
N’oublie pas…
N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili.
Elle est dans les chemins craquelés de l’été,
dans la paille des meules,
dans le bois sec de ton armoire,
… si tu sais bien l’entendre.
Elle est aussi dans le cœur du criquet.
Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir,
Ne nie pas le soleil.
Sabine SICAUD – Les poèmes de Sabine Sicaud (Stock, 1964)
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Quelques mots (peut-être nécessaires ?) sur Sabine Sicaud :

Cette très jeune poétesse, originaire du Sud-Ouest de la France, morte à quinze ans dans les souffrances d’une grave maladie des os, a laissé deux recueils de poèmes qui, s’ils ne sont pas ré-édités, mériteraient grandement de l’être.
Au delà de l’« espiègle vision de l’univers »* qui transparaît naturellement dans l’œuvre de cette jeune fille, le lecteur ne peut pas ne pas percevoir l’exceptionnelle maturité d’un esprit très tôt construit, lucide, sensible jusqu’à pouvoir exprimer à 15 ans avec simplicité et dans une langue pure, les affres de la douleur et la profonde sagesse qui leur répond. Un juste regard humain et une sensibilité poétique souvent à la mesure de certains vers inoubliables qui peuplent nos anthologies.
Nombreux, et pas des moindres, avec juste raison ont crié au génie. L’un d’eux, Alain Bosquet, écrivait, entre autres éloges à la jeune prodige, 30 ans après le décès de celle-ci, lorsque furent enfin édités ses poèmes : « Sans avoir connu la vie, Sabine Sicaud va mourir. Ses poèmes, illuminés d’une tristesse où tout est à la fois résignation et grandeur, disent un drame haussé au niveau de l’universel. La langue est d’une simplicité qui convient aux œuvres que le temps ne peut entamer : là tout est clair, rigoureux, irremplaçable. » **
Mais, enfin, qu’on veuille bien ne pas faire de comparaison trop hâtive avec une autre jeune prodige éphémère des années 1960, Minou Drouet. Rejoignons en confiance cette édifiante remarque à propos de notre contemporaine, émise par un poète incontestablement épris de beauté : « Pour moi la fraîcheur du délire enfantin a bien vieilli. Lisez plutôt Sabine Sicaud ».***
*Anna de Noailles in la préface du recueil « Poèmes d’enfant » publié en 1926
**Article dans la « Revue de Paris » – 1er trimestre 1959
*** « Une enfant de génie dont nous ne fîmes pas un phénomène » – Article de René Lacôte (1913-1971) paru dans « Les lettres françaises » (04/12/1958)
Le site consacré à Sabine Sicaud : https://www.sabine-sicaud.com/