Ce qu’on apprend dans les livres c’est à dire « je vous aime ».
Ce qu’on apprend dans les livres, c’est-à-dire « je vous aime ».
Il faut d’abord dire « je ». C’est difficile, c’est comme se perdre dans la forêt, loin des chemins, c’est comme sortir de la maladie, de la maladie des vies impersonnelles, des vies tuées.
Ensuite il faut dire « vous ». La souffrance peut aider – la souffrance d’un bonheur, la jalousie, le froid, la candeur d’une saison sur la vitre du sang. Tout peut aider en un sens à dire « vous », tout ce qui manque et qui est là, sous les yeux, dans l’absence abondante.
Enfin il faut dire « aime ». C’est vers la fin des temps déjà, cela ne peut être dit qu’à condition de ne pas l’être. La dernière lettre est muette, elle s’efface dans le souffle, elle s’en va comme l’air bleu sur la page, dans la gorge.
« Je vous aime. » Sujet, verbe, complément.
Ce qu’on apprend dans les livres c’est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement de temps pour s’atteindre.

La part manquante (extrait)
(NRF Gallimard – 1989)

Merveille totale…
Homme dont la profondeur a su atteindre la plus grande simplicité, et quel poète…
Et tu nous offres ce texte avec une égale intelligence…
Merci Lelius
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Comme Mozart avec la note, Bobin réussit avec le mot à atteindre l’intelligence humaine au siège unique qui l’accueille et la nourrit, le cœur.
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Beaucoup d’émotions. Merci Lelius.
Notre grand poète. Et cet extrait si joliment mis en valeur.
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Merci à vous d’avoir apprécié mes choix d’illustrations !
Avec Bobin la route des émotions est toujours largement ouverte, quel cœur résisterait à l’appel du voyage ?
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