Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
– À cent ans, l’être humain peut se passer de l’amour et de l’amitié. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il s’adonne à la philosophie, aux mathématiques ou bien il joue aux échecs en solitaire. Quand il le veut, il se tue. Maître de sa vie, l’homme l’est aussi de sa mort.
– Il s’agit d’une citation ? lui demandai-je.
– Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un système de citations.
L’Égypte, et avec elle le monde entier, se félicite, à l’occasion de sa récente inauguration en grandes pompes, de l’ouverture du G.M.E. (Grand Musée Égyptien) au Caire, au pied des Pyramides de Gizeh, considérable trésor mémoriel de cette antique civilisation. Pendant que – « règne de la quantité » oblige – la presse internationale salue surtout les chiffres : le colossal investissement financier, les milliers de mètres carrés, les nombreuses péripéties de vingt années de travaux, le gouvernement égyptien se frotte les mains en évaluant – « signe des temps » – la manne économique que promet la surfréquentation touristique attendue – motivation tristement essentielle, semble-t-il, de l’immense projet.
Ramsès II jeune (XIIIème av JC) – Percy Bysshe Shelley 1792-1822
Mais un petit esprit chagrin, misanthrope et pessimiste, comme on ne peut manquer de l’être après avoir bien longtemps regardé les hommes, s’est souvenu d’un sonnet de Percy Bysshe Shelley, « Ozymandias », que le poète romantique anglais écrivit en 1817, au moment où le British Museum annonçait avoir acquis un important fragment de la statue de Ramsès II jeune, datée du XIIIème siècle avant notre ère.
Richard Attenborough dit « Ozymandias » *
Ozymandias (Percy Bysshe Shelley)
J’ai rencontré un voyageur de retour d’une terre antique Qui m’a dit : – « Deux jambes de pierre immenses et dépourvues de buste Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable, À moitié enfoui, gît un visage brisé dont le sourcil froncé,
La lèvre plissée et le rictus de froide autorité Disent que son sculpteur sut lire les passions Qui survivent encore dans ces objets sans vie À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.
Et sur le piédestal apparaissent ces mots : «Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois. Voyez mon œuvre, ô puissants, et désespérez!»
Auprès, rien ne demeure. Autour des ruines De cette colossale épave, infinis et nus, Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. »
*transcription grecque d’une partie de la titulature royale du célèbre pharaon Ramsès II (dont le nom complet était Ousir-Maât-Rê Setepenrê Ramessou Miamun).
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Alors, une fois encore, avec son inébranlable pertinence, a retenti la parole de l’Ecclésiaste :
Vanitas vanitatum et omnia vanitas.
Un regard s’est retourné non sans nostalgie vers la grande perplexité d’un lycéen du temps lointain à qui un certain professeur de philosophie avait alors demandé de commenter cette remarque de Paul Valéry :
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Et puis, enfin, sage constat soudain sorti d’une réplique de théâtre, un fugitif soupçon de consolation :
The pen is mightier than the sword.*
Richelieu – pièce de théâtre d’Edward Bulwer-Lytton – 1839 (Acte II – Scène 2)
Reprise d’un billet publié sur « Perles d’Orphée » le 5/07/2015 : « Lumière blessée /5 – Clairvoyance et prévoyance… »
On ne peut pas dire, malgré tout l’intérêt que Voltaire portait à ce fabuliste normand, et la sympathie que ses ouvrages inspiraient à Grimm, que Jean Jacques François Marin BOISARD (1744-1833) ait marqué sa postérité d’un souvenir impérissable. – Aucun portrait de cet auteur n’est, semble-t-il, parvenu jusqu’à nous. La Fontaine, à l’évidence, n’avait pas laissé beaucoup d’espace aux prétentions de ses successeurs. Pourtant, quand le hasard met sur notre route quelques unes des mille et quelques fables de ce pauvre conteur oublié, force est de reconnaître la pertinence de son observation, d’apprécier la réelle qualité de sa relation. Il est vrai que les vents des modes érodent aisément les velléités de justice de l’Histoire. Sic transit gloria mundi !
Comme l’illustrent ses deux fables « bien vues », celui qu’atteint la cécité, doit apprendre également à développer ses perceptions jusqu’à la clairvoyance, et à se prémunir, indispensable prévoyance, des inévitables importuns. Faut-il encore que la nature ait doté ce malheureux d’une sage logique sans laquelle clairvoyance et prévoyance ne demeureraient qu’habiletés de cirque.
L’aveugle clair-voyant
La dame qui nous vient de fausser compagnie A les dents belles, dit l’aveugle Saunderson*. Vous pourriez bien avoir raison ; Mais qui vous a si bien informé, je vous prie, Dit le maître de la maison ? Personne, reprit-il, j’en donne ma parole ; Et je n’y vois pas, mais j’entends : La dame rit toujours, et ne paraît pas folle ; Et de là je conclus qu’elle a de belles dents.
* Nicholas Saunderson (1682-1739) : Mathématicien anglais et aveugle. Enseignant comme professeur émérite à Cambridge, ayant occupé la chaire de son prédécesseur Whiston, lui-même successeur de Newton.
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L’aveugle qui portait une lanterne
Un aveugle la nuit portait une lanterne. Du monde apparemment le bonhomme se berne, Dit tout bas en passant un sage en manteau noir ; De quoi cela sert-il à qui ne peut y voir ? Oh cela sert, dit le bonhomme, À me garantir de l’ennui D’être choqué par des gens comme Il en est beaucoup aujourd’hui. Ce n’est pas chose singulière, Ni tout à fait neuve en tout cas, Que l’on répande la lumière, Quoique l’on n’en profite pas.
Matthias Janson – « A travers les siècles » à Cesīs (Lettonie)
Vieille femme gitane de la mer de l’île de Mabul – Malaisie (Photo National Geographic)
Méditation sur un visage J’ai douloureusement médité devant vous Et j’ai pleuré sur vous, vieille dame étrangère, Qui ne pouviez savoir ma jeunesse légère Occupée à fixer vos traits pâles et mous. Je m’étonnais si fort que vous fussiez rieuse, Moi qui d’abord pensais que vous n’aviez plus rien Ayant à tout jamais perdu l’unique bien D’être tentante, d’être étrange et vaporeuse. La vie est-elle donc moins dure qu’on ne croit, Puisqu’elle soigne encor comme une bonne mère, Qu’elle sait égayer cette vieillesse amère Où tout semblait devoir n’être que morne et froid ! Et pourtant avec quelle épouvante cachée Je regardais, songeant à la blancheur des lys De nos âges, la peau ravagée et tachée De ce masque qui fut jeune femme, jadis ! — Moi qui veux vivre jusqu’au bout ; est-il possible D’imaginer qu’ainsi je pourrai rire un jour Lorsque je n’aurai plus ce trésor indicible : L’audace, la beauté, l’entrain, l’orgueil, l’amour ?…
Elle est bien laide. Elle est délicieuse pourtant ! Le Temps et l’Amour l’ont marquée de leurs griffes et lui ont cruellement enseigné ce que chaque minute et chaque baiser emportent de jeunesse et de fraîcheur. Elle est vraiment laide ; elle est fourmi, araignée, si vous voulez, squelette même ; mais aussi elle est breuvage, magistère, sorcellerie ! En somme, elle est exquise. Le Temps n’a pu rompre l’harmonie pétillante de sa démarche ni l’élégance indestructible de son armature. L’Amour n’a pas altéré la suavité de son haleine d’enfant ; et le Temps n’a rien arraché de son abondante crinière d’où s’exhale en fauves parfums toute la vitalité endiablée du Midi français : Nîmes, Aix, Arles, Avignon, Narbonne, Toulouse, villes bénies du soleil, amoureuses et charmantes ! Le Temps et l’Amour l’ont vainement mordue à belles dents ; ils n’ont rien diminué du charme vague, mais éternel, de sa poitrine garçonnière. Usée peut-être, mais non fatiguée, et toujours héroïque, elle fait penser à ces chevaux de grande race que l’œil du véritable amateur reconnaît, même attelés à un carrosse de louage ou à un lourd chariot. Et puis elle est si douce et si fervente ! Elle aime comme on aime en automne ; on dirait que les approches de l’hiver allument dans son cœur un feu nouveau, et la servilité de sa tendresse n’a jamais rien de fatigant.
Fussent-elles prononcées en 1963 par ce vieil Esteban Montejo, esclave cubain, né esclave, et se confiant, à la fin de sa vie, à un jeune anthropologue, ces paroles ne trouveraient-elles pas volontiers une aussi juste place dans une autre bouche d’un autre vieil homme d’une autre époque, en d’autres lieux…?
Jean Vilar leur rend l’éclat de sincérité qu’elles méritent.
§
Esclave à Cuba
(Biografiá de un Cimarrón)
Esteban Montejo, un vieux révolutionnaire mambi, afro-cubain et né esclave, raconte sa vie à un jeune auteur de vingt-trois ans, Miguel Barnet.
Il le fait en 1963, dans un pays où une révolution triomphante s’attache à retrouver « l’histoire du peuple sans histoire », à exhumer la mémoire tue des rébellions populaires. Les souvenirs du vieil homme de son quotidien se mêlent à des événements historiques transcendants pour l’histoire de Cuba : le règne de la terreur dans les sucreries, les esclaves fugitifs qui ont fui vers les montagnes, l’abolition de l’esclavage, la guerre d’Indépendance…
Ainsi, d’un pas discret et en laissant libre cours à sa mémoire, Montejo incorpore à la sienne bien d’autres voix, celles de tant d’hommes et de femmes anonymes qui ont façonné l’identité de l’île des Caraïbes.
Cornette par Horace Vernet – Rainer Maria Rilke 1875-1926
Deux lectures d’un même extrait (traduction française) du récit écrit en 1899 par un jeune poète autrichien de 23 ans, Rainer Maria Rilke,
« La Mélodie de l’Amour et de la Mort du Cornette Cristoph Rilke »
‘Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke’
par Serge Reggiani et par Laurent Terzieff
Serge Reggiani
Chevaucher, chevaucher, chevaucher, le jour, la nuit, le jour.
Chevaucher, chevaucher, chevaucher.
Et le cœur est si las, la nostalgie si grande. Il n’y a plus de montagnes, à peine un arbre. Rien n’ose se lever. Des cabanes étrangères, accroupies auprès de puits fangeux ont soif. Pas une tour à l’horizon. Et toujours la même image. On a deux yeux de trop. La nuit, parfois, on croit connaître la route. Peut-être refaisons-nous nuitamment l’étape que nous avons péniblement parcourue sous un soleil étranger ? C’est possible. Le soleil pèse, comme chez nous au cœur de l’été. Mais c’est en été que nous avons fait nos adieux. Les robes des femmes ont longtemps brillé dans la verdure. Et voici longtemps que nous sommes à cheval. C’est donc sans doute l’automne. Là, tout au moins, où des femmes tristes nous connaissent.
Laurent Terzieff
Rubens (détail)
Rilke, estimant son œuvre peu intéressante, avait préconisé, dans une lettre de novembre 1925 à Paula Lévy , qu’on ne la traduisît pas en français. La langue allemande d’origine, affirmait-il, préserverait bien mieux le charme du texte.
En allemand donc ce même extrait, pris dans la version de l’œuvre mise en musique par Viktor Ullmann en juillet 1944 pendant sa déportation au camp de Theresienstadt :
Thomas Quasthoff (récitant) Orchestre Philharmonique Tchèque Semyon Bychkov (direction)
Reiten, reiten, reiten, durch den Tag, durch die Nacht, durch den Tag. Reiten, reiten, reiten. Und der Mut ist so müde geworden und die Sehnsucht so groß. Es gibt keine Berge mehr, kaum einen Baum. Nichts wagt aufzustehen. Fremde Hütten hocken durstig an versumpften Brunnen. Nirgends ein Turm. Und immer das gleiche Bild. Man hat zwei Augen zuviel. Nur in der Nacht manchmal glaubt man den Weg zu kennen. Vielleicht kehren wir nächtens immer wieder das Stück zurück, das wir in der fremden Sonne mühsam gewonnen haben? Es kann sein. Die Sonne ist schwer, wie bei uns tief im Sommer. Aber wir haben im Sommer Abschied genommen. Die Kleider der Frauen leuchteten lang aus dem Grün. Und nun reiten wir lang. Es muß also Herbst sein. Wenigstens dort, wo traurige Frauen von uns wissen.
Chacun de mes masques scintillants se ferme sur la réalité comme la paupière d’un fauve nacré. Vous n’y voyez que du bleu. J’empale votre vertige au fond des marais glauques de la foule crépusculaire dont je m’approprie les balancements hagards. Les gestes déclinent sans doute ainsi que le col des cygnes sur la houille de leur œil stupide. Vous voudriez ne pas vous en souvenir.
Mais en écartant, même très délicatement, les écailles du rêve, ne se heurte-t-on pas toujours à un banc de crocodiles alanguis sur les berges du temps.
Ils fusillèrent les rires, les différences, les audaces. Ils barrèrent les rues et tout sens qu’ils ne trouvèrent pas conforme. Ils arrachèrent les livres, civilisèrent la mort, la rajeunirent. Ils arrangèrent le passé. De leurs idées arrêtées, ils firent des églises où ils sacrifièrent la vérité. Ils emprisonnèrent les paysages, suspectèrent l’intelligence, conditionnèrent l’amour, colonisèrent l’herbe sauvage, calfeutrèrent la joie, surveillèrent le désir, évaluèrent les maisons, parquèrent l’imagination, déclarèrent courte l’enfance. Quand ils eurent mis en bouteille, la vague, l’inventivité, la liberté, l’âme, et autres choses gênantes, ils dirent aux arbres quels fruits ils devraient porter. Ils installèrent l’uniforme de la pensée unique et décidèrent de ce qui était bon. Les tuiles qui rêvaient aux étoiles furent jetées aux orties qui elles-mêmes furent exterminées. Les champs, ces voix sans issues, furent stérilisés, comme les animaux, les idées, les rêves, les couleurs, et ceux qui ne pensaient pas comme eux. Ils déclarèrent dangereux le rire, l’espoir, le chant, la connaissance. Ils dressèrent des chiens, des lois et des tours. Les oiseaux furent bagués, les esprits lessivés. Quand ils eurent asséché l’intérieur et l’extérieur, quand ils eurent effacé les larmes, quand ils eurent sacrifié le vivant, ils trouèrent le ciel, trafiquèrent les cellules, inventèrent maladies et remèdes, assujettirent la réflexion, brûlèrent le jour et tout ce qui ne leur ressemblait pas. Puis, ils vidèrent les bacs à sable. Alors, il ne resta plus rien, ni personne, pour crier au loup ou pousser une balançoire. Et sur la boule bleue désaffectée, ils ne virent plus, dans l’orbite morte du soleil, que leur visage, infâme et sans nom.
On le voit derrière la vitre, en robe bleue, son visage est variable comme le temps. Tantôt jeune, tantôt très vieux. Il travaille et les gens s’arrêtent pour le regarder pendant des heures… Nul ne se moque. Derrière lui, la grande roue de bois sculpté qui tourne dans un sens, dans l’autre ; et tantôt si vite que les rais ne s’en voient plus ; tantôt très lentement. C’est la roue aux mots. On voit sur la feuille blanche devant lui son regard qui s’éclaire, illumine les environs de sa main, à mesure qu’elle se déplace et que le stylo qu’elle tient trace des caractères. On le voit battre de la tête sa mesure…
Mon sourire, ce petit morceau déjà visible de mon squelette.
Albert Cohen – ‘Belle du Seigneur’
Une réflexion de Montherlant sur le sourire.
Celui que l’on échange sans raison apparente avec des étrangers de rencontre ; celui qui, au fond de nous, apparaît pour nous interpeller ou nous sermonner, et qu’on gardera secret ; celui qui ne nous quittera pas toute l’éternité durant…
Et en filigrane de cette méditation le sourire du bouddha :
« le sourire de la pensée la plus profonde ».
Il m’est arrivé quelquefois, dans la rue, de surprendre une femme ou un enfant, des inconnus, qui, en me croisant, me souriaient. D’abord je restais interloqué. Puis je compris. Ils avaient vu sur mon visage un sourire inconscient, qu’ils avaient cru plus ou moins qui leur était adressé, et ils y répondaient.
Le « sourire de la pensée la plus profonde ».
Durant que j’écrivais ce livre, je ne cessais de sourire intérieurement.
C’était le sourire de ce que je n’y exprimais pas. J’espère qu’il ne s’est pas trahi.
Maintenant le livre est terminé. Et ce sourire s’accentue, tandis que je regarde mon œuvre. Que signifie-t-il ? Je préfère ne pas le dire.
Le sourire et le silence.
Bouddha respire une rose, se tait, et sourit. Ce sourire, le fin mot de tout. Les Grecs mêmes n’avaient pas trouvé cela. Jésus même n’avait pas trouvé cela. La nature l’avait trouvé : quand ils contemplent enfin librement ce qu’ils ont été, et ce qu’est le monde, les hommes, dans leurs cadavres, sourient.
Le diamant du lexique français, pour moi, c’est le substantif « sens ».
Condensé en une monosyllabe – sensible donc à l’oreille d’un Chinois – qui évoque un surgissement, un avancement, ce mot polémique cristallise en quelque sorte les trois niveaux essentiels de notre existence au sein de l’univers vivant : sensation, direction, signification.
Le dialogue : Une passion pour la langue française
Desclée de Brouwer (2002)
Ma lecture de ce texte a été déjà publiée sur « Perles d’Orphée » le 15/05/2013
sous le titre : « Tout a-t-il été dit ? »
Philippe Jaccottet 1925-2021
Croire que « tout a été dit » et que « l’on vient trop tard » est le fait d’un esprit sans force, ou que le monde ne surprend plus assez. Peu de choses, au contraire, ont été dites comme il le fallait, car la secrète vérité du monde est fuyante, et l’on peut ne jamais cesser de la poursuivre, l’approcher quelquefois, souvent de nouveau s’en éloigner. C’est pourquoi, il ne peut y avoir de répit à nos questions, d’arrêt dans nos recherches, c’est pourquoi nous ne devrions jamais connaître la mort intérieure, celle qui survient quand nous croyons, à tort, avoir épuisé toute possibilité de surprise. Si nous cédons à ce désabusement, bien proche du désespoir, c’est que nous ne savons plus voir ni le monde en dehors de nous, ni celui que nous contenons, c’est que nous sommes inférieurs à notre tâche (…)
Quiconque s’enfonce assez loin dans sa sensibilité particulière, quiconque est assez attentif à la singularité de son expérience propre, découvre des régions nouvelles ; et il comprend aussi combien il est difficile de décrire à d’autres les pas effrayés ou enchantés qu’il y fait.
Philippe Jaccottet in Nuages – Fata Morgana – 2002
C’est quoi une vie d’homme ? C’est le combat de l’ombre et de la lumière… C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur… Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté.