Fulgurances – XXIII – ‘Racines’

Pierre Seghers 1906-1987

 

 

Laurent Terzieff

dit un poème de

Pierre Seghers

Racines

Si je m’endormais au cœur du Rien dans des confins rongés d’eaux grises
Si je naissais dans des berceaux taillés dans le cœur des géants
Si j’avais le soleil pour dais, la nuit pour traîne et si le cœur
Du Monde résonnait avec les oiseaux sauvages dans mon cœur

Alors peut-être au centre de tout naîtrait une rose
Non plus un cri, mais une fleur vive dans un jardin
Et toutes les rumeurs, le bruit du ressac, le train des houles
Se tairaient pour une seule rose et son parfum.

Les arbres morts reverdiraient pour remonter dans leur voyage
Pour annoncer que sur les plages les hauts nuages et les vents
Ne croient plus aux Dieux morts, que tout revit dans la durée
D’une fleur d’un seul jour, que le temps partage le temps,

Et que tout continue et que tout recommence
Que l’intérieur regarde et parle et refleurit
Dans le silence revenu où l’on entend battre une rose.

Fulgurances – XXII – Bate-Coxa*

Marco Pereira

 

 

Compositeur et guitariste
né à Sao Paulo en 1956

 

 

 

 

Yamandu Costa  &  Elodie Bouny

‘Bate-Coxa’

*Bate coxa : lutte dansée brésilienne plus ou moins dérivée de la Capoeira, consistant à déstabiliser l’adversaire par des coups de pieds portés aux mollets et aux cuisses. 

Fulgurances – XXI – Enfance

Emile Claus 1849-1924 – Scène pastorale

L’enfant et la rivière

De sa rive l’enfance
Nous regarde couler :
« Quelle est cette rivière
Où mes pieds sont mouillés ;
Ces barques agrandies,
Ces reflets dévoilés,
Cette confusion
Où je me reconnais,
Quelle est cette façon
D’être et d’avoir été ? »

Et moi qui ne peux pas répondre
Je me fais songe pour passer aux pieds d’une ombre.

Jules Supervielle 1884-1960

 

 

in La Fable du monde – Gallimard

Fulgurances – XX – Le Cid, de…

El Cid Campeador – by Anna Hyatt Huntington – 1923

Le Cid

Mise en voix très personnelle – 05/2008

Le palais de Gormaz, comte et gobernador
est en deuil ; pour jamais dort couché sous la pierre
l’hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador.

Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or…

Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,

le héros meurtrier à pas lents se promène :
– « Dieu ! » soupire à part soi la plaintive Chimène,
« qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! »

Georges Fourest 1864-1945

 

 

in « La négresse blonde » (1909)

Fulgurances – XIX – Eaux noires

Alejandra Pizarnik 1936-1972

L’obscurité des eaux

J’écoute le bruit de l’eau qui tombe dans mon sommeil. Les mots tombent comme l’eau moi je tombe. Je dessine dans mes yeux la forme de mes yeux, je nage dans mes eaux, je me dis mes silences. Toute la nuit j’attends que mon langage parvienne à me configurer. Et je pense au vent qui vient à moi, qui demeure en moi. Toute la nuit, j’ai marché sous la pluie inconnue. On m’a donné un silence plein de formes et de visions (dis-tu). Et tu cours désolée comme l’unique oiseau dans le vent.

in L’Enfer musical, – Ypsilon éditeur – 10/2012. – Traduction : Jacques Ancet.

Fulgurances – XVII – Liberté !

Corey Butler (piano) & Jackie Richardson (voix)

‘Hymn to Freedom’

Cet hymne emblématique à la Liberté a été composé par le musicien de jazz canadien Oscar Peterson (1925-2007), en 1962, alors que la lutte pour les droits civiques s’intensifiait en Amérique du Nord.
Les paroles sont de Harriette Hamilton.

When every heart joins every heart and together yearns for liberty,
That’s when we’ll be free.

Si tous les cœurs se joignent à tous les cœurs et aspirent ensemble à la liberté,
Alors nous serons libres.

When every hand joins every hand and together moulds our destiny,
That’s when we’ll be free.

Si chaque main se joint à chaque main pour façonner ensemble notre destin,
Alors nous serons libres.

Any hour any day, the time soon will come when we will live in dignity,
That’s when we’ll be free.

Le temps viendra bientôt où à toute heure de chaque jour nous vivrons dans la dignité,
Alors nous serons libres.

When everyone joins in our song and together singing harmony,
That’s when we’ll be free.

Si tout le monde se joint à notre chant pour qu’ensemble en harmonie nous chantions,
Alors nous serons libres.

Fulgurances – XVI – Charité

Claude Debussy 1862-1918

Pièce pour l’oeuvre « Vêtement du blessé »
Page d’album –
L.133

Olga Scheps (piano)

Fulgurances – XIV – Caresser l’obscur

François Cheng (né en 1929)

Caresser l’obscur
S’enfoncer dans la nostalgie
           du marais
Retrouver l’instant
Où les poissons ensevelis

Se redéploient
           en milans
           en effraies
Dans l’odeur des vagues figées

Le ragondin sortant des roseaux
Avale un quartier de lune
Puis s’endort à même l’immense bruissement
Que propagent mille lieues à la ronde
Les canaux de sang
           aux anciens flux et reflux
Qui se souviennent
Qui viennent

Qui dira notre nuit – Arfuyen – 2003

Fulgurances – XII – Question

Comment rassembler
Les mille infimes débris
De chaque homme ?

Georges Séféris (Smyrne, Grèce, 1900-1971)

 


Extrait de Trois poèmes secrets
Traduit du grec par Jacques Lacarrière

 

Fulgurances – XI – Le temps des lilas

Ernest Chausson 1855-1899

Ruby Hugues (soprano)

accompagnée par le BBC Symphony Orchestra
sous la direction de Pascal Rophé  

« Le temps des lilas »
extrait du ‘Poème de l’amour et de la mer’

Le temps des lilas et le temps des roses
Ne reviendra plus à ce printemps ci ;
Le temps des lilas et le temps des roses
Est passé, le temps des œillets aussi.

Le vent a changé, les cieux sont moroses,
Et nous n’irons plus courir, et cueillir
Les lilas en fleur et les belles roses ;
Le printemps est triste et ne peut fleurir.

Oh ! joyeux et doux printemps de l’année
Qui vins, l’an passé, nous ensoleiller,
Notre fleur d’amour est si bien fanée,
Las ! que ton baiser ne peut l’éveiller !

Et toi, que fais-tu ? pas de fleurs écloses,
Point de gai soleil ni d’ombrages frais ;
Le temps des lilas et le temps des roses
Avec notre amour est mort à jamais.

Maurice Bouchor

Fulgurances – X – ‘Il faut fuir…’

Il faut fuir par une échelle de soie,
le long des murailles lisses,
hors du vaste Château où règne
la Mort étincelante, la fête noire
des cris zébrés de silence, qui dévastent
et déchirent l’humble beauté que l’on torture.
Le long du mur, vers l’en bas,
il faut descendre par la paroi
du vertige, vers la cendre, la multitude
des yeux brûlés à la cime abolie,
au fond du désespoir,
qu’humecte une goutte
d’espérance, où l’abîme rencontre l’abîme,
quand le rien étreint l’infini.

Jean Mambrino 1923-2012

 

  Les ténèbres de l’espérance (Arfuyen, 2007)

Fulgurances – IX – Allegro fougueux

Gianandrea Noseda dirige le London Symphony Orchestra

Dimitri Chostakovitch

Symphonie N° 10 – Mouvement II – Allegro

Fulgurances – VII – Triana

Quartier Triana (Séville) – Isaac Albeniz 1860-1909

Triana (extrait de Iberia – Livre II)

Gustavo Díaz-Jerez (piano)

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Fulgurances – VI – Sans traces, mais…

La poésie est un langage silencieux qui efface ses propres traces pour qu’on entende ce que les mots ne disent pas. Elle ne change pas la vie, mais elle tient tête au malheur en affirmant notre dignité. Elle reçoit autant qu’elle donne, permet un embrassement secret dans la nuit.

Jean Mambrino 1923-2012

 

 

Extrait d’un entretien aux Éditions Arfuyen (01/2009) 

Fulgurances – V – Marcher, mais où ?

Ne marche pas devant moi, je ne suivrai peut-être pas. Ne marche pas derrière moi, je ne te guiderai peut-être pas. Marche juste à côté de moi et sois mon ami.

Albert Camus 1913-1960

 

in Les justes