‘Les yeux’

Initialement publié sur « Perles d’Orphée » le 12/02/2013 sous le titre
« Miroirs de mort, les yeux »

Elle s’est réfugiée dans la mort en fourrant sa tête dans un nœud coulant, comme on la cache sous un oreiller.

Boris Pasternak – Prix Nobel de littérature 1958 (à propos de son amie Marina )

Munch - Baiser de la Mort
MunchBaiser de la Mort

Les yeux

Deux lueurs rouges — non, des miroirs !
Non, deux ennemis !
Deux cratères séraphins.
Deux cercles noirs

Carbonisés — fumant dans les miroirs
Glacés, sur les trottoirs,
Dans les salles infinies —
Deux cercles polaires.

Terrifiants ! Flammes et ténèbres !
Deux trous noirs.
C’est ainsi que les gamins insomniaques
Crient dans les hôpitaux : — Maman !

Peur et reproche, soupir et amen…
Le geste grandiose…
Sur les draps pétrifiés —
Deux gloires noires.

Alors sachez que les fleuves reviennent,
Que les pierres se souviennent !
Qu’encore encore ils se lèvent
Dans les rayons immenses —

Deux soleils, deux cratères
— Non, deux diamants !
Les miroirs du gouffre souterrain :
Deux yeux de mort.

                    30 juin 1921

Marina Tsvetaeva (1892-1941) Le ciel brûle

Gauguin - Madame la Mort
GauguinMadame la Mort

la plus belle victoire
sur le temps et la pesanteur
c’est peut-être de passer
sans laisser de trace
de passer sans laisser d’ombre.

Marina Tsvetaeva – Insomnies et autres poèmes – « Se faufiler »