Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
A solidão, um bar, a noite quente O tédio sufocante Um gesto descuidado A frase inconsequente Um riso provocante No rosto um desafio O olhar macio e imprudente Seu jeito de criança Entrando em minha vida Imperiosamente
O anseio arrebatado, torturante O corpo impaciente A boca incendiada O seio palpitante O beijo incandescente O coração descompassado suplicante Um fogo ardendo furiosamente E o gosto inebriante de um desejo urgente e devastador
A entrega obediente sem cuidado O ardor dilacerante A alma adolescente O abraço alucinado Um grito triunfante Um louco desvario A paz chegando de repente E o pulso latejante da paixão febril cravada no meu ventre
Por fim a despedida e um vazio doendo persistente Me vi por toda vida num silêncio frio A te lembrar ausente E ainda que essa noite esteja tão distante a dor me faz lembrar inutilmente Que fui por um instante Tua para sempre amor
Nuit
La solitude, un bar, une nuit chaude L’ennui suffocant Un geste insouciant La phrase sans importance Un sourire provocateur Sur le visage un défi Le regard doux et téméraire Tes manières enfantines Entrant impérieusement dans ma vie
Le désir ravi et torturé Le corps impatient La bouche brûlante La poitrine palpitante Le baiser incandescent Le cœur suppliant et battant Un feu brûlant furieusement Et le goût enivrant d’un désir urgent et dévastateur
L’abandon obéissant sans souci L’ardeur déchirante L’âme adolescente L’étreinte hallucinatoire Un cri triomphant Une frénésie folle La paix soudain venue Et le pouls cognant d’une passion fiévreuse vissée dans mes entrailles
Enfin l’adieu et la douleur d’un vide sans fin J’ai vu toute ma vie perdue dans un silence froid Me souvenant de ton absence Et même si cette nuit est si loin la douleur inutilement me rappelle Que je fus pour un instant Ton amour pour toujours
Exécutée par des voix surprenantes, voilà une chose prodigieuse ; je pourrais presque en pleurer, si le don des larmes ne m’avait été enlevé.
Giacomo Leopardi (1798-1837) dans une lettre à son frère après la représentation de l’opéra « La Donna del Lago »
Gioacchino Rossini 1792-1868
Pour l’opéra de Gioachino Rossini, « La Donna del Lago » – inspiré du poème éponyme de Walter Scott – dans lequel se mêlent, au cœur des Highlands du XVIème siècle, conflits politiques et intrigues amoureuses…
Pour ce final enlevé et joyeux, « Tanti affetti in tal momento » qui exprime par la voix d’Elena les sentiments heureux qu’elle éprouve en retrouvant d’un même coup son père et l’homme qu’elle aime.
Pour le belcanto à la mode rossinienne avec ses mélodies élégantes, ses vocalises virtuoses et le raffinement des orchestrations…
Et pour la performance vocale et théâtrale de la magnifique soprano colorature suédoise Malena Ernman… et les facéties malicieuses de son interprétation si peu conventionnelle qui font sans doute frémir d’indignation les puristes de l’opéra, mais qui décuplent le plaisir jubilatoire de tellement d’autres pétrousquins auxquels, pour la circonstance, on se réjouira d’appartenir.
Malena Ernman (soprano colorature)
sur la scène du MusikTheater an der Wien, en août 2012
ORF Orchestre Symphonique de la Radio de Vienne
Chœur Arnold Schoenberg (dir. Erwin Ortner)
Direction musicale : Leo Hussain
Mise en scène : Christof Loy
Elena: Tanti affetti in tal momento mi si fanno al core intorno, che l’immenso mio contento io non posso a te spiegar. Deh! Il silenzio sia loquace… Tutto dica un tronco accento… Ah, Signor! La bella pace tu sapesti a me donar.
Coro: Ah sì… Torni in te la pace, puoi contenta respirar!
Elena: Fra il padre e fra l’amante… Oh, qual beato istante! Ah! Chi sperar potea tanta felicità?!
Coro: Cessi di stella rea la fiera avversità…
Elena: Ah! chi sperar potea tanta felicità!
Fra il padre e fra l’amante… Oh, qual beato istante! Ah! Chi sperar potea tanta felicità?!
Elena : Tant d’émotions en cet instant assiègent mon cœur que je ne puis t’exposer mon infini plaisir. Allons, sois éloquent silence… Qu’une voix enfin dise tout… Ah, Seigneur! vous avez daigné m’accorder une si belle paix !
Chœur : Ah, oui !… Retrouve la paix, respire ton bonheur !
Elena : Entre mon père et mon amant… Oh, quel instant bienheureux ! Ah ! Qui pouvait espérer pareille félicité.
Chœur : Que cesse la cruelle influence d’une mauvaise étoile…
Elena : Ah ! qui peut espérer un tel bonheur ?
Entre mon père et mon aimé Quel merveilleux moment ! Ah ! qui peut espérer un tel bonheur ?
Fais comme le lanceur de couteaux, qui tire autour du corps. Écris sur l’amour sans le nommer, la précision consiste à éviter. Détourne-toi du mot solennel, déjà ripaillé, vise le bord, longe, le lanceur de couteaux touche de loin, l’erreur est d’atteindre la cible, la grâce est de la rater
Consiglio
Fai come il lanciatore di coltelli, che tira intorno al corpo. Scrivi di amore, senza nominarlo, la precisione sta nell’evitare. Distràiti dal vocabolo solenne, già abbuffato, punta al bordo, costeggia, il lanciatore di coltelli tocca da lontano, l’errore è di raggiungere il bersaglio, la grazia è di mancarlo.
Vous êtes bien belle et je suis bien laid. A vous la splendeur de rayons baignée ; A moi la poussière, à moi l’araignée. Vous êtes bien belle et je suis bien laid ; Soyez la fenêtre et moi le volet.
Nous réglerons tout dans notre réduit. Je protégerai ta vitre qui tremble ; Nous serons heureux, nous serons ensemble ; Nous réglerons tout dans notre réduit ; Tu feras le jour, je ferai la nuit.
Victor Hugo 1802-1885
Poème composé en 1830 en hommage à Maglia Feroni, actrice de l’Odéon, dont Victor Hugo était amoureux.
Publié pour la première fois en 1883 dans le numéro de mai de la Revue des Lettres et des Arts.
JeanJulesGeoffroy – 1853
D’un Serge à l’autre :
Serge Gainsbourg, en 1961, a repris et transformé le poème, pour le chanter lui-même.
Serge Reggiani, en 1973, ne résista pas au plaisir de l’interpréter à son tour :
Vous êtes bien belle, et je suis bien laid, A vous la splendeur de rayons baignée A moi la poussière, à moi l’araignée Vous êtes bien belle, et je suis bien laid,
Tu feras le jour, je ferai la nuit, Je protégerai ta vitre qui tremble, Nous serons heureux, nous serons ensemble, Tu feras le jour, je ferai la nuit,
Vous êtes bien belle, et je suis bien laid, A vous la splendeur de rayons baignée A moi la poussière, à moi l’araignée Vous êtes bien belle, et je suis bien laid.
Lamartine – La chute d’un ange – XII vision (1838)
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Francisco Luis Bernardez (Argentine 1900-1978)
« Être amoureux… »
Être amoureux, mes amis, c’est trouver le nom exact de la vie. C’est tomber enfin sur le mot qu’il faut pour affronter la mort. C’est retrouver la clé cachée qui ouvre la prison ou l’âme est retenue captive. C’est respirer le vent du large qu’on respire au-delà de la chair. C’est contempler du haut de la personne la raison des blessures. C’est déceler dans des yeux un regard vrai qui nous regarde. C’est écouter dans une bouche sa propre voix profondément répétée. C’est surprendre dans des mains cette chaleur de la parfaite alliance. C’est pressentir que, pour toujours, la solitude de notre ombre est vaincue.
Être amoureux, mes amis, c’est découvrir ou s’unissent corps et âmes. C’est deviner dans le désert la voix cristalline d’une eau vive qui nous appelle. C’est voir la mer du haut de la tour où est restée prisonnière notre enfance. C’est reposer ses yeux tristes sur un paysage de cigognes et de cloches. C’est occuper un territoire où cohabitent les parfums et les armes. C’est dicter sa loi à chaque rose et en même temps la recevoir de son épée. C’est prendre les sentiments pour un brasier qui jaillit du cœur. C’est maîtriser la lumière du feu et en même temps être esclave de la flamme. C’est comprendre la conversation intime du cœur et de la distance. C’est trouver le chemin qui mène au royaume de la musique absolue. […]
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Estar enamorado, amigos, es encontrar el nombre justo de la vida. Es dar al fin con la palabra que para hacer frente a la muerte se precisa. Es recobrar la llave oculta que abre la cárcel en que el alma está cautiva. [Es levantarse de la tierra con una fuerza que reclama desde arriba.] Es respirar el ancho viento que por encima de la carne se respira. Es contemplar desde la cumbre de la persona la razón de las heridas. Es advertir en unos ojos una mirada verdadera que nos mira. Es escuchar en una boca la propia voz profundamente repetida. Es sorprender en unas manos ese calor de la perfecta compañía. Es sospechar que, para siempre, la soledad de nuestra sombra está vencida.
Estar enamorado, amigos, es descubrir dónde se juntan cuerpo y alma. Es percibir en el desierto la cristalina voz del río que nos llama. Es ver el mar desde la torre donde ha quedado prisionera nuestra infancia. Es apoyar los ojos tristes en un paisaje de cigüeñas y campanas. Es ocupar un territorio donde conviven los perfumes y las armas. Es dar la ley a cada rosa y al mismo tiempo recibirla de su espada. Es confundir el sentimiento con una hoguera que del pecho se levanta. Es gobernar la luz del fuego y al mismo tiempo ser esclavo de la llama. Es entender la pensativa conversación del corazón y la distancia. Es encontrar el derrotero que lleva al reino de la música sin tasa.
[Estar enamorado, amigos, es adueñarse de las noches y de los días.
Es olvidar entre los dedos emocionados la cabeza distraída.
Es recordar a Garcilaso cuando se siente la canción de una herrería.
Es ir leyendo lo que escriben en el espacio las primeras golondrinas.
Es ver la estrella de la tarde por la ventana de una casa campesina.
Es contemplar el tren que pasa por la montaña con las luces encendidas.
Es comprender perfectamente que no hay fronteras entre el sueño y la vigilia.
Es ignorar en qué consiste la diferencia entre pena y alegría.
Es escuchar a medianoche la vagabunda confesión de la llovizna.
Es divisar en las tinieblas del corazón una pequeña lucecita.
Estar enamorado, amigos, es padecer espacio y tiempo con dulzura.
Es despertarse en la mañana con el secreto de las flores y las frutas.
Es liberarse de sí mismo y estar unido con las otras criaturas.
Es no saber si son ajenas o si son propias las lejanas amarguras.
Es remontar hasta la fuente las aguas turbias del torrente de la angustia.
Es compartir la luz del mundo y al mismo tiempo es compartir la noche obscura.
Es asombrarse y alegrarse de que la luna todavía sea luna.
Es comprobar en cuerpo y alma que la tarea de ser hombre es menos dura.
Es empezar a decir siempre y en adelante no volver a decir nunca.
Y es además, amigos míos, estar seguro de tener las manos puras.]
Dépit amoureux chorégraphique du Nord de l’Argentine, la Zamba est une danse sensuelle lente, au rythme circulaire marqué au temps par une percussion, qui tient les corps à distance de foulard pour donner au couple tout le loisir de jouer à travers les échanges de regards au jeu du « je t’aime, moi non plus ».
Chantée, c’est une poésie nostalgique et sensuelle par laquelle s’exprime l’éternel tourment des amoureux oscillant entre séduction et séparation.
Une Zamba pour oublier… ou pas !
Zamba para olvidar
Elle
Mais, selon moi, plus malheureux que tous est celui qui n’aime plus et ne peut oublier qu’il a aimé.
Adam Mickiewicz – La Résignation
Juana Cardozo (voix)
Juan Carlos Velazquez (piano)
Miguel Velazquez (basse)
No se para que volviste si yo empezaba a olvidar no se si ya lo sabras llore cuando vos te fuiste no se para que volviste que mal me hace recordar.
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La tarde se ha puesto triste y yo prefiero callar para que vamos a hablar de cosas que ya no existen no se para que volviste ya ves que es mejor no hablar
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Que pena me da saber que al final de ese amor ya no queda nada solo una pobre cancion da vueltas por mi guitarra y hace rato que te extraña mi zamba para olvidar.
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Mi zamba vivio conmigo parte de mi soledad. no se si ya lo sabras… mi vida se fue contigo contigo mi amor contigo que mal me hace recordar
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Mis manos ya son de barro tanto apretar al dolor y ahora que me falta el sol no se que venis buscando. Llorando mi amor llorando tambien olvidame vos.
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Que pena me da saber que al final de ese amor ya no queda nada solo una pobre cancion da vueltas por mi guitarra y hace rato que te extraña mi zamba para olvidar.
Lui (… mais pas sans Elle !)
Comment oublier jamais quelqu’un qu’on aime depuis toujours ?
Marcel Proust – A l’ombre des jeunes filles en fleurs
« Demain » Le mot Allait, délié, vacant, Sans poids dans le vent, Si dénué d’âme et de corps, De couleur, de baiser, Que je l’ai laissé passer Près de moi aujourd’hui. Mais soudain toi Tu as dit : « Moi, demain… » Et tout s’est peuplé De chair et de drapeaux. Sur moi se précipitaient Les promesses Aux six cents couleurs, Avec des robes à la mode, Nues, mais toutes Chargées de caresses. En train ou en gazelles M’arrivaient – aigus, Sons de violons – Des espoirs ténus De bouches virginales. Ou rapides et grandes Comme des navires, de loin, Comme des baleines Depuis des mers distantes, D’immenses espérances D’un amour sans final. Demain ! Quel mot vibrant, tendu D’âme et de chair rose, Corde de l’arc Où tu posas, si effilée, Arme de vingt années, La flèche la plus sûre Quand tu as dis : « Moi… »
Pedro Salinas 1891-1951
in La voz a ti debida, 1933
« La voix qui t’est due » Traduit de l’espagnol par Bernard Sesé
(Le Calligraphe -1982)
«Mañana». La palabra iba suelta, vacante, ingrávida, en el aire, tan sin alma y sin cuerpo, tan sin color ni beso, que la dejé pasar por mi lado, en mi hoy. Pero de pronto tú dijiste: «Yo, mañana…» Y todo se pobló de carne y de banderas. Se me precipitaban encima las promesas de seiscientos colores, con vestidos de moda, desnudas, pero todas cargadas de caricias. En trenes o en gacelas me llegaban —agudas, sones de violines— esperanzas delgadas de bocas virginales. O veloces y grandes como buques, de lejos, como ballenas desde mares distantes, inmensas esperanzas de un amor sin final. ¡Mañana! Qué palabra toda vibrante, tensa de alma y carne rosada, cuerda del arco donde tú pusiste, agudísima, arma de veinte años, la flecha más segura cuando dijiste: «Yo…»
Dans un siècle dont tant de livres disent les noirceurs alors que ne s’y opposent souvent que des simplismes à la ‘Coué’, l’œuvre de Dhôtel s’avance un peu seule et sans tapage vers cette raie de lumière sous la porte qu’il y a au fond de chacun de nous.
Jean Grosjean
Ode à la manivelle
Le joueur d’orgue de barbarie monologuait : « Puisque vous ne comprenez rien je dois tout vous expliquer.
En haut de mes gammes les coquelicots vers le milieu les bleuets en profondeur les roses noires. Mais les fleurs toutes ensemble ne sont là que pour éclairer les lignes vives de l’amour.
Sur la première portée s’impriment les pieds nus de la fille irremplaçable. La seconde garde le reflet de ses charmes et sourires tandis qu’au fond de l’azur fin après cent tours de manivelle dans un silence apparaît son ravissant corps dévêtu… »
Personne n’est jeune après quarante ans mais on peut être irrésistible à tout âge.
Coco Chanel
Deux gardénias suffiront à en faire l’heureuse démonstration. Pas « les galants gardénias dans leurs suaves pourpoints », de Raymond Queneau, exposés ici dans leur candeur virginale, mais les « Dos gardenias » de la chanson composée en 1945 par la pianiste cubaine Isolina Carrillo.
« Dos gardenias », incontournable standard de la musique latine, aura attendu le milieu des années 1990 et les tournées mondiales du Buena Vista Social Club Orquesta associé au chanteur Ibrahim Ferrer pour devenir un « tube » international. La chanteuse Omara Portuondo, seule femme à rejoindre le groupe, en fera pour toujours une perle de son répertoire.
C’est un boléro, une chanson d’amour comme tant d’autres, dans laquelle une jeune femme amoureuse exprime sa crainte de voir son bienaimé s’éprendre d’une autre… Deux gardénias, image de pureté et de sincérité, qu’elle offre, symbole de deux baisers échangés, à son amoureux. Deux fleurs qui mourront assurément si elles devinaient que cet amour a été trahi.
Quelqu’un a dit un jour que la vieillesse ne commence que lorsque les regrets prennent la place des rêves. Que dire de cette jeune femme, filmée ici à l’occasion de ses 90 ans, installée dans le désormais légendaire fauteuil d’une certaine « Emmanuelle », les yeux gorgés de cette fraîcheur de la jeunesse et la voix porteuse de ses folles espérances, qui chante « Dos gardenias » ?
Irrésistible Omara !
Dos gardenias para ti Con ellas quiero decir Te quiero, te adoro, mi vida Ponles toda tu atención Que serán tu corazón y el mío
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Dos gardenias para ti Que tendrán todo el calor de un beso De esos besos que te di Y que jamás te encontrarán En el calor de otro querer
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A tu lado vivirán y se hablarán Como cuando estás conmigo Y hasta creerán que te dirán Te quiero
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Pero si un atardecer Las gardenias de mi amor se mueren Es porque han adivinado Que tu amor me ha traicionado Porque existe otro querer
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A tu lado vivirán y se hablarán Como cuando estás conmigo Y hasta creerán que te dirán Te quiero
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Pero si un atardecer Las gardenias de mi amor se mueren Es porque han adivinado Que tu amor me ha traicionado Porque existe otro querer
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Es porque han adivinado Que tu amor me ha traicionado Porque existe otro querer
Les étoiles n’ont leur vrai reflet qu’à travers les larmes.
Vladimir Nabokov – Regarde, regarde les arlequins !
Franz Schubert 1797-1828
Ruby Hughes (soprano) – Joseph Middleton (piano)
Abendstern – D. 806
« Étoile du soir »
Étoile du soir
Pourquoi au ciel brilles-tu solitaire, Ô belle étoile, toi dont l’éclat est si doux ? Pourquoi la troupe étincelante De tes sœurs demeure-t-elle si loin de toi ? “Je suis de l’amour l’étoile fidèle, Et toutes de l’amour se tiennent éloignées.”
Eh bien, il faut aller vers elles, Sans plus tarder, puisque tu es l’amour ! Qui donc pourrait te résister, Douce et capricieuse lumière ? “Je sème, et ne vois rien fleurir, Et je demeure ici, triste et silencieuse.”
⭐
Abendstern
Was weilst du einsam an dem Himmel, O schöner Stern? und bist so mild; Warum entfernt das funkelnde Gewimmel Der Brüder sich von deinem Bild? « Ich bin der Liebe treuer Stern, « Sie halten sich von Liebe fern. »
So solltest du zu ihnen gehen, Bist du der Liebe, zaudre nicht! Wer möchte denn dir widerstehen? Du süßes eigensinnig Licht. « Ich säe, schaue keinen Keim, « Und bleibe trauernd still daheim. »
Parla a lungo con me la mia compagna di cose tristi, gravi, che sul cuore pesano come una pietra; viluppo di mali inestricabile, che alcuna mano, e la mia, non può sciogliere.
Un passero della casa di faccia sulla gronda posa un attimo, al sol brilla, ritorna al cielo azzurro che gli è sopra.
Oh lui, tra i beati beato! Ha l’ali, ignora la mia pena secreta, il mio dolore d’uomo giunto a un confine: alla certezza di non poter soccorrere chi s’ama.
Confins
Longuement me parle ma compagne de choses tristes, graves, qui pèsent comme une pierre sur mon cœur ; enchevêtrement inextricable de douleurs, qu’aucune main, pas plus la mienne, n’annulera.
Un moineau sur la pente de la maison d’en face un instant se pose, brille au soleil, retourne au ciel d’azur par–dessus lui.
O lui heureux bienheureux ! Des ailes il a, il ignore ma peine secrète, ma douleur d’homme venu à une limite : toute la certitude de ne pouvoir porter secours à ceux que l’on aime.
Umberto Saba1883-1957
Extrait de « Parole » (Paroles) Traduction : Bernard Simeone
Peut-être est-ce parce qu'à Trieste on était en partie italien, en partie autrichien et en partie slovène, qu'Umberto Saba est demeuré le moins connu des immortels de la poésie italienne tels que Pasolini, Ungaretti et Montale, ses contemporains et amis.
Peut-être qu'une enfance difficile, sans père, et une vie d'homme en fuite permanente pour échapper aux persécutions des "lois raciales" et préserver la vie des siens, ont conduit la parole du poète sensible et mélancolique sur le chemin discret de la simplicité plutôt que vers les buissons épais de l'hermétisme du temps.
Ce qu’on apprend dans les livres c’est à dire « je vous aime ».
Ce qu’on apprend dans les livres, c’est-à-dire « je vous aime ».
Il faut d’abord dire « je ». C’est difficile, c’est comme se perdre dans la forêt, loin des chemins, c’est comme sortir de la maladie, de la maladie des vies impersonnelles, des vies tuées.
Ensuite il faut dire « vous ». La souffrance peut aider – la souffrance d’un bonheur, la jalousie, le froid, la candeur d’une saison sur la vitre du sang. Tout peut aider en un sens à dire « vous », tout ce qui manque et qui est là, sous les yeux, dans l’absence abondante.
Enfin il faut dire « aime ». C’est vers la fin des temps déjà, cela ne peut être dit qu’à condition de ne pas l’être. La dernière lettre est muette, elle s’efface dans le souffle, elle s’en va comme l’air bleu sur la page, dans la gorge.
« Je vous aime. » Sujet, verbe, complément. Ce qu’on apprend dans les livres c’est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement de temps pour s’atteindre.
Christian Bobin1951 – 2022
La part manquante (extrait) (NRF Gallimard – 1989)
Que demain vous relisiez le Freischütz, ayant entendu hier Tannhäuser, vous aimerez encore la beauté des choses après celle des âmes ; dans la simplicité de la vie naturelle, vous en qui la vie intérieure et morale aura surabondé, vous goûterez une sensation délicieuse de rafraîchissement et de repos.
Camille Bellaigue – Revue des Deux Mondes, 4e période, tome 129 –
Coup de feu, coup de foudre, une seule destination : le cœur !
Coup de feu :
Le fatidique septième coup de feu sorti du fusil du jeune et naïf Max, par chance, et surtout par magie, n’a pas atteint le cœur de l’innocente colombe désignée, ni celui de la douce fiancée du malheureux tireur, Agathe, inopinément sortie du buisson qui la cachait. Un ermite passant par-là avait dévié la balle meurtrière vers Kaspar, complice de Samiel, l’envoyé du Diable qui s’était vainement réservé tout pouvoir sur la trajectoire de cette septième balle.
Coup de foudre :
C’est par la voix d’Agathe qu’il nous parvient, droit au cœur, alors qu’inquiétée par de sombres pressentiments, peu avant le satanique coup de feu, la future épouse de Max, déjà prête pour la cérémonie, implorait la protection du ciel.
Une prière parmi les plus émouvantes entendues sur les scènes d’opéra, composée par Carl Maria von Weber pour son célèbre « Freischütz », cavatine qui réunit au sommet une ferveur et un legato qui bouleversèrent le jeune Wagner lui-même, au point, dit-on, d’avoir influencé sa sensibilité artistique.
Der Freischütz – Acte III – scène 2 – Cavatine
Jeanine De Bique (soprano) Konzerthausorchester Berlin Christoph Eschenbach(direction)
AGATHE
Et même lorsque les nuages le cachent, Le soleil demeure dans le ciel ; Une volonté sainte régit le monde, Et non point un hasard aveugle ! L’œil du Père, que rien ne saurait troubler, Veille éternellement à toute créature !
Moi aussi qui me suis confiée à lui, Je sais qu’il veille sur moi, Et même si c’était là ma dernière journée, Si sa parole m’appelait comme fiancée : Son œil, éternellement pur et clair, Me considère aussi avec amour !
Aimer aussi est bon : car l’amour est difficile. S’aimer, d’être humain à être humain : voilà peut-être la tâche la plus difficile qui nous soit imposée, l’extrême, la suprême épreuve et preuve, le travail en vue duquel tout autre travail n’est que préparation.
Rainer Maria Rilke – Lettre à un jeune poète
La période des vœux annuels est toujours une occasion de porter un regard ému sur la souffrance et les peines de nos contemporains, de faire même parfois quelques dons tout pleins de notre sincère compassion.
Et chaque année la fumée des cheminées écrit en grand dans le ciel d’hiver le message d’amour et de paix que chacun adresse à chaque autre.
Mais comme toutes les fumées…
Fernand Pelez – Nid de misère – 1887
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I said man is always talking ’bout it’s inhumanity to man But what is he tryin’ to do to make it a better man?
Pour la grande Roberta Flack, chanteuse et pianiste de jazz, deux fois consécutives lauréate du Grammy Award, en 1973 et 1974.
Pour sa « pertinence sociale », son « intrépidité politique », et sa générosité.
Pour son premier disque « First Take » paru en juin 1969 chez Atlantic Records.
∼ Grammy Hall of Fame Award décerné en 2016 par la très respectée Recording Academy
∼ Classé en 2020 parmi les 500 plus grands albums de tous les temps par le sérieux magazine international Rolling Stones.
∼ Considéré par l’immense majorité des amateurs de Jazz du monde comme l’un des 20 enregistrements indispensables à toute discothèque de qualité.
Et, à l’occasion de ce billet en particulier :
Pour le gospel, « Tryin’ Times » (Temps difficiles), qui tend, avec une rare élégance musicale, à notre légendaire et désespérant égoïsme un terrible et pourtant si beau miroir.
Tryin’times, what the world is talkin’ about You got confusion all over the land, You got mother against daughter, you got father against son You know the whole thing is getting out of hand
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Then maybe folks wouldn’t have to suffer If there was more love for your brother But these are tryin’ times,
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You got the riots in the ghetto, it’s all around A whole lot of things that’s wrong is going down, yes, it is I can’t understand it from my point of view ‘Cause I think you should do unto others As you’d have them do unto you.
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Then maybe folks wouldn’t have to suffer If there was more love for your brother But these are tryin’ times, yes, it is.
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I said man is always talking ’bout it’s inhumanity to man But what is he tryin’ to do to make it a better man? Oh, just read the paper, turn on your TV You see folks demonstrating about equality.
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But maybe folks wouldn’t have to suffer If there was more love for your brother But these are tryin’ times
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Tryin’times, yeah, that’s what the world is talkin’ about You got confusion all over the land
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Les temps difficiles, ce dont le monde parle, Il y a de la confusion partout dans le pays : La mère contre la fille, le père contre le fils… Tout nous échappe, tu sais. Peut-être que les gens n’auraient pas à souffrir Si on avait plus d’amour pour son prochain. Mais les temps sont durs, oui, oui Il y a des émeutes dans le ghetto, c’est partout. Tout un tas de mauvaises choses se passent, oui, c’est vrai ! J’ai beaucoup de mal à l’accepter Parce que je pense qu’il faut faire aux autres Ce qu’on souhaiterait qu’ils nous fassent. Alors peut-être que les gens n’auraient pas à souffrir S’il y avait plus d’amour pour son prochain. Mais nous vivons une époque difficile, oui, c’est vrai ! J’ai dit que l’homme parle toujours de son inhumanité envers l’homme, Mais qu’essaie-t-il de faire pour devenir un homme meilleur ? Oh, il suffit de lire le journal, d’allumer la télévision Pour voir des gens manifester pour l’égalité. Mais peut-être que les gens n’auraient pas à souffrir Si on avait plus d’amour pour son prochain. Mais nous vivons une époque difficile Des temps difficiles, oui, tout le monde en parle ; Il y a de la confusion partout dans le pays.