Palingénésie jubilatoire

N’oublie jamais ceci : jouer du jazz, c’est comme raconter une histoire. Une fois la musique envolée et le morceau terminé, il ne doit rester que du bonheur… Sinon ça ne sert à rien. Strictement à rien !

Maxence Fermine (romancier)

Alors ce billet – je l’affirme – va servir à quelque chose !
Si tu n’arrives pas à perdre ta mauvaise humeur… Écoute !
Tes oreilles ne suffiront pas :
……………le jazz, quand il swingue comme ça, il s’écoute avec les pieds.

Samara Joy
« Can’t Get Out Of This Mood »

Ben Paterson (piano)
David Wong (basse)
Kenny Washington (batterie)

Allez ! Avoue ! Quand tu fermais les yeux, ostensiblement sous le charme, tu pensais un peu à Ella Fitzgerald ou à Sarah Vaughan ?
Tu n’es pas le seul à retrouver en Samara la grande classe des Divas du jazz qui chauffaient, à coups de 45 tours, l’ambiance de nos « boums » :

– En 2019, Samara remportait la « Sarah Vaughan International Jazz Vocal Competition » puis, en 2021, était nommée « Meilleure Nouvelle Artiste » par le magazine JazzTimes.

– Il y a une poignée de semaines, elle remportait le Grammy Award du meilleur nouvel artiste, – toutes catégories confondues – et celui du Meilleur album de jazz vocal.

Ah ! J’oubliais de te dire qu’elle ne chante le jazz que depuis cinq ans… et qu’elle a 23 ans !

Ella Fitzgerald 1917-1996

Depuis quand n’as-tu pas écouté « Lady be good », ce standard extrait de l’opéra éponyme des Gershwin, qui avait fait les premières gloires d’Ella dans ses interprétations uniques ?
Tiens, comme un cadeau, voici Samara, en dilettante, incarnant la First Lady of Swing, lors d’un « boeuf » avec Emmet Cohen et son trio (Russell Hall à la contrebasse et Kyle Poole à la batterie).

Alléluia ! Notre jazz est bien vivant !

.

Je pourrais dire du jazz que c’est un mélange d’élégance et de souplesse, que c’est la magie de l’instant, comment dire ? un léger détachement, un équilibre fragile et émouvant…Quelque chose comme ça.

Francis Dannemark (romancier et poète belge)

‘Social call’

C’est une langue si délicate le Scat
vaut mieux défaire sa cravate
pour le Scat
c’est pas le Magnificat
c’est plus facile qu’une cantate
mais faut la langue acrobate
pour le Scat

Michel Jonasz – chanson « Le Scat »

Nul besoin de téléphone portable pour un « social call ». Croyons donc les traducteurs, c’est d’une visite dont il est question. Amicale au demeurant, amoureuse, pourquoi pas ? – On n’a pas trouver plus intime que le tête à tête pour communiquer dans ces cas-là…

Oh ! On échangera bien quelques reproches au milieu des heureux souvenirs…

Mais avec un sourire jazzy, à l’ancienne, un poil de swing, un zeste de scat et du groove plein la voix, autour d’un bon vieux standard des années 1950, les choses pourraient bien ressembler aux retrouvailles de Benny Benack et Veronica Swift devant leur micro.

Pas mal, non ? Jazz is back !

I’ll wait for you tonight !  🎶 Doo be doya bop dee dee !!! 🎶

Benny

Happened to pass your doorway
Gave you a buzz, that’s all
Lately, I’ve thought lots about you
So I thought I’d pay a social call

Veronica

Do you recall the old days?
We used to have a ball

Benny

Not that I’m lonesome without you
I just thought I’d pay a social call

Veronica

I thought I’d say
Things are just swell
But to tell the truth
I haven’t been so well
And if you should try to kiss me

I promise that I won’t stall

Benny

Maybe we’ll get back together

Benny & Veronica

Starting from this incidental
Elemental
Simple social call

Benny

Do you remember all the good times that we had my baby girl?
I’ll never forget you’ve got the greatest smile in the world
Oh, my sugarplum fairy, don’t hold a grudge
I simply had to say hello once more

And am I insane
Or do I really see a world where you and I could be together, forever
When, buttercup, don’t slam the door in my face
Unless you really wanna spill my heart all over the place

Oh, I guess we’re going to spend a lot of time hanging out like this
I’m tryna break my habit of you
But, since we weren’t back together I suppose we should start anew
Dear, what do you say?

Oh! I can’t take it
My! Heart is breaking
I’m laying it on the line

If you can find it in your mind that there just a little
Itsy, bitsy, chance that you might miss me
Let’s give it a whirl

Veronica

Baby, we’ve played this game a thousand million times
I should throw your heart in jail for all of its crimes
You say that you love me and I think that it’s true
But why should I just sit at home awaiting for you

When we’re together, it’s always stormy weather
And I really feel like sittin’ on a beach, with you out of reach
Whenever you smirk, I get weak in the knees
But if you’re a jerk, I’ll tune out all of your pleas

Well I suppose just one drink couldn’t hurt
But just one, nothing more
I’m onto all of your tricks
But if you slip up, I’ll show you the door

I must be crazy, but I’m coming around
But if you do me wrong, I’ll run you out of this town
I guess that I could give you one more chance now
To prove you’re the man who can love me everyday

And never leave my side ever again

Benny & Veronica
(Scatting)

Veronica

If you should try to kiss me baby
I promise I won’t stall

Benny

Maybe we’ll get back together

Benny & Veronica

Starting from this incidental
Elemental
Simple social call

Mais vieillir… ! – 20 – ‘Yesterday’

Oh, yesterday came suddenly

Oh, I believe in yesterday  

Paul McCartney

« Yesterday »

Madame Shirley Horn

Why he had to go I don’t know he wouldn’t say
I said something wrong, now I long for yesterday

Yesterday
All my troubles seemed so far away
Now it looks as though they’re here to stay
Oh, I believe in yesterday

Suddenly
I’m not half the girl I used to be
There’s a shadow hanging over me
Oh, yesterday came suddenly

Why he had to go I don’t know he wouldn’t say
I said something wrong, now I long for yesterday

Yesterday
Love was such an easy game to play
Now I need a place to hide away
Oh, I believe in yesterday

Why he had to go I don’t know he wouldn’t say
I said something wrong, now I long for yesterday

Yesterday
Love was such an easy game to play
Now I need a place to hide away
Oh, I believe in yesterday

Too many musicians rush through everything with too many notes. A ballad should be a ballad. It’s important to understand what the song is saying, and learn how to tell the story. It takes time. I can’t rush it. I really can’t rush it.

Shirley Horn

Trop de musiciens se précipitent à travers tout avec trop de notes. Une ballade doit être une ballade. Il est important de comprendre ce que dit la chanson et d'apprendre à raconter l'histoire. Ça prend du temps. Je ne peux pas me précipiter. Je ne peux vraiment pas me précipiter.

Hallelujah ! Joyeux Noël !

 Jean Baylor accompagnée au piano par Emmet Cohen :

‘Hallelujah !’

Et aussi sur ‘Perles d’Orphée

avec
Laurence Equilbey et l’ensemble Accentus :

Dietrich Buxtehude :

Alleluia ! Joyeux Noël

De l’amour le doux tourment

Suis-je amoureux ? – Oui, puisque j’attends.

Roland Barthes – ‘Fragments d’un discours amoureux’ (Seuil – 1977)

E benedetto il primo dolce affanno
Ch’i’ ebbi ad esser con Amor congiunto,
E l’arco e la saette ond’ i’ fui punto,
E le piaghe, ch’infino al cor mi vanno.

Et bénis soient aussi le premier doux tourment
Que je sentis à être avec Amour lié,
Et son arc et ses traits, dont je fus transpercé,
Et la plaie qui pénètre au-dedans de mon cœur.
Pétrarque, Canzoniere (1374), sonnet LXI – trad. A. Rochon
(Gallimard 1994)

Claudio Monteverdi
(Cremona 15 mai 1567 – Venezia 29 novembre 1643)

Ah ! le doux tourment de l’amour !

Témoignage irrécusable de la contradiction constitutive de notre psyché, cet oxymore, que le temps n’a affecté d’aucune ride, aura parcouru les âges, jusqu’à notre propre cœur, à travers les soupirs des amants, certes, entre les lignes des romanciers et les répliques des dramaturges, sur les vers des poètes, et, naturellement, à travers les refrains et les ritournelles d’amour aux accents métissés de rires et de larmes.

En est-il un plus séduisant exemple musical que ce madrigal désormais célèbre, ‘Si dolce è’l tormento’, que composa en 1624 le génial Claudio Monteverdi sur les vers de Carlo Milanuzzi, son contemporain ?

— Aussi nous réjouissons-nous toujours à son écoute dans la tradition ‘baroque’, surtout quand est aussi belle son interprétation :

Mariana Florès (soprano)

Ensemble ‘Cappella Mediterranea’
Direction Leonardo García Alarcón

— Mais n’adorerions-nous pas nous laisser emporter, par une adaptation inattendue, dans les profondeurs de la voix d’une formidable chanteuse de ‘folk’ & ‘blues’ qu’escorteraient, bienveillants et graves, les arpèges d’un banjo ténor ?

Rhiannon Giddens

Francesco Turrisi (banjo)

Si doux est le tourment
dans ma poitrine
que je vis heureusement
pour une beauté cruelle.
Au paradis de la beauté,
que la cruauté grandisse
et que la miséricorde manque :
car ma foi sera toujours
comme un roc,
face à l’orgueil.
.
Que l’espoir trompeur
se détourne de moi,
que ni la joie ni la paix
ne descendent sur moi.
Et que la méchante fille
que j’adore
me prive du réconfort
de la douce miséricorde :
au milieu d’une douleur infinie,
au milieu d’un espoir trahi,
ma foi survivra.
.
Le cœur dur
qui m’a volé le mien
n’a jamais ressenti la flamme de l’amour.
La beauté cruelle
qui a charmé mon âme
refuse la miséricorde,
qu’il souffre donc,
repentant et languissant, et
qu’il soupire un jour pour moi.

C’est le désir d’être aimé, quand on aime, qui fait les grands tourments. Une âme qui serait assez pure et assez dévouée pour ne rien demander, que d’aimer, serait heureuse ; car aimer, c’est déjà le bonheur.

Duchesse Permon Junot d’Abrantès (1784-1838)

Mais vieillir… ! – 16 – Place de l’enfance

En dehors de l’enfance et de l’oubli, il n’y a que la grâce qui puisse vous consoler d’exister ou qui puisse vous donner la plénitude, le ciel sur la terre et dans le cœur.

Eugène Ionesco – Journal en miettes (1967)

Facétieuse sagesse de l'âge :

Un vieux monsieur, ostensiblement agacé de ne pouvoir retrouver son chemin dans les quartiers de sa jeunesse transformés par les reconstructions récentes, avise un passant, au moins aussi âgé que lui, mais qui semble parfaitement à l'aise dans ce décor moderne, et lui demande sa route :

Pourriez-vous m'indiquer, je vous prie, la "Place de l'Enfance"?

Bien sûr ! répond gracieusement le passant. Là ! dit-il dans un généreux sourire en pointant son index sur le sein gauche de son interlocuteur.

‘Young at heart’

Ballade composée en 1953 par Johnny Richards
Paroles de Carolyn Leigh
Répertoire de Frank Sinatra

Emmet Cohen – Piano
Lucy Yeghiazaryan – Vocals
Benny Benack III – Trumpet
Mark Lewandowski – Bass
Joe Farnsworth – Drums

Les contes de fées peuvent devenir réalité
Et cela pourrait aussi t’arriver
Si tu gardes ton âme d’enfant.

Tu trouveras bien difficile
De garder l’esprit étroit
Avec le cœur d’un d’enfant.

Ainsi tu peux toujours viser la lune
Avoir d’impossibles projets,
Tu peux même rire quand tes rêves
En poussière sont balayés.

La vie est plus passionnante chaque jour qui s’enfuit,
L’amour est dans ton cœur, ou il est sur le chemin.

Ne sais-tu pas que ça vaut
Tous les trésors de la terre
De garder son âme d’enfant ?

Pour aussi riche que tu sois
Il est bien meilleur, et de loin
De rester jeune dans ton cœur !

Et si tu vis jusqu’à cent ans
Regarde tous les cadeaux de la vie,
Et surtout le plus beau d’entre eux :
Avoir reçu le privilège
De préserver ton cœur d’enfant !

Ménilmontant – Ménil’manouche

On y cause en argomuche
Et Pantin se dit Pant’ruche
Ménilmontant, Ménil’muche
Et le temps n’y change rien.

Jean-Roger Caussimon – « Paris jadis », 1977

Je suis pas poète
Mais je suis ému
Et dans ma tête
Y a des souvenirs jamais perdus

Charles Trénet (1913-2001)
« Ménilmontant » – 1938

§
.
Voix et guitare : Marion Lenfant-Preus
Guitare : Joscho Stephan
Basse : Volker Kamp

§

Mais l’éternelle version originale par « le fou chantant » :

Ménilmontant est un ancien faubourg de Paris. Il est un des hameaux annexés par la capitale en 1860 sous l’impulsion du baron Haussmann dans le cadre des grands travaux de transformation de la ville.
Sa position géographique élevée en fit longtemps un point d'alimentation en eau de la ville de Paris.
Le quartier demeuré très populaire est aujourd'hui l'un des plus cosmopolites de la capitale. Associé inséparablement avec le quartier voisin, Belleville, il en constitue le 20ème arrondissement.

Alfonsina : encore et toujours !

Y te vas hacia allá como en sueños
Dormida, Alfonsina, vestida de mar*

Paroles de la chanson « Alfonsina y el mar »

*Et tu t’en vas là-bas, comme dans un rêve,
Endormie, Alfonsina, et toute vêtue de mer

Stèle d’Alfonsina Storni à Mar del Plata

Depuis sa création par Mercedes Sosa, en 1969, cette chanson de Ariel Ramirez et Félix Luna, « Alfonsina y el mar », inspirée par le triste destin de la poétesse argentine Alfonsina Storni, nous a charmés et émus à travers bien des interprétations, pourtant très différentes les unes des autres.

En voici une nouvelle, aussi originale qu’inattendue, elle aussi pleine de charme, de poésie et d’émotion… et plus encore. Elle nous est offerte par l’iconique bassiste de jazz, Richard Bona et son complice, le pianiste cubain Alfredo Rodriguez, depuis le Festival de Jazz de Vienne (Isère) en juillet 2021.

Un enchantement, le trait d’humour en plus !

Les très jeunes « Perles d’Orphée », en décembre 2012, avaient consacré un billet à cette douce chanson et à l’histoire de cette « Ophélie » argentine dont le destin tragique inspira la délicate sensibilité des auteur et compositeur :

Alfonsina y el Mar

Mon rêve de Noël – 2/2 – Il fait si froid dehors !

Nous terminions à peine l’une des dernières mini bouteilles du non moins mini réfrigérateur quand, sans se départir de son charmant sourire qui m’aurait fait me damner, Nicki m’annonça qu’elle devait rentrer.

Aux fallacieux arguments qu’elle invoquait – la colère de son père, l’inquiétude de sa sa mère, les soupçons de sa sœur, les cancans des voisins… – je ne trouvais, pour la retenir, qu’un seul argument, bien banal : « Chérie, il fait froid dehors ! »
Et, alors qu’à mon grand désespoir j’étais prêt à abdiquer, je décidais, stratégie ultime, de dire, à mon tour, que je devais partir…

Elle n’a pas voulu que j’attrape froid.

Et comme je m’apprêtais à lui servir un verre de Limoncello, pour mieux encore continuer ce doux tête-à-tête qu’aucun de nous deux, au vrai, ne souhaitait interrompre, je reçus violemment en plein visage le bouchon d’une bouteille de champagne ouverte avec trop d’enthousiasme par un maladroit Père Noël qui s’agitait au milieu d’une publicité télévisée.

Quel réveil !…  Quel rêve !

Mon rêve de Noël – 1/2 – A l’Est du soleil…

Ma journée avait été épuisante. Cavaler depuis le matin à travers New-York, la veille de Noël, sous la neige, au milieu d’une foule plus affairée que jamais se pressant en tous sens entre les flashs aguicheurs des enseignes, les explosions lumineuses des publicités, et les clignotements incessants des guirlandes enroulées autour des sapins, avait usé mon énergie jusqu’à la corde.

Quel bonheur, lorsque de retour dans le calme de ma luxueuse chambre d’hôtel, à deux pas du Whitney Museum, je me suis jeté dans les bras de la bien accueillante bergère en velours rouge qui n’attendait que mon corps éreinté.
Le temps d’un clic sur la télécommande et déjà d’autres bras m’emportaient…

Vers dix-neuf heures trente, comme je descendais du « yellow cab » qui, après une vingtaine de minutes de trajet, venait de me déposer à Madison, devant le « Shangaï Jazz Restaurant », je perçus les premiers échos de la voix de Nicki Parrot, bassiste de grand talent et chanteuse de jazz à la voix si enjôleuse. Rossano Sportiello l’accompagnait au piano. A l’évidence ma soirée new-yorkaise commençait sous les meilleurs auspices.

A peine avais-je passé la commande de mon dîner chinois que je sentis se poser sur moi un regard doux et gracieux. Nicki, embrassant sa contrebasse, venait d’entonner à mon intention, par quelques scats rythmés « East of the sun, West of the moon », une chanson composée dans les années 1930 par un jeune étudiant de l’Université de Princeton, et devenue depuis un standard du jazz vocal.

D’un coup, la salle s’était vidée. Nicki ne chantait que pour moi. Folle déclaration d’amour, invite au bonheur partagé, loin du monde.

Just you and I, forever and a day
Love will never die because we’ll keep it that way
Up among the stars we’ll find a harmony of life to a lovely tune
East of the sun and west of the moon *

M’étais-je jamais senti aussi léger ?

Incapable de choisir entre les expressions de son regard tant il se partageait entre charme et humour, amabilité et passion, je m’y noyais. Ses paroles coulaient en moi comme le miel le plus doux. Nous embarquions heureux, et en rythme, vers l’Est du soleil, vers l’Ouest de la lune, pour toujours et un jour…

Non sans passer prendre un dernier verre à l’hôtel, dans ma chambre…

* Juste toi et moi pour toujours et un jour.
Notre amour ne mourra jamais car c'est ainsi que nous le construisons,
cachés dans un chant harmonieux au milieu des étoiles,
à l'est du soleil, à l'ouest de la lune.

A suivre…

Des ronds et des spirales…

Le petit garçon qui jette des cailloux dans la rivière et regarde les ronds formés à la surface de l’eau admire en eux une œuvre, qui lui donne à voir ce qui est sien. Ce besoin passe par les manifestations les plus variées et les figures les plus diverses avant d’aboutir à ce mode de production de soi-même dans les choses extérieures tel qu’il se manifeste dans l’œuvre d’art.

Friedrich Hegel – Cours d’esthétique (1818-1829)

When you knew that it was over you were suddenly aware
That the autumn leaves were turning to the color of her hair!

Quand tu as su que c'était fini tu t'es soudain rendu compte
Que les feuilles de l'automne prenaient la couleur de ses cheveux!

Sinne Eeg – The Windmills Of Your Mind

Piano : Jacob Christoffersen
Batterie : Morten Lund
Basse : Morten Ramsbøl

Festival de Jazz d’Orange – 2012

Round like a circle in a spiral, like a wheel within a wheel
Never ending or beginning on an ever-spinning reel
Like a snowball down a mountain, or a carnival balloon
Like a carousel that’s turning running rings around the moon
Like a clock whose hands are sweeping past the minutes of its face
And the world is like an apple whirling silently in space
Like the circles that you find in the windmills of your mind!

Like a tunnel that you follow to a tunnel of its own
Down a hollow to a cavern where the sun has never shone
Like a door that keeps revolving in a half-forgotten dream
Or the ripples from a pebble someone tosses in a stream
Like a clock whose hands are sweeping past the minutes of its face
And the world is like an apple whirling silently in space
Like the circles that you find in the windmills of your mind!

Keys that jingle in your pocket, words that jangle in your head
Why did summer go so quickly, was it something that you said?
Lovers walking along a shore and leave their footprints in the sand
Is the sound of distant drumming just the fingers of your hand?
Pictures hanging in a hallway and the fragment of a song
Half remembered names and faces, but to whom do they belong?
When you knew that it was over you were suddenly aware
That the autumn leaves were turning to the color of her hair!

Like a circle in a spiral, like a wheel within a wheel
Never ending or beginning on an ever-spinning reel
As the images unwind, like the circles that you find
In the windmills of your mind!

L’amour au temps de… la pandémie

Dans le malheur, l’amour devient plus grand et plus noble.

Gabriel Garcia-Marquez
(« L’amour au temps du choléra » – 1985)

May all your storms be weathered
And all that’s good get better *

Shirley Horn – « Here’s to life »

* Puisses-tu surmonter toutes tes tempêtes
   Et embellir tous tes bonheurs

En 2011, vision prémonitoire pour le moins, David Mackenzie réalise un film, « PERFECT SENSE »,  dont le synopsis est le suivant :
Le monde des humains est frappé par une étrange épidémie qui détruit progressivement les cinq sens des personnes atteintes par le virus. Le monde perd ses repères, ses équilibres. Au cœur de cette tragédie un cuisinier, que la pandémie prive d’une large part de son activité, et une brillante infectiologue, aussi engagée que perplexe, tombent amoureux…
Une voix off conduit le récit entre effroi et romantisme jusqu’à une scène finale particulièrement poignante.

Un youtubeur dont je ne connais que la signature, OS. BEND, a eu, il y a peu, la belle idée de réaliser un montage de quelques images du film sur un standard du Jazz vocal, aussi cher à mes oreilles qu’à mon cœur, – qui, précision importante, n’est pas la musique originale du film, composée par Max Richter.  Cette judicieuse bande son de substitution c’est « Here’s To Life », de et par Shirley Horn dans la superbe version qu’elle enregistra aux studios Verve en 1992.

Ce talentueux mixage, par l’harmonie qu’il entretient entre les images choisies, la grâce naturelle des deux acteurs, Eva Green et Edward McGregor, qui les enlumine, et la voix magique de Shirley Horn, si simplement romantique, ajoute au souvenir de ce film un très émouvant supplément de poésie.
L’amour, comme un sixième sens que la catastrophe n’atteint pas…

No complaints and no regrets
I still believe in chasing dreams and placing bets
But I had learn that all you give is all you get
So give it all you got
.
I had my share
I drank my fill
And even though I’m satisfied
I’m hungry still
To see what’s down another road beyond the hill
And do it all again
.
So here’s to life
And every joy it brings
So here’s to life
To dreamers and their dreams
.
Funny how the time just flies
How love can go from warm hellos
To sad goodbyes
And leave you with the memories you’ve memorized
To keep your winters warm
.
For there’s no yes in yesterday
And who knows what tomorrow brings or takes away
As long as I’m still in the game
I want to play
For laughs for life for love
.
So here’s to life
And every joy it brings
Here’s to life
For dreamers and their dreams
May all your storms be weathered
And all that’s good get better
Here’s to life
Here’s to love
Here’s to you
May all your storms be weathered
And all that’s good get better
.
Here’s to life
Here’s to love
Here’s to you

— ¤ —

En décembre 2020, un billet publié sur « De Braises et d’Ombre » :

Here’s to life

Old fashion…

C’est en copiant qu’on invente. (Paul Valéry)

Tatiana Eva-Marie and the Gotham City Band :

Mike Davis – trompette
Ricky Alexander – clarinette
……Jim Fryer – trombone
………Jay Lepley – batterie
…………Nick Russo – guitare
……………Terry Waldo – piano (Maître incontesté du Ragtime)

« Take a picture of the moon »

Ω

La mode se démode, le style jamais.(Coco Chanel)

Do you ever get a disappointment
Just because the moon don’t shine
Do you ever sit around and mope
Groan a little bit and give up hope
There’s a way to keep a love appointment
Even though the moon don’t shine
Should yours be a case like this
Try this plan of mine:
Take a picture of the moon above
In May or June
Then you could make love
Morning night or noon
By the light of the same old moon

Take a picture of the moon in high
When it’s inside
Then you could be dry on the rainy night
When you feel like you are to spoon
You have the proper atmosphere
When you’re cuddlin someone
Take up little photograph
You can love and laugh
At the blazing sun
Take a picture of the moon above
In May or June
Then you could make love
Morning night or noon
By the light of the same old moon

Pas de passeport pour le bœuf !

Le jazz est selon moi une expression des idéaux les plus élevés. Par conséquent, il contient de la fraternité. Et je crois qu’avec de la fraternité, il n’y aurait pas de pauvreté, il n’y aurait pas de guerres.

John Coltrane (saxophoniste – 1926-1967)
(Entretien avec Jean Clouzet et Michel Delorme, 1963)

Hé ! Les amis ! Un bœuf chez Emmet, ça vous dit ?

Oui, un « bœuf » quoi ! Une « jam session », si vous préférez : chacun vient avec son instrument, sa voix et son talent et ensemble on fait de la musique. La musique qu’on aime… à condition que ce soit du jazz.

Inutiles vos partitions ! On improvise, on se devine, on se comprend, on joue. Ensemble !

Votre passeport, l’amour de la musique : venez comme vous êtes, soyez qui vous êtes. Votre couleur de peau, et alors ? Vos origines, votre religion, et alors ? Faire le bœuf c’est partager la musique, le plaisir d’être ensemble, la complicité d’un instant, le bonheur d’être, tout simplement.
Faire le bœuf c’est croire avec la naïveté d’un enfant que la vie ensemble, chaque jour, pourrait si facilement être meilleure…

… même quand on a le cœur « bluesy » et… des « cailloux dans son lit » !

« Rocks in my bed »

Emmet Cohen – Piano
Lucy Yeghiazaryan – Voix
Grant Stewart – Saxophone Ténor
Kyle Poole – Batterie
Yasushi Nakamura – Contrebasse

Des cailloux dans mon lit

Mon cœur est lourd comme du plomb
Parce que le blues m’a envahie
J’ai des cailloux dans mon lit.

Toutes les personnes que je vois
Pourquoi s’en prennent-elles à moi, pauvre de moi
Et mettent des pierres dans mon lit ?
Toute la nuit je pleure !
Mais comment peut-on dormir
Avec des cailloux plein son lit ?

Il n’y a que deux types de personnes
Que je ne comprends vraiment pas
C’est une femme hypocrite
C’est un homme au visage fermé.

Elle a emmené mon homme
Et je ne vais pas le ramener
Elle est plus fourbe qu’un serpent
Le long des rails sous un wagon.
J’ai des cailloux plein mon lit !

Sous aimé, suralimenté
Mon homme s’en est allé et à sa place
Plein de cailloux dans mon lit.

Duke Ellington 1899-1974

 

écrite en 1941

Rag-waltz

Le ragtime est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde.

Alessandro Barrico (‘Novecento : pianiste‘)

… Never play ragtime fast at any time.
Scott Joplin
 
Mais oui, tu connais la musique de Scott Joplin, le ragtime ! Un montage photo bidouillé à la hâte et quelques notes de piano à rouleau et ta mémoire fera le reste :

Ce que tu ne sais peut-être pas, c’est que le célébrissime Royal Ballet de Londres a dansé et danse encore sur les thèmes joyeusement syncopés du ragtime de Scott Joplin et de quelques-uns de ses contemporains du début du XXème siècle.

Kenneth MacMillan 1929-1992

C’est Kenneth MacMillan, alors directeur artistique de la Compagnie depuis 1970, qui, en 1974, réalise ce court spectacle haut en couleur, Elite Syncopations, sortant la troupe des conventions traditionnelles du ballet classique où elle excelle.

Pas d’intrigue véritablement, mais une succession de tableaux aux couleurs vives que l’on pourrait volontiers situer dans un bar douteux du delta du Mississippi au début du siècle dernier.  Les personnages, en tenues flamboyantes, flirtent, se toisent, s’observent les uns les autres et dansent crânement à tour de rôle, chacun montrant à ses rivaux la hauteur de son talent.

Le talent, la scène du Covent Garden en regorgeait déjà le 7 octobre 1974 pour la première…
Le temps ne lui a rien fait perdre : 
 
Juges-en par cette lente et superbe « rag-waltz » dansée il n’y a pas si longtemps par la divine Sarah Lamb et le sémillant Valeri Hristov, « Bethena, a Concert Waltz », morceau écrit par Scott Joplin en 1905.

 

Et plein écran, bien sûr,
pour un grand salut radieux à toute la Compagnie :