Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Vieillir c’est organiser sa jeunesse au cours des ans.
Paul Eluard – Poésie ininterrompue
Poésie ininterrompue – extrait –
Hier c’est la jeunesse hier c’est la promesse
Pour qu’un seul baiser la retienne Pour que l’entoure le plaisir Comme un été blanc bleu et blanc Pour qu’il lui soit règle d’or pur Pour que sa gorge bouge douce Sous la chaleur tirant la chair Vers une caresse infinie Pour qu’elle soit comme une plaine Nue et visible de partout Pour qu’elle soit comme une pluie Miraculeuse sans nuage Comme une pluie entre deux feux Comme une larme entre deux rires Pour qu’elle soit neige bénie Sous l’aile tiède d’un oiseau Lorsque le sang coule plus vite Dans les veines du vent nouveau Pour que ses paupières ouvertes Approfondissent la lumière Parfum total à son image Pour que sa bouche et le silence Intelligibles se comprennent Pour que ses mains posent leur paume Sur chaque tête qui s’éveille Pour que les lignes de ses mains Se continuent dans d’autres mains Distances à passer le temps
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
En hommage à Samuel PATY, 47 ans, professeur assassiné, décapité, sur notre terre de France, ce 16 octobre 2020, pour avoir simplement offert à ses élèves « une chance de devenir meilleurs »* en leur enseignant la liberté d’expression, la liberté de croire ou de ne pas croire…
… la Liberté, tout court !
*Albert Camus
Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom
Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l’écho de mon enfance J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur Sur l’étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l’orage Sur la pluie épaisse et fade J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume Sur la lampe qui s’éteint Sur mes maisons réunies J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux Du miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J’écris ton nom
Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main qui se tend J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort J’écris ton nom
Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l’espoir sans souvenir J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy