Il faut des torrents de sang pour effacer nos fautes aux yeux des hommes, une seule larme suffit à Dieu.
Chateaubriand – Atala

On ne pourra pas dire que Chateaubriand aura emprunté cette image au Livre des Lamentations de Jérémie. Prophète dévasté par la réalisation de sa prophétie, la Destruction du Temple de Jérusalem, qui dans le texte biblique se plaint, lui, de ne pas avoir assez de larmes dans son corps pour pleurer ses pêchés et implorer le pardon divin. Chacun façonne le protocole de sa foi…
Rembrandt – Jérémie, lamentations après le Destruction du Temple
Johann Christoph Bach – cousin germain du père du grand Johann-Sebastian – compose sur les paroles éplorées de l’oracle un déchirant « lamento » pour voix d’alto et violon qui, une fois entendu, imprime à jamais nos émotions musicales et s’impose définitivement à notre mémoire.

Johann Christoph Bach (1642-1703)
« Ach, dass ich Wassers gnug hätte »
(Ah, que n’ai-je assez d’eau)
Christopher Lowrey (contre-ténor)
Ensemble Voices Of Music (San-Francisco)
Ach dass ich Wassers gnug hätte in meinem Haupte
Und meine Augen Tränenquellen wären,
Dass ich Tag und Nacht beweinen könnte meine Sünde!
Meine Sünden gehen über mein Haupt.
Wie eine schwere Last ist sie mir zu schwer worden,
Darum weine ich so, und meine beiden Augen fliessen mit Wasser.
Meines Seufzens ist viel, und mein Herz ist betrübet,
Denn der Herr hat mich voll Jammers gemacht
Am Tage seines grimmigen Zorns.
Jeremiah 9: 1; Psalm 38: 4; Lamentations 1: 16, 22, 12
Le musicologue Gilles Cantagrel - sommes-nous nombreux à nous être régalés jadis de ses formidables présentations des cantates de Jean-Sébastien Bach sur France Musique - écrivait ces quelques phrases à propos de cette oeuvre, dans un programme de la Philharmonie de Paris en septembre 2007 :
"Le second lamento de Johann Christoph Bach, « Ach, daß ich Wassers gnug hätte » (Ah, que n’ai-je assez d’eau), est un bref concert spirituel dans la descendance de Schütz, en trois parties avec reprise.
Il est écrit pour voix d’alto solo, violon, trois violes de gambe et basse.
Concision, densité expressive, efficacité : l’écriture abonde en figures de la désolation, quartes diminuées descendantes, chromatismes, et la récitation épouse toutes les inflexions du langage en en soulignant les images.
Un pur chef-d’œuvre."
Et par une voix de contralto :
Delphine Galou
Les Musiciens Du Louvre
Ah ! que n’ai-je assez de pleurs dans ma tête
et que mes yeux ne sont sources de larmes,
afin que jour et nuit je puisse pleurer mes péchés !
Mes péchés dépassent ma tête.
Telle une pesante charge, ils me sont devenus
trop lourds, c’est pourquoi je pleure ainsi,
et mes deux yeux s’écoulent en larmes.
Que de soupirs en moi, et mon cœur est attristé,
car le Seigneur m’a empli de détresse
au jour de sa terrible fureur.

