur l’eau
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Drew Henderson joue
« Campanas del alba »
de Eduardo Sainz de la Maza (1903-1982)
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Qu’il serait doux le son des cloches s’il n’y avait parmi les hommes tant de mal !
Bertolt Brecht – La résistible ascension d’Arturo Ui
… Ida Presti, dont le legato sublime – jamais égalé – et le savoureux vibrato porté par un sens lyrique inné, pouvaient s’exprimer en toute plénitude.
Danielle Ribouillault Musicologue, fondatrice et rédactrice en chef des ‘Cahiers de la guitare‘ (2006)
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— Oui, c’est ASTURIAS d’Isaac Albeniz, mille fois jouée par les plus grands guitaristes qui, mille fois, nous ont étourdis par leur talent, leur sonorité et leur virtuosité.
— Non, il n’existe pas d’interprétation enregistrée (malgré la piètre qualité technique de cet enregistrement-là) aussi pure, aussi virtuose et aussi belle – pardon Maître Segovia ! – que celle de la « Reine » Ida Presti.
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Sensible, sensible, passionnée, d’un extrême sérieux, c’était un génie. Aucun guitariste de toute ma vie ne m’a jamais ému comme elle l’a fait. Elle était la musique in persona. Je crois qu’elle était le meilleur guitariste de notre siècle. Elle était quelque chose d’inexplicable.
Alexandre Lagoya (1929-1999)
Guitariste exceptionnel, son mari depuis1953
Pendant une courte période, nous avons eu un génie parmi nous et il est presque impossible d’en rencontrer un autre de ce genre au cours de notre vie.
John W. Duarte (1919-2004) Guitariste, compositeur
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Au décès soudain, en pleine fleur de l’âge, d’Ida Presti, en avril 1967, John Duarte, à travers sa tristesse, composa, en mémoire de son amie qu’il admirait tant, « Idylle pour Ida ».
C’est en reine, elle-même, de l’instrument que Berta Rojas donne à ce bel hommage musical en l’honneur de sa prodigieuse aînée, l’écho qu’il mérite.
Nous pouvons discuter le tango et nous le discutons, mais il renferme, comme tout ce qui est authentique, un secret.
Jorge Luis Borges
Pour moi, le domaine d’élection du tango a toujours été l’oreille plutôt que les pieds.
Astor Piazzolla
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Chloe Chua (violon) & Kevin Loh (guitare)
Astor Piazzolla – « Café 1930 » (« Histoire du Tango – II »)
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« Le tango nous offre à tous un passé imaginaire » disait encore Borges que le sujet passionnait. (« Que les sujets » devrais-je écrire : le tango… et l’imaginaire !).
A n’en pas douter, eu égard à leur très jeune âge, ce n’est qu’à travers les récits, les documents historiques et les partitions que ces deux très jeunes musiciens d’exception ont découvert le tango et son époque. Peut-être même n’avaient-ils jamais entendu le mot « bordel » auparavant… ? Mais cette connaissance, aussi développée soit-elle, même associée à l’excellence de la technique instrumentale, saurait-elle seule suffire à insuffler à une interprétation musicale autant de profondeur et d’authenticité expressive ?
Je veux croire que c’est dans ce « passé » qui, à l’évidence, n’appartient ni à leur génération ni à leur culture, – « imaginaire » donc – qu’ils puisent, au-delà d’eux mêmes, la justesse de leur captivante interprétation. Quelle plus belle manière de transmettre « L’Histoire du Tango » racontée en musique par l’un de ses plus fervents admirateurs et serviteurs, Astor Piazzolla.
On y cause en argomuche
Et Pantin se dit Pant’ruche
Ménilmontant, Ménil’muche
Et le temps n’y change rien.
Jean-Roger Caussimon – « Paris jadis », 1977
Willy Ronis – Ménilmontant-Belleville – 1959
Ménilmontant par Edouard Boubat (1956)
Je suis pas poète
Mais je suis ému
Et dans ma tête
Y a des souvenirs jamais perdus
Charles Trénet (1913-2001) « Ménilmontant » – 1938
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Voix et guitare : Marion Lenfant-Preus
Guitare : Joscho Stephan
Basse : Volker Kamp
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Mais l’éternelle version originale par « le fou chantant » :
Ménilmontant est un ancien faubourg de Paris. Il est un des hameaux annexés par la capitale en 1860 sous l’impulsion du baron Haussmann dans le cadre des grands travaux de transformation de la ville.
Sa position géographique élevée en fit longtemps un point d'alimentation en eau de la ville de Paris.
Le quartier demeuré très populaire est aujourd'hui l'un des plus cosmopolites de la capitale. Associé inséparablement avec le quartier voisin, Belleville, il en constitue le 20ème arrondissement.
A. Barrios (1885-1944) – M. Cardozo Ocampo (1907-1982) – A. Piazzola (1921-1992)
Agustin Barrios Mangoré – 1934
Paraguayen, Pinchi Cardozo Ocampo, à l’instar de tous ses compatriotes, nourrissait une totale considération pour l’immense compositeur et guitariste classique qu’était Agustin Barrios, légende nationale, qui, ayant adopté le nom de « Mangoré » – chef des indiens guaranis lors de la résistance contre les espagnols – n’hésitait pas à apparaître parfois sur scène en tenue traditionnelle de sa tribu.
Musicien émérite lui-même, pleinement dévoué au folklore musical de son pays, et devenu la référence de la musique populaire paraguayenne, Cardozo Ocampo éprouvait également une profonde admiration pour son confrère argentin, maître du tango et du bandonéon, Astor Piazzola.
Il s’était donc amusé à imaginer une improbable rencontre entre ces deux figures incontournables de la musique sud-américaine, et avait alors écrit, à partir du célèbre Prélude en Do mineur pour guitare d’Agustin Barrios, un arrangement pour guitare et bandonéon, mêlant ainsi en un duo intime leurs chants supposés.
Interprété il y a quelques mois, en pleine période de confinement, depuis son appartement de Boston, par la très grande guitariste paraguayenne, Berta Rojas, rejointe virtuellement pour l’occasion par la jeune et brillante bandonéoniste de Buenos-Aires, Milagros Caliva, ce prélude fait de l’auditeur le témoin ému d’une délicate confidence à deux voix.
A partir d’un certain degré l’émotion ne permet plus la conservation du secret…
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One runs out of superlatives when writing about Berta Rojas, it has all been said before, countless times.*
Classical Guitar Magazine
* On manque de superlatifs lorsqu’on écrit sur Berta Rojas, tout a déjà été dit, un nombre incalculable de fois.
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Pour prolonger le plaisir, l’intégralité de la « Home session » consacrée en 2020 par Berta Rojas au compositeur de sa vie, en compagnie de ses invités à distance :
Oui, de toi nous avons entendu : Le vrai silence est au bout des mots Mais les mots justes ne naissent Qu’au sein du silence De même La vraie voie se continue par la voix Mais la juste voix ne surgit qu’au cœur de la voie.
François Cheng – Qui dira notre nuit
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Le vase donne une forme au vide, et la musique au silence.
Georges Braque
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Stephanie Jones (guitare) Sound of Silence (Simon & Garfunkel)
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul.
[…]
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
Marcel Proust (« Du côté de chez Swann »)
Ψ
Sont-ils nombreux les chemins qui mènent au souvenir des êtres chers disparus : prière chuchotée à la flamme tremblotante d’une bougie, pierre blanche déposée sur le marbre défraîchi d’une tombe, fleur séchée retrouvée entre les vers surannés d’un vieux poème, arôme proustien d’un dernier café ensemble partagé…
Seul, retiré dans la paisible indolence d’un temple de nature, l’excellent guitariste mexicain Pablo Garibay fait tendrement frissonner les cordes de son instrument aux harmonies aromatiques du souvenir d’un dernier café qu’ils burent ensemble, son père et lui.
Suave méditation !
« El último café juntos »
(Notre dernier café ensemble)
Compositeur Simone Iannarelli
(Professeur de guitare né à Rome, enseignant à l’université de Colima, au Mexique)
C’est dans la rêverie que nous sommes des hommes libres.
Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie)
Alors le rêveur est tout fondu en sa rêverie. Sa rêverie est sa vie silencieuse. C’est cette paix silencieuse que veut nous communiquer le poète.
Heureux qui connaît, heureux même qui se souvient de ces veillées silencieuses où le silence même était le signe de la communion des âmes !
Avec quelle tendresse, se souvenant de ces heures, Francis Jammes pouvait écrire : ……… « Je te disais tais-toi quand tu ne disais rien. »
Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie – PUF – 1960/68 / p. 52)
§
Stefanie Jones joue un arrangement de « The Sound of Silence »
de Simon & Garfunkel
To-morrow, and to-morrow, and to-morrow,
Creeps in this petty pace from day to day,
To the last syllable of recorded time;
And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death.
William Shakespeare – Macbeth (Acte V – Scène 5)
Demain, et puis demain, et puis demain, Glissent à petits pas d’un jour à l’autre Jusqu’à la dernière syllabe du registre des temps ; Et tous nos hiers n’ont fait qu’éclairer pour des fous La route de la mort poussiéreuse.
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.
Anna de Noailles (‘L’offrande à la Nature’)
Entre les doigts virtuoses – ô combien ! – de cette gracieuse et formidable jeune guitariste australienne, Stephanie Jones, un bouquet de senteurs sonores, baptisé ‘Cielo Abierto‘ (Ciel Ouvert), par son compositeur, le guitariste argentin contemporain Quique Sinesi.
Les parfums du monde s’y donnent un vibrant rendez-vous : remugles des anciens bordels des quais du Rio de la Plata où rivalisaient jadis les danseurs de tango chers à Borges, effluences syncopées des vapeurs de fumée et d’alcool tout droit venues du Blue Note ou du Village Vanguard, senteurs d’amande ou de vanille des partitions vieillies de nos maîtres anciens…
sublimes excoriations d’une chair fraternelle et jusqu’aux feux rebelles de mille villages fouettée arènes feu
mât prophétique des carènes feu
vivier des murènes feu feu feux de position d’une île bien en peine feux empreintes effrénées de hagards troupeaux qui dans les boues s’épellent
morceaux de chair crue crachats suspendus éponge dégouttant de fiel
valse de feu des pelouses jonchées des cornets qui tombent de l’élan brisé des grands tabebuias feux tessons perdus en un désert de peurs et
de citernes os
feux desséchés jamais si desséchés que n’y batte un ver sonnant sa chair neuve semences bleues du feu feu des feux témoins d’yeux qui pour les folles vengeances s’exhument
et s’agrandissent
pollen pollen
et par les grèves où s’arrondissent les baies nocturnes des
doux mancenilliers
bonnes oranges toujours accessibles à la sincérité des
soifs longues
Aimé Césaire 1913-2008
in « Ferrement » – 1960 (source : wikipoemes.com)
• • •
Roxane Elfasci interprète le 3ème mouvement – « Fuoco » de la « Libra sonatine », composée par Roland Dyens (guitariste virtuose, compositeur, arrangeur et grand improvisateur français, mort en 2016).
Dominique Ponnau (Directeur honoraire de l’École du Louvre)
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Qui, si je criais, m’entendrait donc, d’entre les ordres des anges ? et supposé même que l’un d’eux me prît soudain contre son cœur, je périrais de son trop de présence. Car le beau n’est rien que ce commencement du Terrible que nous supportons encore, et si nous l’admirons, c’est qu’il dédaigne, indifférent, de nous détruire. Tout ange est terrifiant.
R. M. Rilke, « Les élégies de Duino », traduction de Philippe Jaccottet (La Dogana, 2008, p. 9)
Ange-gardien (« Entidade »)*
Il vient de loin, Il vient toujours, Il vient D’on ne sait quel monde. Profonde est sa connaissance car elle vient de l’au-delà.
Son temps ne se compte pas en secondes, Pour lui le temps n’existe pas ; À y penser plus profondément Son temps n’est le temps de personne.
Il vient de très loin, Il vient Et demeure toujours à tes côtés. Le passé lui appartient Et l’avenir aussi. Qu’est la vertu ? Qu’est le péché ? Il ne les définit ni ne s’en mêle Car bon ou mauvais Le temps de chacun est sacré.
C’est une présence étrange, Invisible, qui t’accompagne, Mais, crois-moi, Où que tu te tournes, Toujours Il te voit.
Ton chemin Il en décide, Il te guide et te protège Même quand par tes moqueries Tu te refuses à y croire.
Il est ombre, spectre, figure, Et c’est pour rester caché Qu’Il fait ainsi les choses, Ainsi qu’elles sont censées être.
Ne commets pas l’erreur De vouloir changer le destin, Il le connaît, depuis le tout début Et jusqu’après la fin.
*La traduction, très libre, a été réalisée par l’auteur de ce billet.
Le magistral guitariste et compositeur brésilien Yamandu Costa a beaucoup collaboré avec son grand aîné le poète contemporain Paulo Cesar Pinheiro. Leurs réussites communes sont nombreuses et heureuses.
Cette mélodie "Entidade" est un des titres du récent album de Yamandu, "Vento sul"(Vent du sud), un régal de chansons brésiliennes accompagnées par l'incomparable musicalité de la guitare à 7 cordes du compositeur virtuose. Le titre est particulièrement évocateur de cette présence invisible qui est supposée nous accompagner tout au long de notre chemin de vie... Yamandu a choisi les lumières méditatives, pâles et ombreuses, de ses cordes pour en préserver le mystère. Douce et suave, comme le chant rassurant d'une maman, la voix de MônicaSalmaso, chanteuse populaire brésilienne, distille une apaisante envie d'y croire.
Les pénibles jours d'isolement dûs à l'épidémie ont inspiré la générosité de Mônica : elle a réalisé à distance, chacun restant chez soi, avec un grand nombre d'artistes brésiliens, une série de vidéos musicales pour réconforter et égayer les tristes jours de ses compatriotes. Un vrai bonheur pour les amoureux de la chanson et des rythmes de ce pays.
Cette vidéo fait partie de cette série, "Ô de Casas", superbe, à la fois par les talents qui s'y produisent et la sincérité qui s'en dégage.
« Paradisi per tutti… » : La tentation est forte, n’est-ce pas, de se risquer à une traduction spontanée : Paradis pour tous… Bien sympathique spontanéité qui vient de gentiment nous piéger, nous conduisant à un double contresens – auquel, soyons en sûrs, chacun de nous survivra : D’abord parce qu’il ne s’agit pas des « paradis » auxquels nous aspirons tous, mais d’un claveciniste-compositeur italien du XVIIIème,Pietro-Domenico Paradisi (connu également sous cet autre patronyme de Pietro Domenico Paradies). Ensuite parce qu’il pourrait bien ici être question d’ « enfer », tant l’air de la fameuse toccata, entêtante et joyeuse, dont il est l’auteur, est capable de nous envahir des jours entiers, en tout lieu, à tout instant… Mais qui s’en plaindrait, dont l’âme, grâce à elle, sourit ?
Ce trait de virtuosité entendu, on ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il a séduit sans peine les instrumentistes de tout poil, aussitôt prompts à se l’approprier.
En 1754, à Londres, Paradisi publie un recueil de 12 sonates, très inspirées des Scarlatti père et fils, qui le fera connaître au-delà de son siècle bien plus que tout le reste de son œuvre. La VIème sonate, en La Majeur l’emmènera droit vers la postérité, et en particulier son second mouvement, « allegro », souvent appelé toccata bien qu’il n’en porte pas le titre, en raison de son caractère éminemment virtuose.
Voilà donc cette fameusetoccata partie pour conquérir le monde. Simple et enjouée, elle hypnotise les transcripteurs. Ainsi, de cordes en pistons, d’anches en claviers, de doigts en bouches et de bouches à oreilles traverse-t-elle le monde et les siècles. Jusqu’à atteindre sa consécration dans les années 1960, en devenant, dans une version orchestrale avec harpe, la musique des interludes de la télévision italienne (la RAI), chargée de surligner les images diffusées de différents villages de la botte.
« Per tutti… gli strumenti musicali » :
L'auteur de ce billet accepte avec plaisir sa responsabilité pour les cas d'addiction musicale que celui-ci aura pu déclencher.
La harpe et l’orchestre… dans la belle version diffusée alors par la RAI
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Le piano, par Eileen Joyce en 1938 : des ailes au bout des doigts
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Les guitares par Marko Feri & Janoš Jurinčič : qui se ressemble s’assemble ou peut-être l’inverse
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Le violon, par Itzhak Perlman : funambule filant de corde en corde
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La trompette et le trombone, par C. Regoli & F. Mazzoleni : à plein vent, à plein souffle, mais ensemble !
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L’orgue, par Frank Kaman : jeux d’anches, jeux d’anges
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Le jazz-band, par Lucio Fabbri : pour que la fête continue…
La guitarra hace llorar a los sueños. El sollozo de las almas perdidas se escapa por su boca redonda. Y como la tarántula, teje una gran estrella para cazar suspiros, que flotan en su negro aljibe de madera.
La guitare fait pleurer les songes. Le sanglot des âmes perdues s’échappe par sa bouche ronde. Et comme la tarentule, elle tisse une grande étoile pour chasser les soupirs qui flottent dans sa noire citerne de bois.
Traduction : Pierre Darmangeat
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Restée interdite pendant des siècles, la Zambra (traduction : "fête") est une tradition de danse et de musique espagnole aux racines multiples, maures, séfarades et gitanes. Espagnole à l'origine, la Zambra reçoit son qualificatif de "mora" (maure) lorsque les arabes et les berbères l'adoptent, entre le IXème et le XVème siècles, à l'occasion des festivités – plus particulièrement les mariages – qu'ils organisent. Les populations juives séfarades, souvent de langue arabe, et partageant avec les maures la même fuite vers les campagnes et les montagnes devant la conversion du pays au christianisme, l'adoptent également. Les gitans, persécutés eux aussi, réinventent cette tradition musicale lors de leur arrivée en Andalousie, à la fin du XVème siècle.
La Zambra Mora (ancêtre du Flamenco) se danse habituellement les pieds nus avec une jupe souple et généreuse, à volants, exprimant par des mouvements très proches de la danse du ventre, la sensualité passionnée de ces peuples opprimés dont elle est, d'une certaine manière, devenue un emblème.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy