Fulgurances – XLIII – ‘CLOWN’

Hervé Pierre de la Comédie Française dit ‘CLOWN’ d’Henri Michaux
(extrait de France Culture – jeudi 16/06/2011)

Onze ans !

Onze ans !

Billet également publié sur « Perles d’Orphée »

Encore une année allègrement partagée avec vous tous qui continuez de me faire l’honneur et le plaisir de venir de tous les coins du monde feuilleter, parfois apprécier et même commenter, les pages de ce journal intime ouvert à tous qu’est mon blog historique  « Perles d’Orphée », prolongé et ‘relevé’, en vérité, depuis quelques années par « De Braises et d’Ombre ».

Merci pour vos nombreuses visites ainsi que pour la bienveillance et la mansuétude qui les accompagnent toujours !
… Et une pensée profonde pour tous ceux que la vie a décidé de priver de ce partage.

Ce ne sont pas les arts, comme tels, qui nous délivrent de la mélancolie : ils ne peuvent que s’y prêter, ils l’exacerbent. C’est à la poésie qu’il revient de nous guider hors de ce continent « où la folie rôde ». Bien qu’il faille penser aussi, mais cela n’a pas d’importance, que le voyage sera sans fin.

Yves Bonnefoy

Pour saluer cet anniversaire et nous exhorter à continuer cet interminable voyage, les poètes se sont précipités, nombreux, nombreux, tous habillés de leur plus beau costume d’Orphée… Tous, brandissant leur lyre, affirmaient avec Philippe Jaccottet que la « poésie n’est qu’une voix donnée à la mort ».

Borges, distinguant à peine la porte, la poussa d’un coup de canne…

Je ne serai plus heureux. Est-ce important ?
Il y a tant d’autres choses dans le monde ;
Un instant quelconque est plus profond
Et divers que la mer. La vie est brève
Et même si les heures sont très longues, une
Obscure merveille nous guette,
La mort, cette autre mer, cette autre flèche
Qui nous libère du soleil et de la lune
Et de l’amour. Le bonheur que tu m’offris
Et que tu repris doit s’effacer ;
Ce qui était tout doit devenir rien.
Il ne me reste que le goût d’être triste,
Cette vaine habitude qui me conduit
Au Sud, à certaine porte, à certaine rue.

Jorge-Luis Borges (1899-1986)

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Extrait de « Poèmes d’amour »
(NRF / Gallimard 2014)

Chanson perpétuelle

La mélodie française va tout droit, sans convulsions et sans frénésie, au rare, à l’exquis, à l’inattendu.

Vladimir Jankélévitch

La mélodie française, sans doute la voie la plus suave et la plus raffinée pour accéder à la saveur des profondeurs de l’intime.
Voilà qui oblige l’interprète à posséder les talents du conteur, et son pianiste accompagnateur à se faire orchestre… à moins que le compositeur, dans son extrême élégance, n’ait déjà prévu d’y pourvoir.

Ernest Chausson 1855-1899

Ainsi en 1899, le grand mélodiste, Ernest Chausson, composant « La Chanson Perpétuelle » sur douze des seize tercets du poème « Nocturne » de son contemporain Charles Cros, choisit-il de faire accompagner par un piano et un quatuor à cordes les états d’âme d’une jeune femme abandonnée par son amant.

Au souvenir des brefs instants de bonheur, succèdent, dans une atmosphère où la douleur croît, l’attente, l’espoir, la mélancolie et, tel celui d’Ophélie, le désir de mort dans les eaux de « l’étang, parmi les fleurs sous le flot endormi ».

Connivence des mots et de la musique dans le désenchantement de l’heure crépusculaire où Éros rejoint Thanatos.

Le Quatuor Elmire, Sarah Ristorcelli (piano) et Victoire Bunel (mezzo-soprano)  interprètent Chanson perpétuelle op. 37

Bois frissonnants, ciel étoilé
Mon bien-aimé s’en est allé
Emportant mon cœur désolé.

Vents, que vos plaintives rumeurs,
Que vos chants, rossignols charmeurs,
Aillent lui dire que je meurs.

Le premier soir qu’il vint ici,
Mon âme fut à sa merci ;
De fierté je n’eus plus souci.

Mes regards étaient pleins d’aveux.
Il me prit dans ses bras nerveux
Et me baisa près des cheveux.

J’en eus un grand frémissement.
Et puis je ne sais plus comment
Il est devenu mon amant.

Je lui disais: « Tu m’aimeras
Aussi longtemps que tu pourras. »
Je ne dormais bien qu’en ses bras.

Mais lui, sentant son cœur éteint,
S’en est allé l’autre matin
Sans moi, dans un pays lointain.

Puisque je n’ai plus mon ami,
Je mourrai dans l’étang, parmi
Les fleurs sous le flot endormi.

Sur le bord arrivée, au vent
Je dirai son nom, en rêvant
Que là je l’attendis souvent.

Et comme en un linceul doré,
Dans mes cheveux défaits, au gré
Du vent je m’abandonnerai.

Les bonheurs passés verseront
Leur douce lueur sur mon front,
Et les joncs verts m’enlaceront.

Et mon sein croira, frémissant
Sous l’enlacement caressant,
Subir l’étreinte de l’absent.

Charles Cros (‘Nocturne‘)

Et, pour le plaisir de quelques amateurs inconditionnels, comme moi, de Dame Felicity Lott dans le répertoire français :