Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Arthur Rimbaud – Le pont Mirabeau
C’est à pas lents et mesurés qu’il nous faut traverser les saisons de nos souvenirs pour ne surtout pas les déranger. – Au rythme tendrement nostalgique du poème de Barbara Auzou :
Dominique Ponnau (Directeur honoraire de l’École du Louvre)
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Qui, si je criais, m’entendrait donc, d’entre les ordres des anges ? et supposé même que l’un d’eux me prît soudain contre son cœur, je périrais de son trop de présence. Car le beau n’est rien que ce commencement du Terrible que nous supportons encore, et si nous l’admirons, c’est qu’il dédaigne, indifférent, de nous détruire. Tout ange est terrifiant.
R. M. Rilke, « Les élégies de Duino », traduction de Philippe Jaccottet (La Dogana, 2008, p. 9)
Ange-gardien (« Entidade »)*
Il vient de loin, Il vient toujours, Il vient D’on ne sait quel monde. Profonde est sa connaissance car elle vient de l’au-delà.
Son temps ne se compte pas en secondes, Pour lui le temps n’existe pas ; À y penser plus profondément Son temps n’est le temps de personne.
Il vient de très loin, Il vient Et demeure toujours à tes côtés. Le passé lui appartient Et l’avenir aussi. Qu’est la vertu ? Qu’est le péché ? Il ne les définit ni ne s’en mêle Car bon ou mauvais Le temps de chacun est sacré.
C’est une présence étrange, Invisible, qui t’accompagne, Mais, crois-moi, Où que tu te tournes, Toujours Il te voit.
Ton chemin Il en décide, Il te guide et te protège Même quand par tes moqueries Tu te refuses à y croire.
Il est ombre, spectre, figure, Et c’est pour rester caché Qu’Il fait ainsi les choses, Ainsi qu’elles sont censées être.
Ne commets pas l’erreur De vouloir changer le destin, Il le connaît, depuis le tout début Et jusqu’après la fin.
*La traduction, très libre, a été réalisée par l’auteur de ce billet.
Le magistral guitariste et compositeur brésilien Yamandu Costa a beaucoup collaboré avec son grand aîné le poète contemporain Paulo Cesar Pinheiro. Leurs réussites communes sont nombreuses et heureuses.
Cette mélodie "Entidade" est un des titres du récent album de Yamandu, "Vento sul"(Vent du sud), un régal de chansons brésiliennes accompagnées par l'incomparable musicalité de la guitare à 7 cordes du compositeur virtuose. Le titre est particulièrement évocateur de cette présence invisible qui est supposée nous accompagner tout au long de notre chemin de vie... Yamandu a choisi les lumières méditatives, pâles et ombreuses, de ses cordes pour en préserver le mystère. Douce et suave, comme le chant rassurant d'une maman, la voix de MônicaSalmaso, chanteuse populaire brésilienne, distille une apaisante envie d'y croire.
Les pénibles jours d'isolement dûs à l'épidémie ont inspiré la générosité de Mônica : elle a réalisé à distance, chacun restant chez soi, avec un grand nombre d'artistes brésiliens, une série de vidéos musicales pour réconforter et égayer les tristes jours de ses compatriotes. Un vrai bonheur pour les amoureux de la chanson et des rythmes de ce pays.
Cette vidéo fait partie de cette série, "Ô de Casas", superbe, à la fois par les talents qui s'y produisent et la sincérité qui s'en dégage.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy