‘Élévation à la lune’

Maintenant, je sais. Ce monde, tel qu’il est fait, n’est pas supportable. J’ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l’immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde.

Albert Camus (Caligula)

Ο

Élévation à la lune 

L’ombre venait, les fleurs s’ouvraient, rêvait mon âme !
Et le vent endormi taisait son hurlement.
La nuit tombait, la nuit douce comme une femme
Subtile et violette épiscopalement.

Les étoiles semblaient des cierges funéraires
Comme dans une église allumée dans les soirs
Et semant des parfums, les lys thuriféraires
Balançaient doucement leurs frêles encensoirs

Une prière en moi montait, ainsi qu’une onde
Et dans l’immensité bleuissante et profonde
Les astres recueillis baissaient leurs chastes yeux ;

Alors, Elle apparut ! Hostie immense et blonde
Puis elle étincela, se détachant du monde,
Car d’invisibles doigts l’élevaient vers les cieux !   

Paul Valéry  (1889)

Publié par

Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

8 réflexions au sujet de “‘Élévation à la lune’”

    1. Merci Luigi Maria !
      Sachant l’exigence que laisse transparaître la haute qualité de vos propres enregistrements, je reçois votre compliment avec beaucoup d’émotion.
      J’apprends grandement de vos publications.

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  1. « entre le rêve et le poème » je flâne dans votre blog comme vous dites si joliment dans votre invitation (flâner quelle joli verbe !) et je m’arrête plus longuement sur ce poème de Paul Valéry, subjugué (comme Barbara précédemment) par cette nuit qui tombe « épiscopalement »… je décide alors d’ouvrir mon vieux recueil des poèmes de Paul Valéry, au hasard (c’est ce j’affectionne de faire avec les livres…), pour continuer ce voyage et je lis la première strophe des « Pas » :

    Tes pas, enfants de mon silence,
    Saintement, lentement placés
    Vers le lit de ma vigilance
    Procèdent muets et glacés »

    et je me dis que Paul Valéry outre qu’il était bien entendu maître en poésie était aussi maître des adverbes ! Entre musique (je n’ai pas commenté vos billets sur Bach et Cioran, mais quelle beauté !) et poésie, que de belles invitations sur votre blog, quel travail d’anthologiste de la poésie (au sens le plus large du terme) – et ainsi, « flâner » c’est aussi ce qui permet de donner, alors merci pour tous ces dons poétiques !

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    1. Vous avez laissé une aimable trace de votre passage sur chaque billet où vous avez fait halte au cours de votre généreuse flânerie entre les pages de mon blog, merci !
      A vous lire, je constate, non sans plaisir, que votre intérêt s’est concentré plus particulièrement sur Paul Valéry, Bach et Cioran. Ces trois-là, qui accompagnent depuis longtemps, avec quelques autres complices certes, tous les instants de ma vie, me sont extrêmement chers et ont, vous l’avez senti, une place prioritaire sur mon île.
      Je me réjouis de savoir que mes modestes publications reçoivent le chaleureux accueil de l’homme sensible que vos poèmes laissent percevoir.

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