Fulgurances – LV – ‘Les portes’

René Magritte – « La victoire » 1939

Fulgurances – LIV – Lumière

Aimer la beauté, c’est voir la lumière.

Salve Regina – Mater misericordiae –
Marie-Sophie Pollak (soprano)
Barockensemble Concerto München

Fulgurances – LIII – Parler, partir

Le bruit des arbres

Je me suis toujours demandé 

Pourquoi nous aimons supporter

Plus que tout autre bruit

Le bruit que font les arbres, sans répit,

Si près de nos demeures.

Nous les souffrons heure après heure

Et nous en perdons notre sens

Du mouvement et de la permanence

Des joies ; nous écoutons et nous semblons autre part.

Ils parlent de départ

Et ne partent jamais,

Ils parlent, bien qu’ils sachent,

Devenus vieux et sages,

Qu’ils sont là à jamais.

Mes pieds se cramponnent au sol

Et ma tête oscille sur mes épaules,

Quelques fois, quand, de la fenêtre ou de la porte,

Je vois les arbres osciller.

Je partirai pour quelque part,

Je ferai témérairement ce choix

Un jour où ils seront en voix

Et s’agiteront au point d’effrayer

Et de faire se sauver

Les grands nuages blancs.

Je parlerai moins qu’eux,

Mais moi je partirai.

Traduction : Roger Asselinau

The sound of trees

I wonder about the trees.
Why do we wish to bear
Forever the noise of these
More than another noise
So close to our dwelling place ?
We suffer them by the day
Till we lose all measure of pace,
And fixity in our joys,
And acquire a listening air.
They are that that talks of going
But never gets away ;
And that talks no less for knowing,
As it grows wiser and older,
That now it means to stay.
My feet tug at the floor
And my head sways to my shoulder
Sometimes when I watch trees sway,
From the window or the door.
I shall set forth for somewhere,
I shall make the reckless choice
Some day when they are in voice
And tossing so as to scare
The white clouds over them on.
I shall have less to say,
But I shall be gone.

Fulgurances – LII – Mélancolie

Même au fond du Tartare, au séjour des supplices,
Le luth a suspendu le cours de la justice :
Cerbère au triple mufle a cessé d’aboyer *

Le malheureux Orphée, en sa douleur cruelle,
Cherche les lieux déserts, et sur son luth fidèle,
Eurydice, c’est toi, toi seule, ses amours,
Qu’il veut chanter, de l’aube à la chute du jour. *

Fulgurances – LI – Certitude

Fulgurances – L – Présent

Henri Matisse – Le Bonheur de Vivre (1906)

Celui qui vit de souvenirs
Traîne une mort interminable
Il s’écoute dans les échos
Qui n’ont que le son de sa voix
Il se cherche sur des images
Qui furent tracées sur le sable
Et les miroirs où il se voit
Sont laiteux comme un œil de mort
À quoi bon hier et demain
Demain le paradis des prêtres
Demain venu de deux mille ans
Pour étrangler l’amour du jour

L’âge d’or est dans la minute
Dans ta vie le soleil qui chante
Jamais le sang ne coulera
Aussi vivace dans ton corps
Il y a le bruit du moment
L’inimitable odeur fugace
Du temps qui passe
La chaleur qui se refroidit
Le présent à aimer autant qu’à défendre
L’unique aujourd’hui
La fureur de vivre une vie confondue
Avec le pain de chaque instant

Pierre Seghers 1906-1987

 

 

in Le Livre d’Or de la Poésie Française 

Fulgurances – XLIX – Gageure

Philippe Jaccottet 1925-2021

Ouvrir un livre de poésie, c’est vouloir s’éclairer avec une bougie en pleine déflagration de la bombe à hydrogène. Parier pour la bougie en ce cas, est tout à fait insensé, et cependant, c’est peut être dans ce genre de pari que réside notre avenir.

Fulgurances – XLVIII – Vouloir…

Fulgurances – XLVII – La grâce – Le don

Toute beauté brûle à petit feu, et se défait
avec tendresse, lentement, comme l’aster,
gloire de l’automne, et l’iris si fragile
qu’il faut le transporter dans ses langes.
Les chatoyantes ainsi se changent, se déguisent
en leurs couleurs aux odeurs de délices.
Certaines ne s’ouvrent que la nuit
On les dirait pressées de disparaître,
de s’effacer. La créature belle,
la grâce, la pensée, ne peut jamais
s’appartenir, elle consume son éclat
pour tout remettre à qui s’en vient vers elle.
Peut-on posséder un regard ? un baiser ?
Et celui qui l’accueille remet l’offrande
à l’instant qu’il la reçoit. La source
de ce don ne garde rien d’elle-même,
puisqu’elle n’existe que par son abandon.

Fulgurances – XLIV – Les infâmes

Fulgurances – XLIII – ‘CLOWN’

Hervé Pierre de la Comédie Française dit ‘CLOWN’ d’Henri Michaux
(extrait de France Culture – jeudi 16/06/2011)

Fulgurances – XLII – ‘Pa-Pa-Pa…’

Fulgurances – XLI – Conseil

Fulgurances – XL – L’Exilé

Enregistrement Lelius (2004) 
Écusson musical : Egschiglen – Chant guttural mongol

[Terre folle, t’as un coup de vieux
Tu perds la boussole
J’entends le Bon Dieu
Qui rigole]

Fulgurances – XXXIX – Certitude

Antonio Carvalho da Silva – 1893

Le mystère des choses, où donc est-il ?
Où donc est-il, qu’il n’apparaisse point
pour nous montrer à tout le moins qu’il est mystère ?
Qu’en sait le fleuve et qu’en sait l’arbre ?
Et moi, qui ne suis pas plus qu’eux, qu’en sais-je ?
Toutes les fois que je regarde les choses et que je pense à ce que les hommes pensent d’elles,
je ris comme un ruisseau qui bruit avec fraîcheur sur une pierre.

Car l’unique signification occulte des choses,
c’est qu’elles n’aient aucune signification occulte.
Il est plus étrange que toutes les étrangetés
et que les songes de tous les poètes
et que les pensées de tous les philosophes,
que les choses soient réellement ce qu’elles paraissent être et qu’il n’y ait
rien à y comprendre.

Oui, voici ce que mes sens ont appris tous seuls : –
les choses n’ont pas de signification : elles ont une existence.
Les choses sont l’unique sens occulte des choses

Fernando Pessoa 1888-1935

 

In 

« Le gardeur de troupeaux et les autres poèmes
d’Alberto Caeiro »

Traduit du portugais par Armand Guibert

Editions Gallimard, 1960

 

 

O mistério das cousas, onde está ele?
Onde está ele que não aparece
Pelo menos a mostrar-nos que é mistério?
Que sabe o rio disso e que sabe a árvore?
E eu, que não sou mais do que eles, que sei disso?
Sempre que olho para as cousas e penso no que os homens pensam delas,
Rio como um regato que soa fresco numa pedra.

Porque o único sentido oculto das cousas
É elas não terem sentido oculto nenhum,
É mais estranho do que todas as estranhezas
E do que os sonhos de todos os poetas
E os pensamentos de todos os filósofos,
Que as cousas sejam realmente o que parecem ser
E não haja nada que compreender.

Sim, eis o que os meus sentidos aprenderam sozinhos: —
As cousas não têm significação: têm existência.
As cousas são o único sentido oculto das cousas.