
Deux lectures d’un même extrait (traduction française) du récit écrit en 1899 par un jeune poète autrichien de 23 ans, Rainer Maria Rilke,
« La Mélodie de l’Amour et de la Mort du Cornette Cristoph Rilke »
‘Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke’
par Serge Reggiani et par Laurent Terzieff
Serge Reggiani
Chevaucher, chevaucher, chevaucher, le jour, la nuit, le jour.
Chevaucher, chevaucher, chevaucher.
Et le cœur est si las, la nostalgie si grande. Il n’y a plus de montagnes, à peine un arbre. Rien n’ose se lever. Des cabanes étrangères, accroupies auprès de puits fangeux ont soif. Pas une tour à l’horizon. Et toujours la même image. On a deux yeux de trop. La nuit, parfois, on croit connaître la route. Peut-être refaisons-nous nuitamment l’étape que nous avons péniblement parcourue sous un soleil étranger ? C’est possible. Le soleil pèse, comme chez nous au cœur de l’été. Mais c’est en été que nous avons fait nos adieux. Les robes des femmes ont longtemps brillé dans la verdure. Et voici longtemps que nous sommes à cheval. C’est donc sans doute l’automne. Là, tout au moins, où des femmes tristes nous connaissent.
Laurent Terzieff

Rilke, estimant son œuvre peu intéressante, avait préconisé, dans une lettre de novembre 1925 à Paula Lévy , qu’on ne la traduisît pas en français. La langue allemande d’origine, affirmait-il, préserverait bien mieux le charme du texte.
En allemand donc ce même extrait, pris dans la version de l’œuvre mise en musique par Viktor Ullmann en juillet 1944 pendant sa déportation au camp de Theresienstadt :
Thomas Quasthoff (récitant)
Orchestre Philharmonique Tchèque
Semyon Bychkov (direction)
Reiten, reiten, reiten, durch den Tag, durch die Nacht, durch den Tag.
Reiten, reiten, reiten.
Und der Mut ist so müde geworden und die Sehnsucht so groß. Es gibt keine Berge mehr, kaum einen Baum. Nichts wagt aufzustehen. Fremde Hütten hocken durstig an versumpften Brunnen. Nirgends ein Turm. Und immer das gleiche Bild. Man hat zwei Augen zuviel. Nur in der Nacht manchmal glaubt man den Weg zu kennen. Vielleicht kehren wir nächtens immer wieder das Stück zurück, das wir in der fremden Sonne mühsam gewonnen haben? Es kann sein. Die Sonne ist schwer, wie bei uns tief im Sommer. Aber wir haben im Sommer Abschied genommen. Die Kleider der Frauen leuchteten lang aus dem Grün. Und nun reiten wir lang. Es muß also Herbst sein. Wenigstens dort, wo traurige Frauen von uns wissen.
* * *
Pour une information détaillée sur cette œuvre :

Le l’ai écoutée en allemand d’abord…
C’est un texte que je ne connaissais pas…
Et si j’aime la version par Laurent Terzieff ma préférence, tu t’en doutes, va à la version de Reggiani que je trouve bien plus rugueuse et harassée…
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Reggiani, bien sûr, dans ce ton désespéré qui lui va si bien… Mais Terzieff avec une intonation plus juvénile, plus naïve qui répond peut-être plus justement au personnage du jeune cornette…
En tout cas deux voix d’anthologie ! 🤓
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Rilke toujours
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Rilke encore et encore !
Et encore… pour ces seuls vers d’un des « Sonnets à Orphée » :
Brüllen, Schrei, Geröhr
schien klein in ihren Herzen. Und wo eben
kaum eine Hütte war, dies zu empfangen,
ein Unterschlupf aus dunkelstem Verlangen
mit einem Zugang, dessen Pfosten beben, –
da schufst du ihnen Tempel im Gehör.
Bramer, hurler, rugir,
pour leur cœur c’eût été trop peu. Où tout à l’heure
une hutte offrait à peine un pauvre abri,
— refuge fait du plus obscur désir,
avec un seuil où tremblaient les portants, —
tu leur dressas des temples dans l’ouïe.
(Traduction Maurice Betz)
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