
Flashback
Caméra à la fenêtre du bureau de la directrice, au 1er étage de la petite école de mon village.
Plan large, en plongée sur la cour braillarde, pendant la récréation de 10 heures.
Long zoom avant – Plan rapproché sur un couple d’enfants en grande discussion près d’un banc :
– Elle : 7 ans, blondinette gracieuse aux joues roses, fière petite mère coquette dans sa robe de velours rouge.
– Lui : 7 ans… et demi, cheveu noir sur regard clair, un ballon de cuir râpé entre les mains.
Le brouhaha de la cour s’estompe à mesure que le plan se resserre, jusqu’à s’éteindre ou presque. Le perchman est en place ; il n’a pas à lever trop haut les bras pour capter cette importante chamaille entre deux enfants qui essaient de se dire qu’ils s’aiment.
— Cour de récré – Une – Première ! Clap !
— Moteur !
Dialogues de René de Obaldia : « Chez moi » in Le livre d’or de la poésie française contemporaine
— Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son œil brille
Quand papa le peint en blanc.
— Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.
— Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or.
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.
— Chez moi, dit le petit garçon
Nous avons une soupière
Qui vient tout droit de Soissons
Quand Clovis était notaire.
— Chez moi, dit la petite fille
Ma grand-mère a cent mille ans.
Elle joue encore aux billes
Tout en se curant les dents.
— Chez moi, dit le petit garçon
Mon grand-père a une barbe
Pleine pleine de pinsons
Qui empeste la rhubarbe.
— Chez moi, dit la petite fille
Il y a trois cheminées
Et lorsque le feu pétille
On a chaud de trois côtés.
— Chez moi, dit le petit garçon
Passe un train tous les minuits.
Au réveil, mon caleçon
Est tout barbouillé de suie.
— Chez moi, dit la petite fille
Le Pape vient se confesser.
Il boit de la camomille
Une fois qu’on l’a fessé.
— Chez moi, dit le petit garçon
Vit un Empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.
— Iroquois ! dit la petite fille
Tu veux te moquer de moi !
Si je trouve mon aiguille
Je vais te piquer le doigt !
— Ce que c’est d’être une fille !
Répond le petit garçon.
Tu es bête comme une anguille
Bête comme un saucisson.
C’est moi qu’ai pris la Bastille
Quand t’étais dans les oignons.
Mais à une telle quille
Je n’en dirai pas plus long !
Paroles d’or
Merci !
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Quel plus beau gisement que la bouche… et le cœur des enfants ?
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