Combien de masques et de sous-masques portons-nous
Pour voiler l’expression de notre âme, et quand
Par jeu l’âme elle-même tombe le masque
Sait-elle si c’est l’ultime et si elle voit la face indubitable ?
Le vrai masque ne sent pas l’intérieur du masque
Mais regarde au-delà avec deux yeux masqués.
Quelle que soit la conscience qui amorce le jeu
Son exercice condamne à l’insomnie.
Pareilles à l’enfant effrayé de son image en miroir
Nos âmes, qui sont des enfants livrés à la distraction,
Attribuent à d’autres leurs propres grimaces
Et créent tout un monde en oubliant qu’ils le suscitent ;
…..Et lorsqu’une pensée tente de faire tomber le masque de notre âme
…..C’est encore masquée qu’elle s’efforce de démasquer.
Fernando Pessoa
Poèmes anglais / 35 sonnets – VIII – Éditions Points
(édition bilingue – traduction Georges Thinès)
Version originale du poème en fin de billet
Et lui, ce masque de terre, de fer, ou de sel, infiniment différent, infiniment renouvelé, dont j’habille mon visage au gré des circonstances et des lieus, masque-t-il, aussi, réellement mon âme ? Effraie-t-il mon reflet puéril dans ce miroir ? Aurais-je la naïveté de le croire ? Que sais-je, en vérité, des mystères de son langage ?
Le poète, déjà, me souffle ma réponse :
Masque ou décor salut ! J’adore ta beauté. (Baudelaire)
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Version originale du poème
How many masks wear we, and undermasks,
Upon our countenance of soul, and when,
If for self-sport the soul itself unmasks,
Knows it the last mask off and the face plain?
The true mask feels no inside to the mask
But looks out of the mask by co-masked eyes.
Whatever consciousness begins the task
The task’s accepted use to sleepness ties.
Like a child frighted by its mirrored faces,
Our souls, that children are, being thought-losing,
Foists otherness upon their seen grimaces
And get the whole world on their forgot causing;
…..And, when a thought would unmask our soul’s masking,
…..Itself goes not unmasked to the unmasking.
Derrière les masques, le regard reste libre et dévoile sa vérité pour qui de donne la peine de la chercher.
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Il est vrai que le regard est le chemin vers l’âme, mais il est difficile de lire à travers le masque. Notre fascination naturelle pour les apparences brouille nos pistes…
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Il peut être risqué de se montrer sans masque … La politesse et les conventions sociales ne sont elles pas déjà des formes de masques ?
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Oui, c’est un risque en effet ! Voilà pourquoi j’aime le courage et la sincérité naïve d’Alceste.
Je l’engage d’ailleurs à vous répondre :
« Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,
« ce commerce honteux de semblants d’amitié.
« Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre
« le fond de notre cœur dans nos discours se montre,
« que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
« ne se masquent jamais sous de vains compliments. »
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Vous me faites là la plus belle réponse possible 🙂
C’est vrai que Le Misanthrope est un personnage attachant et très humain !
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J’avais écrit il y a quelques années un commentaire à propos du masque à quelqu’un qui disait que tout ce qui était profond avait besoin de masque, j’en ai prélevé le petit extrait que voici du masque, une autre de ses facettes: Le masque ne cache pas, il révèle, et reste une formidable source d’inspiration, de créativité, d’expression. Les diverses créations artistiques, musique, peinture, poésie, littérature…qui nous touchent par leur profondeur, qui nous émeuvent par leur sensibilité sont pour moi les expressions de ces masques. Ce qui est profond nous nourrit, et son expression reste essentielle.
Je rajouterai cette expression de Carl Rogers: » Tout être est une île, au sens le plus réel du mot, et il ne peut construire un pont pour communiquer avec d’autres îles, que s’il est prêt à être lui-même, et s’il lui est permis de l’être. «
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« Le masque ne cache pas, il révèle… », écrivez-vous.
Comment ne pas partager ce constat avec vous ? Chaque billet de mes blogs n’est-il pas pour moi l’indispensable masque de l’instant ? Qui voudrait ne rien dire et qui pourtant dit tout. Plus révélateur encore que les plus crues et les plus sonores de mes affirmations… N’est-ce pas ?
Voilà pourquoi, trop conscient que le masque n’est qu’une armure illusoire, je qualifie souvent « Perles d’Orphée » et « De Braises et d’Ombre » de journaux intimes ouverts à tout vent.
Mais :
« And, when a thought would unmask our soul’s masking,
« Itself goes not unmasked to the unmasking. »
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Merci Lelius pour ce cri du cœur qui me touche, pour ce vent porteur dans son souffle d’une poésie sensible, délicate, belle et raffiné, humaine. Merci mille fois Lelius!
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