Ménilmontant – Ménil’manouche

On y cause en argomuche
Et Pantin se dit Pant’ruche
Ménilmontant, Ménil’muche
Et le temps n’y change rien.

Jean-Roger Caussimon – « Paris jadis », 1977

Je suis pas poète
Mais je suis ému
Et dans ma tête
Y a des souvenirs jamais perdus

Charles Trénet (1913-2001)
« Ménilmontant » – 1938

§
.
Voix et guitare : Marion Lenfant-Preus
Guitare : Joscho Stephan
Basse : Volker Kamp

§

Mais l’éternelle version originale par « le fou chantant » :

Ménilmontant est un ancien faubourg de Paris. Il est un des hameaux annexés par la capitale en 1860 sous l’impulsion du baron Haussmann dans le cadre des grands travaux de transformation de la ville.
Sa position géographique élevée en fit longtemps un point d'alimentation en eau de la ville de Paris.
Le quartier demeuré très populaire est aujourd'hui l'un des plus cosmopolites de la capitale. Associé inséparablement avec le quartier voisin, Belleville, il en constitue le 20ème arrondissement.

Toqué de toccata /11 – I – À un… À deux… À trois…

Fallait-il, au prétexte que cette série de billets sur la toccata se soit initialement proposé de limiter son périmètre aux seules pièces pour le clavier, qu’elle passe totalement sous silence la formidable et heureuse émancipation qu’a connu le genre à partir du XXème siècle, quand les compositeurs, toujours plus nombreux, choisirent de ne plus cantonner la toccata à son seul véhicule de prédilection, le clavier ?
Évidemment pas !

Marc ChagallLe violoncelliste – 1939

Car, sans cesser pour autant ses courses brillantes entre les touches des claviers d’orgue ou de piano, c’est avec bonheur que la toccata, toujours vecteur de virtuosité, s’est mise désormais à solliciter celle des musiciens d’autres instruments, à cordes, à vent, à percussion.

Dès lors, et comme un corollaire naturel de cet affranchissement, ce n’est plus seulement du soliste qu’il faut attendre la performance, mais aussi, souvent, d’un groupe de musiciens, réunis en formation de chambre – duo, trio, quatuor, etc… –, ou même en orchestre symphonique…
Ce que la toccata, en devenant plurielle, en se partageant, perd alors, peut-être, en éclat virtuose, en brio, en fascination, ne le regagne-t-elle pas en profondeur d’expression ? Un supplément d’âme qu’une lumière trop éblouissante portée sur un seul interprète, fût-il le plus doué, peut parfois maintenir dans l’ombre… 

À un !

Rafael Aguirre joue sur sa guitare la Toccata de Joaquín Rodrigo, compositeur espagnol (1901-1999), à qui l’on doit le célébrissime « Concerto d’Aranjuez » :

¤

Yan Levionnois interprète le finale « Toccata » de la Sonate pour violoncelle seul composée en 1955 par l’américain George Crumb.

À deux !

Eric Wuest (violon) et Valeria Morgovskaya (piano) interprètent le premier mouvement « Toccata » du « Concerto pour violon » d’Igor Stravinsky, dans l’arrangement du compositeur lui-même :

À trois !

Le Trio Khnopff interprète la « Toccata » du Trio pour piano opus 24 du compositeur polonais Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), très proche, amicalement et musicalement, de Chostakovitch :

Ou…

Tous ensemble ! L’orchestre symphonique…

À suivre…

Une rentrée « tout sourire »…

I’m all smiles, darlin’ *
You’d be too…

Trois temps d’une valse

Trois soupçons d’improvisation

Trois tonnes de génie

Trois virgules de bonne humeur

Trois musiciens virtuoses

… Et le miracle d’un sourire

Belle rentrée !!!

I’m all smiles

Basse : George Mraz – Batterie : Ray Price – Piano : Oscar Peterson
Studio BBC – Londres – Mars 1971

* Je suis tout sourire, chérie
   tu devrais l’être aussi…

Musique originale et paroles écrites en 1965 par Michael Leonard et Herbert Martin pour la comédie musicale de Broadway, « The Yearling ».

Joey le messie…

À mon ami Jacques T.
Pour aider sa convalescence à trouver son tempo : « swingando » !

Si votre éducation musicale a été négligée, nul besoin de choisir une voie aride pour la refaire : l’évolution rapide du jazz vous mènera insensiblement de la musique la plus fraîche et la plus naturelle des parades et des orchestres de marches aux recherches les plus raffinées des arrangeurs actuels ; et le monde de la mélodie, de l’harmonie et du rythme vous sera définitivement ouvert.

Boris Vian in Derrière La Zizique. U.G.E. 10/18, Paris, 1976

♬ ♬ ♬

Ce jeune pianiste indonésien, Joey Alexander, est-il le messie que le Jazz attendait ? Il a aujourd’hui 15 ans et les plus grands « jazzmen » actuels se réjouissent et s’enorgueillissent de jouer avec lui. Un commentateur a dit de lui, fort pertinemment, qu’il avait en vérité 115 ans, l’âge du Jazz qu’il incarne si profondément et si naturellement.
Il avait 10 ans en 2013 lorsqu’il a enregistré dans un des studios du mythique Lincoln Center de New York cette pièce de sa composition :

Le voici à 13 ans, avec Ulysses Owens Jr. à la batterie (nouvelle référence des batteurs de jazz) et l’excellent Dan Chmielinski à la basse, interprétant « City lights » :

Le jazz est un style, non une composition. N’importe quelle musique peut être interprétée en jazz, du moment qu’on sait s’y prendre. Ce n’est pas ce que vous jouez qui compte mais la façon dont vous le jouez.

Jelly Roll Morton

Qui pourrait encore dire, devant un tel génie, doté d’une aussi précoce maturité et d’une aussi joyeuse liberté de jouer et d’inventer cette musique sur les traces des plus éminents musiciens de son histoire, que le jazz est mort ?

De gauche à droite :
1/ M. Petrucciani – B. Evans – J.R. Morton – M. Solal
2/ E.Garner – D. Ellington – O. Peterson – T. Monk

À l’évidence, hélas, après cent ans d’existence le jazz a émis bien plus d’avis de décès qu’il n’a reçu de faire-part de naissance. À ne considérer son histoire qu’au travers du prisme réducteur du piano, peut-on affirmer pour autant qu’il s’est définitivement évaporé dans les fumées lumineuses des dernières inventions sonores du grand Bill Evans ?
Ce serait faire fi de ses successeurs, les Chick Coréa, Keith Jarrett, Brad Mehldau, Hiromi Uehara ou Jacky Terrasson, pour ne citer qu’eux.

Question bien délicate en vérité que la mort d’un art ! Et forte est la tentation intellectuelle d’aller chercher des éléments de réponse dans les théories sur l’esthétique développées par Hegel, Nietzsche ou Heidegger — qui s’opposent et s’entrechoquent souvent — et ainsi finir par se perdre dans un sempiternel retour au cœur des méandres alambiqués d’une réflexion qu’alimentent, préludes obligés, les toujours vives interrogations : « Qu’est-ce que l’Art ? », « Qu’est-ce que le Jazz ? »

J’avoue me satisfaire, pour l’immédiat, de cette remarque de bon sens que publiait Michel Yves-Bonnet, en octobre 2014, répliquée dans une tribune récente de Citizenjazz.com :

Le jazz est-il mort ? Nouvelle question ? Certes non ! Trouble chez certains amateurs et professionnels, assurément oui ! Mais pourquoi se poser cette question ? Pourquoi ne pas simplement se laisser aller au jeu et à l’écoute ? Parce que cette musique est un Art majeur et qu’il nous interpelle.

Il faut simplement se placer devant cette alternative : ou bien le jazz est une Grande Musique, ou bien il n’a été qu’un moment musical, cadré, daté, répertorié, modélisé, pour employer un langage scientifique. Si tu choisis la première prémisse, alors le jazz est un art de création, de recherche et d’avenir. Musique éternelle, comme les autres arts de création. Dès son origine, le jazz est une musique métisse, ce qui lui donne toute sa beauté et son originalité. Il n’y a dès lors aucune raison – sauf à l’enfermer, crime hors de raison – qu’elle ne poursuive pas ses alliances et ses mariages. Certes, tu dois rester vestale de cet Art, en veillant à ce que l’improvisation soit toujours ontologiquement à l’œuvre.

Le risque mortifère tient dans la deuxième proposition : Si le jazz devient « définitivement » une musique de répertoire, alors il te suffira de relever tous les chorus des glorieux Anciens et de les répéter inlassablement.

Voilà, semble-t-il, posées avec simplicité, les conditions pour que le Jazz se survive à lui-même : demeurer une musique ouverte, métisse, arlequinée des cultures et des influences les plus diverses, conserver une fidélité sans faille à sa caractéristique fondamentale, l’improvisation, et, corollaire des propositions précédentes, continuer de s’ancrer à sa racine la plus profonde, tout à la fois la plus valorisante et la plus créative : la liberté.

Alléluia ! Ce XXIème siècle semble avoir entendu ce discours. Il a envoyé aux amateurs de jazz un nouveau messager porteur d’une espérance que certains n’attendaient peut-être plus, Joey Alexander.

Quelque chose me dit que les étagères « Jazz » de nos discothèques n’ont pas fini de s’allonger…

Le jazz est mon aventure. Je traque les nouveaux accords, les possibilités de syncope, les nouvelles figures, les nouvelles suites. Comment utiliser les notes différemment. Oui, c’est ça ! Juste une utilisation différente des notes.

Thelonious Monk

♬ ♬ ♬

Allez, pour remplacer les 6 ou 7 vidéos que je viens de désélectionner de ce billet, – parce que trop c’est trop et que les amateurs les retrouveront sans peine – juste un petit bis depuis le fond de la salle du « Jazz Standard » à New York, il y a trois ans.

Le petit bonhomme au cheveux longs, à gauche, assis devant le piano n’a que 12 ans, c’est Joey Alexander… qui conduit les musiciens de son Trio.

– Monsieur Armstrong, qu’est-ce que le swing ?
– Madame, si vous avez à le demander, vous ne le saurez jamais!