Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Cette vie humaine est impénétrable, mais elle est pleine de sens. Fixe ton but et vas-y tout droit, sans trop te demander si tu y arriveras. Il y a un temps pour tout, n’est-ce pas ? Un temps pour la souffrance, un temps pour la joie, un temps pour l’agitation, un temps pour la paix. Par delà tout, il y a la vie qui s’offre en sa force débordante.
François Cheng – « Le Dit de Tian-Yi » – Ed. Albin Michel (1998)
Meilleurs Vœux pour 2023 !
Puissiez-vous, chacun, trouver en vous et autour de vous la paix indispensable à l’épanouissement de la « vie bonne » et du bonheur que je vous souhaite pour cette année nouvelle !
A cette occasion, que nos espoirs les plus fous trouvent dans la quasi perfection de ce pas-de-deux dansé en toute simplicité par Marianela Núñez et William Bracewell matière à inspirer leur propre réalisation.
Cette fête du corps, devant nos âmes, offre lumière et joie.
Paul Valéry (à propos de la danse)
Marianela Nuñez (Kitri) et Vadim Muntagirov (Basilio) dansent le pas de deux de l’Acte III du ballet « DON QUICHOTTE »* sur la scène du « Royal Ballet » :
Grâce à l’habile intervention de Don Quichotte, auprès du père de Kitri et auprès de l’époux que celui-ci voulait lui imposer, ces deux jeunes amants ont enfin pu s’unir ainsi qu’ils le souhaitaient. Ils ne boudent pas leur joie…
Partagée au travers d’un aussi grand talent fait d’autant de grâce que de maîtrise, leur exultation ne tarde pas à porter notre bonheur de les admirer aux confins de l’extase.
Puissions-nous ne jamais perdre conscience de l'immense privilège qui nous est donné de pouvoir côtoyer la beauté d'aussi près !
Puissent ceux qui nous succèdent en mesurer la juste valeur, l'entretenir et le transmettre !
* Chorégraphie de Marius Petipa – Musique de Ludwig Minkus – 1869
Le ragtime est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde.
Alessandro Barrico (‘Novecento : pianiste‘)
… Never play ragtime fast at any time.
Scott Joplin
Mais oui, tu connais la musique de Scott Joplin, le ragtime ! Un montage photo bidouillé à la hâte et quelques notes de piano à rouleau et ta mémoire fera le reste :
≈
Ce que tu ne sais peut-être pas, c’est que le célébrissime Royal Ballet de Londres a dansé et danse encore sur les thèmes joyeusement syncopés du ragtime de Scott Joplin et de quelques-uns de ses contemporains du début du XXème siècle.
Kenneth MacMillan 1929-1992
C’est Kenneth MacMillan, alors directeur artistique de la Compagnie depuis 1970, qui, en 1974, réalise ce court spectacle haut en couleur, Elite Syncopations, sortant la troupe des conventions traditionnelles du ballet classique où elle excelle.
Pas d’intrigue véritablement, mais une succession de tableaux aux couleurs vives que l’on pourrait volontiers situer dans un bar douteux du delta du Mississippi au début du siècle dernier. Les personnages, en tenues flamboyantes, flirtent, se toisent, s’observent les uns les autres et dansent crânement à tour de rôle, chacun montrant à ses rivaux la hauteur de son talent.
Le talent, la scène du Covent Garden en regorgeait déjà le 7 octobre 1974 pour la première…
Le temps ne lui a rien fait perdre :
Juges-en par cette lente et superbe « rag-waltz » dansée il n’y a pas si longtemps par la divine Sarah Lamb et le sémillant Valeri Hristov, « Bethena, a Concert Waltz », morceau écrit par Scott Joplin en 1905.
≈
Et plein écran, bien sûr, pour un grand salut radieux à toute la Compagnie :
Pendant ce temps-là, notre mauvais génie travaillait à nous perdre. Nous étions dans le délire du plaisir, et le glaive était suspendu sur nos têtes.
Abbé Prévost – Manon Lescaut
Pendant les quelques semaines qui suivent leur première rencontre foudroyante dans cette sordide auberge où ni l’une ni l’autre n’auraient dû se trouver, les deux jeunes amants choisissent de se cloîtrer dans l’appartement parisien que loue Des Grieux pour abriter la passion naissante qu’il partage avec la charmante et volage Manon. Le jeune couple, qui vient d’abandonner le fou projet d’un mariage, s’active à « frauder les droits de l’Église » de la plus belle des manières…
De la plus belle des manières chorégraphiques, ainsi qu’en 1974 Kenneth MacMillan, alors directeur artistique du Royal Ballet de Londres, avait écrit et monté pour la première fois ce joyau emblématique de la danse classique :
Marianela Nuñez (Manon) et Federico Bonelli (Des Grieux) partagent ce confinement aussi passionné qu’aérien sur la scène du Royal Opera House :
Est-il instant plus pathétique que celui qui enferme dans la furtive extase d’un baiser d’amour le sourire de la grâce et la noblesse des corps ?
Ne sentez-vous pas que la danse est l’acte des métamorphoses ?
Paul Valéry
Il faut apprendre à être touché par la beauté, par un geste, un souffle, pas seulement par ce qui est dit et dans quelle langue, percevoir indépendamment de ce que l’on « sait ».
Pina Bausch
L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en une âme :
Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux,
Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux.
Jean Racine – Andromaque (Acte II / Scène 2 – Oreste)
Ω
— Transcendance de l’amour quand l’élégance de la musique fusionne dans l’harmonie d’un même élan la passion des corps et la profondeur des sentiments.
— Transcendance de la beauté quand l’amour se pare de l’éclat conjugué de deux étoiles : attraction gravitationnelle réciproque de la grâce pure et de la force maîtrisée.
Chorégraphie et livret : Youri Grigorovitch (né en 1927)
Musique : Aram Katchatourian (1903-1978)
Ballet du Bolchoï
Anna Nikulina (Phrygia)
Mikhail Lobukhin (Spartacus)
Ω
Au début de l’Acte III du ballet éponyme, Spartacus, libre désormais grâce à sa victoire dans son duel avec Crassus, s’empresse de retrouver Phrygia qui n’osait même plus nourrir l’espoir de le revoir. Et c’est l’occasion d’un superbe et émouvant « pas de deux » dansé sur les harmonies pathétiques d’un mouvement « Adagio ». Le lyrisme et la subtilité d’un tel moment de paix agissent comme un contraste enchanteur – et nécessaire – avec la multitude des tableaux bondissants et musclés qui caractérisent ce légendaire ballet guerrier.
Synopsis :
Crassus, consul romain triomphant, revient à Rome glorifié de ses brillantes conquêtes. Parmi les esclaves qu'il ramène, le roi de Thrace, Spartacus, et sa belle et vertueuse épouse Phrygia.La défaite est rude pour Spartacus : Phrygia doit rejoindre le harem des concubines de Crassus et lui-même est enrôlé de force dans la troupe inhumaine des gladiateurs. Lors d'un combat dans l'arène, il tue l'un de ses plus proches compagnons. C'en est trop. Le noble Spartacus décide de se rebeller et fomente un soulèvement des esclaves que l'histoire appellera la "Troisième Guerre Servile".Victorieux du combat singulier qui l'oppose à Crassus, Spartacus choisit, généreux, de laisser la vie sauve à son adversaire romain qui, au final, ne tiendra aucun compte de la mansuétude de ce noble guerrier. L'odieux Crassus ordonnera en effet à ses centurions de crucifier le valeureux sur la pointe de leurs lances.
Francisque Duret – Jeune pêcheur napolitain dansant la Tarentelle – bronze – 1833
Vous avez appris la danse, danse Vous avez appris les pas Redonnez-moi la cadence, dence Et venez danser avec moi ! Ne me laissez pas la danse, danse Pas la danser comme ça. Venez m’apprendre la danse, danse Et la danser avec moi !
… Mais, — ne le dites à personne — la Tarentelle, je ne la danse pas « vraiment » comme le jeune pêcheur napolitain de Duret… Et encore moins (ben voyons !) comme nos deux danseurs étoiles du Het Nationale Ballet (Ballet National des Pays-Bas), Maia Makhateli et Remi Wortmeyer dans la chorégraphie écrite en 1964 par le grand Balanchine.
— Eh ! Je vous vois sourire… Vous vous en doutiez bien, évidemment ! Bon, d’accord, il est vrai que la danse et moi… Je me bornerai donc à taper sur le tambourin… mais, promis, en mesure.
Alors à défaut, hélas ! de danser ensemble, partagerons-nous le plaisir d’un moment joyeux, tonique, enlevé et, pour le moins, talentueux, digne reflet des heureuses énergies que je nous souhaite pour mener au succès les espérances les plus folles qu’insuffle en nous cette nouvelle rentrée.
Même quand la jeune fille, sollicitée par nous, se levait modestement pour danser la tarentelle aux sons du tambourin frappé par son frère, et qu’emportée par le mouvement tourbillonnant de cette danse nationale, elle tournoyait sur elle-même, les bras gracieusement élevés, imitant avec ses doigts le claquement des castagnettes et précipitant les pas de ses pieds nus, comme des gouttes de pluie sur la terrasse ; oui, même alors, il y avait dans l’air, dans les attitudes, dans la frénésie même de ce délire en action, quelque chose de sérieux et de triste, comme si toute joie n’eût été qu’une démence passagère, et comme si, pour saisir un éclair de bonheur, la jeunesse et la beauté même avaient besoin de s’étourdir jusqu’au vertige et de s’enivrer de mouvement jusqu’à la folie !
Alphonse de Lamartine (Graziella – Livre huitième – VII)
Plus ou moins zéro, c’est, dans la gradation Celsius des températures, le point de rencontre du solide et du liquide, ce point d’échange particulier où la terre ferme devient fine pellicule de glace, comme au Groenland, par exemple. A ce point, le quotidien est tenaillé entre conditions naturelles extrêmes et isolement social, limite ténue où la vie et la mort ne tiennent qu’à la simple mutation du signe.
N’est-ce pas également à cette subtile inversion de sens que tient le fragile équilibre de la relation du couple ? Oscillation continue du point de convergence de deux solitudes entre un plus fusionnel et un moins fissionnel.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy