Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
C’est dans la rêverie que nous sommes des hommes libres.
Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie)
Alors le rêveur est tout fondu en sa rêverie. Sa rêverie est sa vie silencieuse. C’est cette paix silencieuse que veut nous communiquer le poète.
Heureux qui connaît, heureux même qui se souvient de ces veillées silencieuses où le silence même était le signe de la communion des âmes !
Avec quelle tendresse, se souvenant de ces heures, Francis Jammes pouvait écrire : ……… « Je te disais tais-toi quand tu ne disais rien. »
Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie – PUF – 1960/68 / p. 52)
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Stefanie Jones joue un arrangement de « The Sound of Silence »
de Simon & Garfunkel
Parce que la rêverie n’est pas le rêve, elle ne se peut concevoir qu’en état d’éveil et de conscience. De ce simple constat je veux déduire qu’en elle réside l’essentiel de notre force créatrice, immense capacité à échapper individuellement aux horreurs du monde, et collectivement à peut-être inverser le sens tristement pressenti de sa trajectoire.
Alors, amis, au-delà des mille pensées positives que je forme pour vous à l’occasion de cette nouvelle année, je souhaite que 2017 soit pour nous tous l’année de larêverie !
Que 2017 ressemble à cette chambre spirituelle dont Baudelaire, un jour, eut la vision :
Une chambre qui ressemble à une rêverie, une chambre véritablement spirituelle, où l’atmosphère stagnante est légèrement teintée de rose et de bleu.
L’âme y prend un bain de paresse, aromatisé par le regret et le désir. — C’est quelque chose de crépusculaire, de bleuâtre et de rosâtre ; un rêve de volupté pendant une éclipse.
Les meubles ont des formes allongées, prostrées, alanguies. Les meubles ont l’air de rêver ; on les dirait doués d’une vie somnambulique, comme le végétal et le minéral. Les étoffes parlent une langue muette, comme les fleurs, comme les ciels, comme les soleils couchants.
Sur les murs nulle abomination artistique. Relativement au rêve pur, à l’impression non analysée, l’art défini, l’art positif est un blasphème. Ici, tout a la suffisante clarté et la délicieuse obscurité de l’harmonie.
Une senteur infinitésimale du choix le plus exquis, à laquelle se mêle une très-légère humidité, nage dans cette atmosphère, où l’esprit sommeillant est bercé par des sensations de serre-chaude.
La mousseline pleut abondamment devant les fenêtres et devant le lit ; elle s’épanche en cascades neigeuses…
Petits poèmes en prose – V –
Que 2017 nous garde jusqu’à son terme dans le doux rythme « jazzy » de cette ballade méditative entre arpèges et langueurs :
Quand, réveillés par les harmonies de quelques tendres accords, nous nous serons engagés entre les quatre notes obstinées qui balisent le début de ce chemin de rêverie, nous n’aurons plus qu’à laisser notre âme caresser de son pas de danse subtil l’herbe, le nuage et l’horizon qui dessinent les secrets contours de nos espérances.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy