‘Social call’

C’est une langue si délicate le Scat
vaut mieux défaire sa cravate
pour le Scat
c’est pas le Magnificat
c’est plus facile qu’une cantate
mais faut la langue acrobate
pour le Scat

Michel Jonasz – chanson « Le Scat »

Nul besoin de téléphone portable pour un « social call ». Croyons donc les traducteurs, c’est d’une visite dont il est question. Amicale au demeurant, amoureuse, pourquoi pas ? – On n’a pas trouver plus intime que le tête à tête pour communiquer dans ces cas-là…

Oh ! On échangera bien quelques reproches au milieu des heureux souvenirs…

Mais avec un sourire jazzy, à l’ancienne, un poil de swing, un zeste de scat et du groove plein la voix, autour d’un bon vieux standard des années 1950, les choses pourraient bien ressembler aux retrouvailles de Benny Benack et Veronica Swift devant leur micro.

Pas mal, non ? Jazz is back !

I’ll wait for you tonight !  🎶 Doo be doya bop dee dee !!! 🎶

Benny

Happened to pass your doorway
Gave you a buzz, that’s all
Lately, I’ve thought lots about you
So I thought I’d pay a social call

Veronica

Do you recall the old days?
We used to have a ball

Benny

Not that I’m lonesome without you
I just thought I’d pay a social call

Veronica

I thought I’d say
Things are just swell
But to tell the truth
I haven’t been so well
And if you should try to kiss me

I promise that I won’t stall

Benny

Maybe we’ll get back together

Benny & Veronica

Starting from this incidental
Elemental
Simple social call

Benny

Do you remember all the good times that we had my baby girl?
I’ll never forget you’ve got the greatest smile in the world
Oh, my sugarplum fairy, don’t hold a grudge
I simply had to say hello once more

And am I insane
Or do I really see a world where you and I could be together, forever
When, buttercup, don’t slam the door in my face
Unless you really wanna spill my heart all over the place

Oh, I guess we’re going to spend a lot of time hanging out like this
I’m tryna break my habit of you
But, since we weren’t back together I suppose we should start anew
Dear, what do you say?

Oh! I can’t take it
My! Heart is breaking
I’m laying it on the line

If you can find it in your mind that there just a little
Itsy, bitsy, chance that you might miss me
Let’s give it a whirl

Veronica

Baby, we’ve played this game a thousand million times
I should throw your heart in jail for all of its crimes
You say that you love me and I think that it’s true
But why should I just sit at home awaiting for you

When we’re together, it’s always stormy weather
And I really feel like sittin’ on a beach, with you out of reach
Whenever you smirk, I get weak in the knees
But if you’re a jerk, I’ll tune out all of your pleas

Well I suppose just one drink couldn’t hurt
But just one, nothing more
I’m onto all of your tricks
But if you slip up, I’ll show you the door

I must be crazy, but I’m coming around
But if you do me wrong, I’ll run you out of this town
I guess that I could give you one more chance now
To prove you’re the man who can love me everyday

And never leave my side ever again

Benny & Veronica
(Scatting)

Veronica

If you should try to kiss me baby
I promise I won’t stall

Benny

Maybe we’ll get back together

Benny & Veronica

Starting from this incidental
Elemental
Simple social call

Mon rêve de Noël – 2/2 – Il fait si froid dehors !

Nous terminions à peine l’une des dernières mini bouteilles du non moins mini réfrigérateur quand, sans se départir de son charmant sourire qui m’aurait fait me damner, Nicki m’annonça qu’elle devait rentrer.

Aux fallacieux arguments qu’elle invoquait – la colère de son père, l’inquiétude de sa sa mère, les soupçons de sa sœur, les cancans des voisins… – je ne trouvais, pour la retenir, qu’un seul argument, bien banal : « Chérie, il fait froid dehors ! »
Et, alors qu’à mon grand désespoir j’étais prêt à abdiquer, je décidais, stratégie ultime, de dire, à mon tour, que je devais partir…

Elle n’a pas voulu que j’attrape froid.

Et comme je m’apprêtais à lui servir un verre de Limoncello, pour mieux encore continuer ce doux tête-à-tête qu’aucun de nous deux, au vrai, ne souhaitait interrompre, je reçus violemment en plein visage le bouchon d’une bouteille de champagne ouverte avec trop d’enthousiasme par un maladroit Père Noël qui s’agitait au milieu d’une publicité télévisée.

Quel réveil !…  Quel rêve !

Toqué de toccata /11 – I – À un… À deux… À trois…

Fallait-il, au prétexte que cette série de billets sur la toccata se soit initialement proposé de limiter son périmètre aux seules pièces pour le clavier, qu’elle passe totalement sous silence la formidable et heureuse émancipation qu’a connu le genre à partir du XXème siècle, quand les compositeurs, toujours plus nombreux, choisirent de ne plus cantonner la toccata à son seul véhicule de prédilection, le clavier ?
Évidemment pas !

Marc ChagallLe violoncelliste – 1939

Car, sans cesser pour autant ses courses brillantes entre les touches des claviers d’orgue ou de piano, c’est avec bonheur que la toccata, toujours vecteur de virtuosité, s’est mise désormais à solliciter celle des musiciens d’autres instruments, à cordes, à vent, à percussion.

Dès lors, et comme un corollaire naturel de cet affranchissement, ce n’est plus seulement du soliste qu’il faut attendre la performance, mais aussi, souvent, d’un groupe de musiciens, réunis en formation de chambre – duo, trio, quatuor, etc… –, ou même en orchestre symphonique…
Ce que la toccata, en devenant plurielle, en se partageant, perd alors, peut-être, en éclat virtuose, en brio, en fascination, ne le regagne-t-elle pas en profondeur d’expression ? Un supplément d’âme qu’une lumière trop éblouissante portée sur un seul interprète, fût-il le plus doué, peut parfois maintenir dans l’ombre… 

À un !

Rafael Aguirre joue sur sa guitare la Toccata de Joaquín Rodrigo, compositeur espagnol (1901-1999), à qui l’on doit le célébrissime « Concerto d’Aranjuez » :

¤

Yan Levionnois interprète le finale « Toccata » de la Sonate pour violoncelle seul composée en 1955 par l’américain George Crumb.

À deux !

Eric Wuest (violon) et Valeria Morgovskaya (piano) interprètent le premier mouvement « Toccata » du « Concerto pour violon » d’Igor Stravinsky, dans l’arrangement du compositeur lui-même :

À trois !

Le Trio Khnopff interprète la « Toccata » du Trio pour piano opus 24 du compositeur polonais Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), très proche, amicalement et musicalement, de Chostakovitch :

Ou…

Tous ensemble ! L’orchestre symphonique…

À suivre…

Mères : d’amour et de larmes !

A ma mère

Ma mère, vous vous penchiez sur nous, sur ce départ d’anges et pour que le voyage soit paisible, pour que rien n’agitât nos rêves, vous effaciez du drap ce pli, cette ombre, cette houle…

Antoine de Saint-Exupéry – « Lettres à sa mère » – Éditions Gallimard

Amour de ma mère, à nul autre pareil. Elle perdait tout jugement quand il s’agissait de son fils. Elle acceptait tout de moi, possédée du génie divin qui divinise l’aimé, le pauvre aimé si peu divin.

Albert Cohen – « Le livre de ma mère  » – Éditions Gallimard

Aucun être au monde, exceptée celle qui des fils de sa chair a tissé notre chair, ne pourrait abriter en son sein telle incommensurable et imprescriptible vocation à nous aimer. Alors, qui, lorsque sur nous s’abat l’ombre de l’infortune ou le glaive du malheur, serait davantage que notre mère elle-même submergé par cette indomptable montée des larmes ?

Fallait-il que Maître Haendel, composant, en ces jours de 1723, son « Giulio Cesare in Egitto », eût été particulièrement inspiré par cette intemporelle image de l’amour maternel pour que naquît de sa plume sensible un aussi magnifique et poignant duettino pour contralto et soprano, « Son nata a lagrimar » (Je suis née pour pleurer).

Dialogue lyrique entre une mère et son fils accablés par un injuste sort et réunis pour un ultime instant d’affection partagée ; pathétique duo d’amour, véritable chant de séparation où se mêlent avec pudeur et dignité, à travers les subtiles palpitations des cordes psalmodiant un plaintif continuo en mi mineur, les lamentations désespérées d’une mère éplorée et l’infinie tendresse de son enfant.

Un des plus beaux duos qui se puissent entendre sur une scène d’opéra.

— Le superlatif n’est pas usurpé…

… l’hommage à toutes nos mères n’en sera que plus grand !

Ω

Sextus, fils de Cornélie, a défié le roi d’Égypte, Ptolémée, qui, croyant ainsi plaire à César, vient d’assassiner Pompée, leur père et époux. Le jeune homme est sur le point d’être emmené par la garde royale qui l’a interpelé. Avant que ne tombe le rideau sur l’incarcération de son enfant et sur le premier acte, Cornélie est autorisée à retrouver une dernière fois ce fils infortuné.

Son nata/o a lagrimar/sospirar,
e il dolce mio conforto,
ah, sempre piangerò.
Se il fato ci tradì,
sereno e lieto dì
mai più sperar potrò.
 .
Je suis né/e pour pleurer/soupirer,
et toujours je regretterai
mon doux réconfort.
Si le destin nous a trahis,
plus jamais je ne pourrai espérer
un jour serein ou gai.
 .

Ω

Cornélie : Randi Stene (contralto) 

Sextus : Tuva Semmingsen (soprano) 

Royal Danish Opera – 2005

Ω

Mais, quel que soit le sort qui t’attend dans la lutte,
La palme ou le cyprès, le triomphe ou la chute,
Souviens-toi qu’en ce monde il est du moins un cœur
Qui t’aimera vaincu tout autant que vainqueur,
Et, contre tous les coups d’une fortune amère,
Que toujours, mon enfant, il te reste ta mère !

Auguste Lacaussade – « Vocation » in « Poèmes et paysages » (1897)

A deux, humblement vers l’infini…

                                       … Mais quelle douceur
vient jusqu’à nous avec les ombres qui s’allongent
à partir du couchant où notre cœur s’incline.
Une gloire accompagne le oui de l’adieu.
Les derniers pas portent la louange aux collines.

Jean Mambrino – « La saison du monde » – « Ensemble »

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Magique !!! György et Márta Kurtág interprètent quelques transcriptions de Jean-Sébastien Bach écrites par György. Ils ont 90 ans chacun…!

A deux, humblement vers l’infini…

… et nous dans la lumière de leurs pas !

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Quelques mots à voix très basse pour rappeler que György Kurtág est l’un des plus importants compositeurs contemporains en activité. Né en 1926 en Hongrie et découvert tardivement par le monde occidental. Bien que n’appartenant à aucun système, il ne masque pas l’influence que Bartok a exercée sur lui dans ses jeunes années, ni celle de Webern, ensuite, à qui il emprunte le style miniaturiste qui caractérise sa musique.

La force émotionnelle de ses compositions, privilégiant l’allusif au descriptif ou au narratif, ne perd rien à ce dépouillement ; elle y gagne en vigueur et en précision. Avec Kurtág, associer émotion et musique contemporaine n’est pas un oxymore.

Très proche de Jean-Sébastien Bach, György Kurtág a réalisé de nombreuses transcriptions des œuvres du Cantor. Il a coutume, lorsqu’il se produit en public avec son épouse Márta, à quatre mains ou à deux pianos, de clairsemer la programmation de ses propres compositions de quelques-unes de ses transcriptions.

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Leur récital à la Cité de la Musique à Paris en 2012 :

Kreutzer Sonata 1/3 – Beethoven : Les braises

Gustav Klimt - Le baiser (détail)
Gustav Klimt – Le baiser (détail) – 1907

− Des braises, que dis-je ? Des soleils !…

Premier soleil – quelle lumière ! – l’immense Beethoven lui-même. Compositeur unique, impétueux, débordant d’une prodigieuse énergie créatrice, qui très tôt avait dévoilé ses ambitions et son caractère en affichant sa farouche volonté de « saisir le destin à la gorge », sûr de son génie jusqu’à écrire avec superbe et immodestie au prince Lichnowsky, son mécène et ami  :

« Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven »

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)

Soleil encore : sa Sonate à Kreutzer – N° 9 – opus 47 – en la majeur, la plus fameuse des dix que le maître a composées pour violon et piano. Celle-là même qu’il avait initialement dédiée à un jeune violoniste mulâtre, George Bridgetower, dont le talent l’avait conquis. – Lorsqu’il observa que le jeune homme avait eu la malencontreuse idée de séduire une demoiselle que lui-même convoitait sans succès, Beethoven se ravisa et dédia finalement cette sonate au violoniste français Rodolphe Kreutzer avec qui il partageait une même vision politique. L’histoire raconte que Kreutzer ne la trouva pas à son goût, qu’il la considérait comme trop difficile pour son public et qu’en définitive il ne la joua pas.

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