Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Sir William Blake Richmond – Orphée revenant des Enfers – 1885
Orphée
… Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée L’Admirable !… le feu, des cirques purs descend ; Il change le mont chauve en auguste trophée D’où s’exhale d’un dieu l’acte retentissant.
Si le dieu chante, il rompt le site tout-puissant ; Le soleil voit l’horreur du mouvement des pierres ; Une plainte inouïe appelle éblouissants Les hauts murs d’or harmonieux d’un sanctuaire.
Il chante, assis au bord du ciel splendide, Orphée ! Le roc marche, et trébuche ; et chaque pierre fée Se sent un poids nouveau qui vers l’azur délire !
D’un Temple à demi nu le soir baigne l’essor, Et soi-même il s’assemble et s’ordonne dans l’or À l’âme immense du grand hymne sur la lyre !
Si, comme on veut le lire en raccourci dans une sourate du Coran, tuer un homme c’est tuer l’humanité tout entière, alors, tuer un enfant, crime ultime, ne serait-ce pas, de surcroît, aller jusqu’à vouloir priver cette humanité de la possibilité même de sa renaissance ?
Nice – Promenade des Anglais (vers 1965)
∞
Puisse ce lied de Schubert, interprété dans l’intimité de leur salon, par deux des plus merveilleux artistes lyriques du XXème siècle, à l’automne de leurs vies, m’aider à exprimer toute ma compassion envers les habitants d’une ville, Nice, qui abrite à chaque coin de ses rues un de mes souvenirs d’enfance, d’adolescence, de jeunesse ou de maturité. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, à chacune de mes visites, que d’une fenêtre ou d’une autre un ami me salue…
Que ce chant sensible nous aide à ne pas attendre les dernières lucidités de la vieillesse pour nous apercevoir que le plus juste et le plus beau symbole de la vie c’est sans conteste l’enfance ! Quel trésor est-il plus digne de nos égards et de notre protection ?
La jeune fille
Va-t’en ! Ah ! va-t’en ! Disparais, odieux squelette ! Je suis encore jeune, va-t-en ! Ne me touche pas !
La Mort
Donne-moi la main, douce et belle créature ! Je suis ton amie, tu n’as rien à craindre. Laisse-toi faire ! N’aie pas peur, Viens doucement dormir dans mes bras !
Lied de Schubert : « Der Tod und das Mädchen » (La jeune fille et la Mort)
Júlia Várady & Dietrich Fischer-Dieskau
Das Mädchen
Vorüber! Ach, vorüber!
Geh, wilder Knochenmann!
Ich bin noch jung, geh Lieber!
Und rühre mich nicht an.
Der Tod
Gib deine Hand, du schön und zart Gebild !
Bin Freund, und komme nicht, zu strafen.
Sei gutes Muts! ich bin nicht wild,
Sollst sanft in meinen Armen schlafen !
Rien n’est beau comme la voix humaine quand elle est belle.
Laure Conan (1845 – 1924)
Belle au point parfois d’en devenir « inhumaine » !… La question, dès-lors, est inévitable : « D’où viennent ces voix inhumaines ? »
Mathieu Amalric — acteur-réalisateur que nous retrouvons toujours avec plaisir sur nos tréteaux ou nos écrans — s’est interrogé pour nous. Depuis longtemps investi dans la réalisation de courts-métrages, il a guidé sa caméra et son micro dans la laborieuse intimité d’une merveilleuse chanteuse canadienne (et directrice d’orchestres), particulièrement engagée à servir les compositeurs contemporains : Barbara Hannigan. Une voix rare !
« D’où, dans le corps, la troublante anomalie du chant prend-t-elle sa source, sa douceur et sa puissance ? La vibration, l’air, le son… Est-ce qu’entre le cri du bébé, l’envoûtement de la berceuse, l’effroi de l’héroïne hitchcockienne sous la douche, la respiration au travail ou les râles de la jouissance, Barbara Hannigan me soufflerait-elle la voie ?… » Ainsi le réalisateur exprime-t-il sa curiosité.*