Fulgurances – XXXIX – Certitude

Antonio Carvalho da Silva – 1893

Le mystère des choses, où donc est-il ?
Où donc est-il, qu’il n’apparaisse point
pour nous montrer à tout le moins qu’il est mystère ?
Qu’en sait le fleuve et qu’en sait l’arbre ?
Et moi, qui ne suis pas plus qu’eux, qu’en sais-je ?
Toutes les fois que je regarde les choses et que je pense à ce que les hommes pensent d’elles,
je ris comme un ruisseau qui bruit avec fraîcheur sur une pierre.

Car l’unique signification occulte des choses,
c’est qu’elles n’aient aucune signification occulte.
Il est plus étrange que toutes les étrangetés
et que les songes de tous les poètes
et que les pensées de tous les philosophes,
que les choses soient réellement ce qu’elles paraissent être et qu’il n’y ait
rien à y comprendre.

Oui, voici ce que mes sens ont appris tous seuls : –
les choses n’ont pas de signification : elles ont une existence.
Les choses sont l’unique sens occulte des choses

Fernando Pessoa 1888-1935

 

In 

« Le gardeur de troupeaux et les autres poèmes
d’Alberto Caeiro »

Traduit du portugais par Armand Guibert

Editions Gallimard, 1960

 

 

O mistério das cousas, onde está ele?
Onde está ele que não aparece
Pelo menos a mostrar-nos que é mistério?
Que sabe o rio disso e que sabe a árvore?
E eu, que não sou mais do que eles, que sei disso?
Sempre que olho para as cousas e penso no que os homens pensam delas,
Rio como um regato que soa fresco numa pedra.

Porque o único sentido oculto das cousas
É elas não terem sentido oculto nenhum,
É mais estranho do que todas as estranhezas
E do que os sonhos de todos os poetas
E os pensamentos de todos os filósofos,
Que as cousas sejam realmente o que parecem ser
E não haja nada que compreender.

Sim, eis o que os meus sentidos aprenderam sozinhos: —
As cousas não têm significação: têm existência.
As cousas são o único sentido oculto das cousas.

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Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

8 commentaires sur “Fulgurances – XXXIX – Certitude”

    1. Crois-tu qu’un Pessoa transparent, couleur muraille, sans saveur parce que sans questionnement, sans névrose, nous aurait offert une oeuvre aussi riche d’humanité vraie ?

      Humain jusqu’à la caricature, certes, mais humain !!!

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  1. Un grand ami et compagnon de route vous dirait probablement ceci : s’il n’y a pas de sens alors rien n’a de sens ! L’on confond questionnement ontologique et/ou métaphysique avec le sens de l’autoroute. Bon ! faut-il être sérieux pour tout prendre au sérieux ! 🙂
    Je ne suis pas sûre que tout cela ait du sens…
    Tout est ! Et dès lors que cela est, cela a son sens, y compris le non-sens ! 😅

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    1. Il y a dans votre commentaire comme un parfum du lointain « plaisir des sens » de Raymond Devos, merveilleux magicien de l’absurde…

      Toute quête, métaphysique ou ontologique, n’est-elle pas en vérité un engagement de tout son être sur une autoroute dont on ignore le sens, pour autant qu’on se soit préalablement persuadé qu’il en existe un. Ces autoroutes-là ressemblent à des chemins sur la mer que l’on emprunte sans boussole…

      Je ne sais plus lequel de nos grands écrivains français a émis quelque part cette sentence qui encouragera peut-être votre quête de sens, « Ce qui n’a pas de sens a un sens supérieur à ce qui en a. » 😇

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      1. Dans le fond, cher Lucius, je n’ai jamais cherché un sens puisque l’évidence… Telle une fleur exquise éclose en notre sein.
        Bien sûr qu’il vaut mieux en rire et vous le savez bien que l’indicible est délicat d’élégance, de beauté et de merveille. Personnellement, tout me semble beau. Vraiment tout et je suis reconnaissante à l’Indicible Mystère de nous faire don d’autant de liberté d’approche. Merci pour votre généreux retour. Nous nous sourions, je le sais…
        Ah ! j’aime beaucoup : « Ce qui n’a pas de sens a un sens supérieur à ce qui en a. »

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      2. J’oubliais encore ceci : Je préfère le sens poétique du terme chemin, de la promenade et de la découverte. L’auto-route implique une participation exclusive de la volonté, sorte de mécanicité hâtive et dépourvue de charme.
        Oh ! Lecius, la lointaineté du plaisir des sens est à l’opposé de mon être. Le Corps, (corps, esprit, âme) tout entier, est perception et corde perlée de liens qui se révèle tout au long du chemin !

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