Jean Grosjean, un regard, une parole…

Un livre, qu’on le lise ou qu’on l’écrive, doit être soluble dans la vie. On doit pouvoir à chaque page lever les yeux sur le monde ou se pencher sur un souvenir pour vérifier le texte.

Jean Grosjean 1912-2006

(cité par Patrick Kéchichian dans un article du journal Le Monde du 13/04/2006, à l’occasion de la mort du poète.)

 

La Liseuse, Charles von Steuben – Musée des Beaux Arts, Nantes

ω

Hier

Assis sur mes talons entre les murs
je suis livré à la nuit anonyme
et je me tais, mais je l’entends m’entendre.
Il faut, dis-tu, marcher d’un mur à l’autre.

Rien, des essors d’oiseaux, l’herbe au soleil,
l’odeur du sol, l’azur dans l’abreuvoir
et l’envol des instants. Hier n’est plus,
ne te retourne pas sur un abîme.

Jean Grosjean 1912-2006

 

La rumeur des cortèges (Gallimard – 2005)

 

 

ω

Christian Bobin évoque Jean Grosjean :

L’âme d’un livre

La biographie d’un auteur cache plus son texte qu’elle ne l’éclaire. La clé de l’œuvre est dans l’œuvre. Chaque texte dit ce qu’il veut dire (tout et rien que) à condition, bien sûr, de ne pas réduire ce texte à la somme de ses analyses, celles-ci ne valent pas plus que les références ou les confidences. Qui connaît le moins mal un homme ? son médecin, son commissaire de police, son confesseur, ou bien son ami et sans doute son ennemi ? L’âme d’un livre (sans qui le livre n’est rien) ne se trouve ni en son corps ni hors de son corps. Elle est un particulier mouvement qui fait que ce corps ne se défait pas.

Jean Grosjean (1912-2006)

 

La Nouvelle Revue Française N° 90, juin 1960 (Texte reproduit in « Une voix, un regard – Textes retrouvés 1947-2004 » – « Promenade stylistique » NRF Gallimard page 259

 

 

Rien ne fait moins de bruit que les livres subtils, savoureux et profonds de Jean Grosjean et rien ne nous emmène plus loin dans notre vie de lecteur. (Christian Bobin)

Billet sur « Perles d’Orphée » en janvier 2014 :

Jean Grosjean, infiniment