Musiques à l’ombre – 18 – ‘Chants de l’aube’

Partiellement publié sur ‘Perles d’Orphée’ le 2/04/2015
sous le titre : « Prémonitions de l’aube »

Une étrange rougeur s’élève dans le ciel. Je ne sais si c’est l’aube ou le couchant. Créez pour la lumière.

Robert Schumann – cité par Michel Schneider
in « La tombée du jour – Schumann » – Seuil – La librairie du XXème siècle

🎶

Robert Schumann 1810-1856

Qui ne s’est jamais laissé emporter vers les clartés volatiles et mystérieuses des « Chants de l’aube » (« Gesänge der Frühe ») ne peut prétendre avoir aperçu un bout de l’âme de Robert Schumann tant elle est tout entière rassemblée dans les harmonies et les silences de ces cinq pièces pour piano, opus 133.

Dernier rassemblement pour un prochain et ultime voyage, on le sait aujourd’hui ; départ définitif, de la raison d’abord, vers les rivages étrangers de l’étrange, séparation sans retour, ensuite, d’avec les êtres aimés tenus désormais éloignés des enceintes de la folie.

Car cette aube naissante, apparemment apaisée, – étonnamment apaisée, quand on sait l’intensité des dépressions-hallucinations qui harcèlent le compositeur en cet automne 1853 et que l’alcool ne parvient plus à endiguer – porte déjà en elle la lumière crépusculaire de la tombée du jour.

Tombée de la nuit. Il n’est plus très loin ce sinistre soir de Carnaval, à Düsseldorf, le 27 février 1854, où des mariniers hisseront difficilement hors des eaux glacées du Rhin un homme en robe de chambre qui leur résistera énergiquement pour ne pas échapper au courant : le compositeur Schumann.

🎶

Sans doute est-ce la dernière fois, en octobre 1853, quand Schumann écrit les « Gesänge der Frühe », que le musicien, le poète et l’homme en lui parviennent encore à raisonnablement se réunir autour du piano pour partager quelques instants de composition. Ces chants seront donc son œuvre ultime pour ce cher instrument, même si chronologiquement il conviendrait de prendre en compte les justement nommées « Variations des esprits » (« Geisterthema ») qu’il travaille encore en février 1854, et qu’il ne pourra terminer avant son internement à l’asile d’Endenich quelques semaines plus tard.

Carl Gustav Carus – 1822

Schumann, à cette époque, ne s’appartient déjà plus, définitivement happé par les monstres de ses univers hallucinatoires désormais fermés au génie de sa création. « Les chants de l’aube » ou lultime confidence pianistique de Robert Schumann… Sans doute à son épouse Clara, son éternel amour. Car, même si au final l’œuvre est dédiée à l’amie de Goethe, la poétesse Bettina Brentano, la dédicace initiale de ces pièces à Diotima, l’idéale muse de cet autre « schizophrène » de génie, le poète Hölderlin à qui Schumann adressait ainsi un salut complice, signe la pudique intention du compositeur.

Superbe fragilité du chant. Un bien émouvant adieu. Déchirant !

🎶

Madame Mitsuko Uchida (piano)

« Gesänge der Frühe »

1/ Im ruhigen Tempo (dans un tempo tranquille) – Ré majeur

Après  le thème décharné de l’introduction, les dissonances du premier choral invitent délicatement au mystère ; à voix basse ; voix perdue aussitôt pris chacun de ses essors vers le thème initial. Aube lente, encore aux prises avec les incertitudes de la nuit. Glas lointain aux échos presque religieux.

2/ Belebt, nicht zu rasch (animé, pas trop rapide) – Ré majeur

La deuxième pièce, contrapuntique, change sans cesse d’humeur. Qui peut dire où veut nous conduire son pas animé ?

3/ Lebhaft (vif) – La majeur

Le troisième « stück », plus vivantpresque virtuose, conserve un rythme soutenu d’un bout à l’autre ; un galop sans doute, au but incertain et en équilibre au bord de gouffres inconnus.

4/ Bewegt (agité) – Fa dièse mineur

Lyrique, la quatrième pièce expose sa mélodie à une pleine lumière qui rend certes plus intelligible la musique, mais l’illusion ne dure car déjà, dans un dernier murmure plusieurs fois annoncé, la boucle du temps semble se refermer.

5/ Im Anfange ruhiges, im Verlauf bewegtes Tempo (d’abord tranquille, puis tempo agité) – Ré majeur

Le choral final reprend, en écho au premier mouvement, les sonorités mystérieuses de la voix confidente. Les lueurs arpégées qui traversent sa fragile texture paraissent plus brillantes, la clarté semble progresser, mais elle est toute tournée vers un indéfinissable ailleurs. La voix s’affirme à peine, pour un peu mieux faire entendre les nostalgies de sa tonalité, avant de se résorber dans l’inéluctable nuit qui guette. Le présent s’enfuit dans la lumière. L’avenir n’échappera pas à sa prison obscure.

🎶

La musique, toute la musique, n’est-elle pas poursuite, au-dedans de soi, de la voix perdue ?  Michel Schneider

La pluie… T’en souviens-tu ? (reprise)

Billet publié initialement le 30/11/2018

L’amour
Entre dedans douillet et dehors pluvieux
Entre instant de plaisir et tristesse annoncée
Entre les gouttes entre les larmes
Entre l’ivoire mélancolique d’un piano mouillé
Et l’encre nostalgique des mots blessés.
Le « blues »
Entre les vers de Francis Carco
Et les arpèges de Bill Evans.
La pluie… ?
Oui ! Je m’en souviens !

Andrei Krioutchenko (peintre de Paris)

Il pleut

À Éliane

Il pleut — c’est merveilleux. Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d’arrière-saison.

Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit… qu’on ne s’entend plus !

C’est merveilleux : il pleut. J’écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte…
Et tu me souris tendrement.

Je t’aime. Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait qu’il pleut dans tes yeux.

Francis Carco
Francis Carco 1886-1958

Bill Evans (piano)

‘Remembering the rain’ 

Colère : un remède… beethovénien

Beethoven a vicié la musique : il y a introduit les sautes d’humeur, il y a laissé entrer la colère.

Emile Cioran – Sur la musique

Ludwig van Beethoven 1770-1827

Conseil capital pour tout être humain qui, pour une raison quelconque, se trouverait emporté par un accès de colère aussi soudain qu’irrépressible.

La procédure, pour être efficace, doit être suivie à la lettre.

    • Mettre sa plus belle robe ou son plus élégant costume
    • S’assoir devant un piano, à queue de préférence… et accordé, si possible
    • Prendre une profonde respiration, pas trop longue pour ne pas perdre l’énergie
    • Enfin, sans partition, jouer, sur un tempo all’ungharese (à la hongroise pour les français), et sans aucune fausse note – le détail est important – le Leichte Kaprize (léger caprice pour les français également) ou « Rondo a capriccio » en sol majeur, que Beethoven a composé en 1795
      Pour la petite histoire, cette pièce fut nommée par Schindler (non, pas celui de la « Liste », mais Anton Félix, le premier biographe de Beethoven)
                    Wuth über den verlornen Groschen ausgetobt in einer Kaprize
      (Colère à cause du sou perdu déchargée dans un Caprice, pour les français…).

On aimera peut-être, avant d’appliquer le remède, se souvenir de ce propos d’un musicologue français :

Cette pièce très singulière, pleine de force, de violence virile, peut être considérée comme l’exemple d’un certain humour beethovénien…

😊   🤗   🤓

 Il n’est pas interdit de s’inspirer de ce ‘tuto’ qu’a enregistré Olga Scheps

Nota Bene
Si l’un d’entre nous a trouvé ce conseil utile et surtout, s’il a pu en vérifier l’efficacité par lui-même, qu’il s’inscrive rapidement au prestigieux Concours international de piano Chopin à Varsovie !

‘4 Pièces fugitives’

Son talent me charma, il y a chez elle une supériorité réelle, un sentiment profond et vrai, une élévation constante.

Franz Liszt (après un concert de Clara Schumann)

Clara Schumann par Franz Hanfstaengl – 1860

L’enchantement est toujours au rendez-vous quand on écoute une oeuvre de Clara Schumann, aussi modeste soit-elle.
La remarquable et remarquée pianiste qu’elle était, confrontée aux conservatismes de son temps n’a pas pu exprimer l’étendue de son immense talent de compositrice. Et pourtant elle laisse à la postérité un peu moins d’une cinquantaine d’oeuvres partagées entre musique vocale et musique pour le piano, ainsi que quelques compositions pour petites ou grandes formations.

Particulièrement douée elle a cependant beaucoup appris de ses maîtres, directement ou par l’écoute, et, naturellement elle a reçu de chacun une part d’influence. Mais jamais elle ne se laisse aller à l’imitation et encore moins à la copie.

A 21 ans, l’année de son mariage avec Robert, s’affranchissant des conventions compositionnelles de la sonate, elle écrit les « Flüchtige Stücke », 4 pièces fugitives Op. 15, qui laissent, chacune, transparaître la patte de tel ou tel de ses célèbres aînés, mais qui, toutes, à travers leurs différences, expriment fidèlement la personnalité déjà affirmée de la jeune musicienne.

1/ Larghetto : Ambiance pathétique en Fa majeur et lenteur nocturne d’un crépuscule à Nohant…

2/ Un poco agitato : Lignes vives et tendues, petit signe à Mendelssohn, en La majeur…

3/ Andante espressivo : Ne croiserait-on pas Eusebius sur le chemin de cette nouvelle escapade nocturne en Ré majeur ?…

4/ Scherzo : Rythme enjoué en Sol majeur. Les courtes sonates de Beethoven résonnent en filigrane…

Michelle Cann, pianiste prodige et de grande sensibilité nous convie, à travers ces 4 pièces fugitives, à cette rencontre romantique des plus charmantes :

Fulgurances – XVII – Liberté !

Corey Butler (piano) & Jackie Richardson (voix)

‘Hymn to Freedom’

Cet hymne emblématique à la Liberté a été composé par le musicien de jazz canadien Oscar Peterson (1925-2007), en 1962, alors que la lutte pour les droits civiques s’intensifiait en Amérique du Nord.
Les paroles sont de Harriette Hamilton.

When every heart joins every heart and together yearns for liberty,
That’s when we’ll be free.

Si tous les cœurs se joignent à tous les cœurs et aspirent ensemble à la liberté,
Alors nous serons libres.

When every hand joins every hand and together moulds our destiny,
That’s when we’ll be free.

Si chaque main se joint à chaque main pour façonner ensemble notre destin,
Alors nous serons libres.

Any hour any day, the time soon will come when we will live in dignity,
That’s when we’ll be free.

Le temps viendra bientôt où à toute heure de chaque jour nous vivrons dans la dignité,
Alors nous serons libres.

When everyone joins in our song and together singing harmony,
That’s when we’ll be free.

Si tout le monde se joint à notre chant pour qu’ensemble en harmonie nous chantions,
Alors nous serons libres.

Fulgurances – XVI – Charité

Claude Debussy 1862-1918

Pièce pour l’oeuvre « Vêtement du blessé »
Page d’album –
L.133

Olga Scheps (piano)

Fulgurances – XV – Studio for two

Ben Paterson (piano) & Luke Sellick (basse)

‘Just the way you are’
Billy Joel
(1977)

Musiques à l’ombre – 12 – Humeurs

Bien dommage que l’on ne joue presque jamais l’intégralité des vingt pièces des Visions fugitives opus 22 où on retrouve Prokofiev tour à tour lyrique, sarcastique, bucolique, rêveur, coléreux. Un réel joyau quand on s’offre le bonheur de savourer l’instant de ces pièces qui sont à la musique de Prokofiev ce que sont les Préludes à la musique de Chopin. Des instants fugitifs, des visions dont le compositeur a la géniale intuition de traduire l’essence.  

Bernadette Beyne (Fondatrice et rédactrice en chef de Crescendo magazine)
Dossier Prokofiev – #6 – La musique pour piano –
22/09/2016

Sergueï Prokofiev 1891-1953

Puisque tout est dit et bien dit dans cet article de la regrettée musicologue Bernadette Beyne sur les ‘Visions fugitives’, pourquoi ne pas en poursuivre l’édifiante lecture ?

Comme la plupart des artistes de son temps, il n’a pas échappé au courant symboliste et c’est à Constantin Balmont qu’il doit ces deux vers qui inspirèrent le cycle des Visions :
     “Dans chaque vision fugitive, je vois des mondes
      “Pleins de jeux changeants et irisés”.
Les Visions fugitives racontent, avec simplicité, questionnent, éveillent l’esprit, pirouettent, se parent d’élégance, évoquent une harpe pittoresque, content au coin du feu, se font féroces, attisent la Toccata, signent l’inquiétude, la poésie, un monde irréel ; décrivent aussi, comme l’avant-dernière vision inspirée à Prokofiev par la foule agitée dans les rues de Petrograd en février 1917. La suite des pièces ne suit pas la chronologie de la composition mais la succession d’états d’âme.

♫ ♪ ♬

Le caractère énigmatique de ces vingt miniatures pour piano ne souffre d’aucune indiscrétion qu’aurait commise Prokofiev en les affublant chacune d’un titre. Absence de repères programmatiques qui ajoute à la fragmentation de l’oeuvre un sentiment de spontanéité, rendant encore plus actuelles les humeurs et les atmosphères que chaque petite pièce dépeint.
A l’auditeur, à travers les innombrables nuances de la palette musicale impressionniste de Prokofiev, de percevoir ou d’imaginer. Le charme n’en est que plus grand ! 

Pour donner toute leur juste présence aux états d’âme du compositeur, tantôt tendre et doucereux, tantôt irrité, d’autres fois perdu dans un monde irréel, la maîtrise et la sensibilité du pianiste moscovite Alexander Melnikov.

Sergueï Prokofiev
Visions fugitives Op.22
Alexander Melnikov (piano)

Quand le clavier chante…

Plus connu pour sa carrière de diplomate et sa fin tragique que pour son oeuvre littéraire ou ses compositions musicales, Alexandre Griboyedov a laissé tout de même à la postérité une petite valse légère et tendre qui ferait volontiers tournoyer une petite fille pelotonnée dans les bras d’un grand père retrouvant sa jeunesse. 

Alexandre Griboyedov (Moscou 15 janvier 1795 – Téhéran 11 février 1829)

Les lèvres remuent… mais c’est le clavier qui chante, qui chante, qui chante, quand valsent les doigts d’un génie dans des oeufs à la neige. 

L’apprenti sorcier

21 juin 2024 – Fête de la Musique

F.Barth – Apprenti sorcier (Der Zauberlehrling – Goethe) 1882

« L’apprenti sorcier » 

Paul Dukas 1865-1935

En 1897, un jeune musicien français d’à peine plus de trente ans, Paul Dukas, écrit en forme de ‘scherzo’ un poème symphonique inspiré de la ballade Der Zauberlehrling de Johann Wolfgang von Goethe qui lui même avait sans doute puisé l’idée de ce conte dans l’oeuvre d’un auteur grec du IIème siècle de notre ère, Lucien de Samosate.
Paul Dukas ignorait alors qu’il tenait là son chef d’oeuvre.

Quelle meilleure illustration pour la Fête de la Musique, en France aujourd’hui – devrais-je dire ‘dans la France d’aujourd’hui’ ? – où les apprentis sorciers, à l’évidence, font florès, que ce poème symphonique burlesque ?
D’autant plus judicieuse, si l’on m’autorise l’immodestie de ce sourire d’autosatisfaction, quand on se souviendra que lors de la première de l’oeuvre, à Paris, le 19 février 1899, la France vivait un certain bouleversement politique…
Ainsi Anne-Charlotte Rémond sous-titrait-elle sa chronique du 19 mars 2021 sur France Musique, consacrée à cette pièce musicale : « Le rire en pleine politique ». 

Après avoir entendu son récit historique nous n’apprécierons que mieux la bien belle version de ce scherzo donnée par l’Orchestre National de France dirigé par une très expressive Cheffe finlando-ukrainienne, Dalia Stasevska, 

Enfin, les plaisirs volant en escadrille pour la Fête de la Musique, nous profiterons sans mesure du régal que nous offre la pianiste suisse Béatrice Berrut qui vient juste de publier l’enregistrement de sa propre transcription de « L’apprenti sorcier ».

Merci à tous ceux qui ne cessent de nous faire aimer la Musique !

« L’apprenti sorcier » de Paul Dukas
Anne-Charlotte Rémond : Les dessous d’un chef d’oeuvre

« L’apprenti sorcier » de Paul Dukas
Orchestre National de France – Direction
Dalia Stasevska

« L’apprenti sorcier » de Paul Dukas
Transcription pour piano et interprétation : Béatrice Berrut

La musique sans les yeux

Joséphine Boulay (1869-1925)

Une petite minute biographique édifiante avant d’écouter une ‘Romance sans paroles’ de sa composition qui pourrait, sans rougir, s’ajouter, comme la Sonate de César Franck, son professeur d’orgue, à la longue liste des prétendantes au titre de ‘petite phrase de Vinteuil’…

Fulgurances – VII – Triana

Quartier Triana (Séville) – Isaac Albeniz 1860-1909

Triana (extrait de Iberia – Livre II)

Gustavo Díaz-Jerez (piano)

Cliquer sur l’image et glisser pour déplacer son angle de vue

‘Solfeggietto’

Carl Philipp Emanuel Bach 1714-1788

— Moi, Carl Philipp Emanuel Bach, digne fils du grand Jean-Sébastien, claveciniste à la cour de Frédéric II pendant trente ans, j’ai composé à l’attention des apprentis clavecinistes un petit exercice, Solfeggio en Ut mineur. Si charmant qu’il a très vite reçu le doux diminutif de Solfeggietto.
C’est une petite pépite en forme de courte pièce à une voix, dédiée au développement de l’agilité des dix doigts et de la transparence dans l’alternance des mains.
Sa difficulté vient en vérité du tempo prestissimo que suppose le mouvement.
J’avais à coeur de voir comment les « pianistes » de votre siècle, assis devant leurs monstres noirs aux dents blanches, traitaient ma modeste partition.

♦ Les jeunes apprentis virtuoses, d’abord, comme cette petite fille sérieuse et douée :

♦ Les virtuoses accomplis, qui ont dix doigts à chaque main, comme Shani Diluka, pianiste monégasque qui, me dit-on, ne compte plus ni les maîtres incontestés qui l’ont accompagnée, ni les partenaires prestigieux avec qui elle se produit :

♦ Et quelques autres hurluberlus comme Luca Sestak, qui se réunissent pour « faire le boeuf », comme ils disent, bousculant ma musique d’une drôle de manière… mais au fond si plaisante : 

Que de choses ont changé en trois siècles…! Demeure mon « Solfeggietto » !

Touches de couleurs

Palette de Picasso

En réalité on travaille avec peu de couleurs. Ce qui donne l’illusion de leur nombre, c’est d’avoir été mises à leur juste place. (Pablo Picasso)

Joseph Haydn (1732-1809)
Fantaisie en Ut majeur – Hob. XVII / 4
Capriccio 

Einav Yarden (piano)

Palette de Kandinsky

Les couleurs sont les touches d’un clavier, les yeux sont les marteaux, et l’âme est le piano lui-même, aux cordes nombreuses, qui entrent en vibration.  (Vassily Kandinsky)

Joseph Haydn (1732-1809)
Sonate No. 50 en Ré majeur – Hob. XVI 37
I. Allegro con brio

Rendez-vous dans la lumière

Si j’étais tant attiré par la lumière, c’est parce qu’il y avait un fond de ténèbres.

Christian Bobin – La lumière du monde / 2001

Il y a deux manières de briller, disait Paul Claudel, rejeter la lumière ou la produire.
Le plus souvent pourtant, me semble-t-il, ceux qui la produisent ne cherchent nullement à briller. Ils n’aspirent qu’à nous éclairer. Voilà pourquoi, par delà le temps, c’est dans la lumière, celle qu’ils nous offrent si généreusement, qu’on peut leur donner rendez-vous.

Orphée innombrable

Parle. Ouvre cet espace sans violence. Élargis
le cercle, la mouvance qui t’entoure de floraisons.
Établis la distance entre les visages, fais danser
les distances du monde, entre les maisons,
les regards, les étoiles. Propage l’harmonie,
arrange les rapports, distribue le silence
qui proportionne la pensée au désir, le rêve
à la vision. Parle au-dedans vers le dehors,
au-dehors, vers l’intime. Possède l’immensité
du royaume que tu te donnes. Habite l’invisible
où tu circules à l’aise. Où tous enfin te voient.
Dilate les limites de l’instant, la tessiture
de la voix qui monte et descend l’échelle
du sens, puisant son souffle aux bords de l’inouï.
Lance, efface, emporte, allège, assure, adore. Vis.

Jean Mambrino 1923-2012

 

  in La saison du monde (1986)

Jean-Sébastien Bach
Sonate pour orgue No. 4, BWV 528 – II Andante [Adagio]
Transcription

Stéphanie Paulet (violon) & Elisabeth Geiger (orgue)