Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Les contes de fées c’est comme ça.
Un matin on se réveille.
On dit : « Ce n’était qu’un conte de fées… »
On sourit de soi.
Mais au fond on ne sourit guère.
On sait bien que les contes de fées
c’est la seule vérité de la vie.
Antoine de Saint-Exupéry (« Lettres à l’inconnue » – Gallimard 2008)
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Una volta c’era un re, Che a star solo, Che a star solo s’annoiò; Cerca, cerca, ritrovò : Ma il volean sposare in tre. Cosa fa? Sprezzò il fastom e la beltà , E all fin scelse per sè L’innocenza, e la bontà Là là là là …
Il était une fois un roi Qui était seul, Qui s’ennuyait d’être seul. Il chercha, chercha encore Et c’est trois femmes qu’il trouva… Trois femmes qui voulaient toutes l’épouser. Que faire ? Il méprisa la pompe et la beauté, Et finalement, pour lui-même, choisit L’innocence et la vertu. La la la…
Wallis Giunta - mezzo soprano
"Una volta c'era un re" :
Chanson extraite de l'opéra "La Cenerentola" de Gioachino Rossini
Crois bien qu’il y aura toujours de la solitude sur la terre pour ceux qui en seront dignes.
Villiers de L’Isle-Adam
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Disparaître dans la seule contemplation du monde…
Une minute, un jour, le reste d’une vie… S’abreuver au pampre d’une goutte d’éternité, Silencieux sombrer sous un linceul sidéral, Ressusciter dans le présage prodigieux de l’aube.
Éblouissant vertige, naître enfin à soi-même… ………………………………….Seul, pour la première fois !
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« Ô solitude, mon choix le plus doux ! »
Ô Solitude Ô que j’aime la solitude ! Que ces lieux consacrés à la nuit. Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude ! Ô que j’aime la solitude !
Que je prends de plaisir à voir Ces monts pendants en précipices. Qui, pour les coups du désespoir. Sont aux malheureux si propices. Quand la cruauté de leur sort. Les force à rechercher la mort.
Je l’aime pour l’amour de toi, Connaissant que ton humeur l’aime ; Mais quand je pense bien à moi. Je la hais pour la raison même : Car elle pourrait me ravir L’heur de te voir et te servir.
Oh ! que j’aime la solitude ! C’est l’élément des bons esprits, C’est par elle que j’ai compris L’art d’Apollon sans nulle étude.
Ô que j’aime la solitude !
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L’émotion exclurait-elle un brin d’histoire ?
Katherine Philips – « Orinda » (1631-1664)
Malgré ses nombreuses amitiés littéraires londoniennes Katherine Philips, alias « Orinda », poétesse très en vogue dans l’Angleterre du jeune Henry Purcell, ne manque pas d’occasions pour éprouver sa solitude, et notamment lors de ses longs séjours au Pays de Galles.
Antoine Girard de Saint-Amant (1594-1661)
Aussi, pratiquant un excellent français, est-elle interpelée par les vers de circonstance de son aîné d’outre-Manche, Antoine Girard de Saint-Amant, et traduit-elle, aussitôt découvert, le poème « La solitude » qu’il écrivait en 1617.
Henry Purcell (1659-1695)
C’est à partir de trois versets de cette traduction de Katherine Philips que l’incontournable compositeur anglais compose vers 1684 ou 85 cette aria que la postérité consacrera, à juste titre, comme une de ses œuvres de référence.
Cette pièce repose sur vingt-huit répétitions régulières d’une basse hypnotique sur laquelle Purcell illustre les visions poétiques d’une âme solitaire à travers une mélodie envoûtante dans laquelle se superposent, multicolores, les variétés harmoniques de la voix qui en évoque les beautés.
Un avant goût d’infini…! Isn’t it ?
Merci à Jeffrey Stivers, inconditionnel amoureux de la musique baroque, qui publie sur YouTube une superbe collection de montages, plus séduisants les uns que les autres, à la gloire de ces voix fascinantes dont la sensibilité, la virtuosité et le faste constituent un inégalable fleuron de notre musique occidentale.
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy