‘Tes mots…’

Tout est bien !

Tes mots sont ma maison, j’y entre. Tu as posé le café sur la table et le pain pour ma bouche. Je vois des fleurs dans la lumière bleue, ou verte. C’est exactement le paysage que j’aime, il a le visage de ta voix.

La pluie rince finement une joie tranquille. Aucune barrière, aucune pièce vide. Désormais tout s’écrit en silence habité. De cette plénitude, je parcours la détermination des choses.

L’arbre porte fièrement ses cerises comme une belle ouvrage. Il installe une trêve dans l’interstice des branches. Pas de passion tapageuse mais la rondeur du rouge. Un éclat. Des fleurs, encore lasses d’hiver, se sont maquillées depuis peu. Le soleil astique le cuivre des terres. Peut-on apprendre à reconnaitre l’existence ?

La rivière miraculeusement pleine, inonde son layon. La carriole du plaisir est de passage. Des oiseaux aux poissons, les rêves quotidiens font bonne mesure. Tout est bien.

 

« Un cahier ordinaire » – Éditions Chemin de plume

Mais vieillir… ! – 16 – ‘L’inconfiance’

L’inconfiance (extrait)

Elle sait les manques,
les chemins à rebrousse jeunesse,
les miroirs perfides, les carrefours, l’embuscade des sillons, tous les fléchissements.

Elle sait les traîtrises d’automne,
la lumière crue, la lumière nue qui appelle le corps par son âge.

Elle sait l’inconfiance malgré la violence des désirs.

Alors, elle voile la chute, protège l’intime, cherche la distance.
Elle masque la peur,
marche et sait qu’elle ne court plus.

La cruauté naturelle ne laisse aucun doute, la route est plus courte.

Pourtant, elle y boit toujours le soleil d’un trait.
Encore son pas réunit l’eau et le galet.

Doit-elle dire « je » quand elle parle d’elle ?

À les voir se chercher,
je me dis qu’il faut du temps pour joindre les deux bouts d’une femme.

Ile Eniger