‘Lorsque tu me liras’

Le Bonheur c’est pas grand chose, c’est juste du chagrin qui se repose.    Léo Ferré

Lorsque tu me liras…

Lorsque tu me liras, je te regarderai dans le pare-brise,
Tu viendras à moi, tout entière, comme la route,
Lorsque tu me liras, la maison sera silencieuse,
Et mon silence à moi te remplira tout entière aussi.

Avec toi, dans toi, je ne suis jamais silencieux,
C’est une musique très douce que je t’apporte…
Quant à toi, tu verses au plus profond de ma solitude, cette joie triste d’être,
Cet amour que, jour après jour, nous bâtissons, en dépit des autres,
En dépit de cette prison où nous nous sommes mis,
En dépit des larmes que nous pleurons chacun dans notre coin,
Mais présents l’un à l’autre…

Je te voyais, ces jours ci, dans la lande, là-bas, où tu sais…
Je t’y voyais bouger, à peine te pencher vers cette terre que nous aimons bien tous les deux,
Et tu te prosternais à demi, comme une madone,
Et je n’étais pas là… ni toi…
Ce que je voyais c’était mon rêve…

Ne pas te voir plus que je ne te vois…
Je me demande la dette qu’on me fait ainsi payer.
Pourquoi ?

L’amour est triste, bien sûr, mais c’est difficile,
Au bout du compte, difficile…

Dans mes bras, quand tu t’en vas longtemps vers les étoiles et que tu me demandes de t’y laisser encore… encore…
Je suis bien ; c’est le printemps, tout recommence, tout fleurit,
Et tu fleuriras aussi de moi, je te le promets.

La patience, c’est notre grande vertu, c’est notre drame aussi.
Un jour nous ne serons plus patients.
Alors, tout s’éclairera, et nous dormirons longtemps,
Et nous jouirons comme  des enfants.

Tu m’as refait enfant ; j’ai devant moi des tas de projets de bonheur…
Mais maintenant, tout est arrêté dans ma prison.
J’attends que l’heure sonne…
Je me perds dans toi, tout à fait.

Je t’aime, Christie,
Je t’aime

Léo Ferré (1986)

Here’s to life

I have learned that all you give is all you get
So give it all you’ve got

Shirley Horn (1934-2005) – Photo 1991

Pour la voix « pleine de force et de majesté » de Shirley Horn

Pour les paroles empreintes de sage nostalgie ébauchées par Artie Butler qui dit avoir composé cette ballade à travers le regard mélancolique d’un vieil homme penché sur son passé, et qui aurait conservé intact son optimisme envers le temps qui reste.

Pour l’arrangement musical de Johnny Mandel qui a sans doute réalisé là le dernier grand standard du jazz américain, et le titre signature de Shirley Horn dont l’interprétation profonde et suave représente un legs majeur à l’histoire du jazz vocal déjà si bien représenté par ailleurs.

Pour la qualité de l’enregistrement de 1992, avec orchestre, en studio.

POUR LE PLAISIR ! POUR LE PLAISIR ! POUR LE PLAISIR !

Aucune plainte et aucun regret
Je crois toujours à la poursuite des rêves et aux paris
Mais j’ai appris  que tout ce qu’on donne est tout ce qu’on obtient
Alors donne tout ce que tu as reçu

J’ai eu ma part, j’ai bu ma dose
Et même si je m’en satisfais
Je veux encore voir ce qu’il y a sur d’autres routes
Là-bas, au-delà de la colline
Et tout recommencer

Alors voilà, à la vie et à toutes les joies qu’elle procure
À la vie, pour les rêveurs et leurs rêves

C’est drôle comme le temps passe vite
Comment l’amour peut-il passer
De la chaleur de l’enfer à la tristesse des adieux
Et nous laisser avec nos souvenirs qu’on appelle
Pour réchauffer nos hivers

Car hier est passé et qui sait ce que demain apporte
Ou emporte
Tant que je suis encore dans le jeu je veux jouer
Pour rire, pour vivre, pour aimer

Alors à la vie et à toutes les joies qu’elle apporte
À la vie, aux rêveurs et à leurs rêves

Puisses-tu surmonter tes tempêtes
Et embellir tes bonheurs
À la vie, à l’amour, à toi (bis)

Traduction personnelle

La reconnaissance, pour Shirley Horn, a été tardive mais à la différence de bien des musiciens qui attendent longtemps que leur heure survienne, la raison de ce retard est liée dans son cas à des choix personnels. Aussi, son retour au devant de la scène à l’âge mûr a-t-il révélé au grand public une chanteuse d’une rare authenticité, chez qui l’émotion la plus pure se conjuguait à une musicalité sans pareille dont témoignait son aura auprès des musiciens. Comme les grandes chanteuses de jazz, Shirley Horn possédait non seulement un timbre de voix inimitable mais surtout un art d’interpréter les chansons avec un sens consommé de la mise en scène, chanteuse du clair-obscur et de la note feutrée.

Vincent Bessières - Directeur de la revue "Jazz & People"
(Introduction d'un portrait de Shirley Horn publié sur le site de la Philharmonie de Paris)