Supprimez tous ces gens qui passent leur vie à chercher le mot le plus proche du ciel ou de l’enfer, et vous vivrez dans les ténèbres.
C. Bobin – « Les poètes sont des monstres »
Les poètes sont des monstres (extrait)
L’amour partage un privilège avec Dieu, c’est de ne pas exister – ce qui ne les empêche pas d’agir. Si une fleur ignorée de tous vibre aux coups donnés par l’air bleu, c’est l’univers entier qui résonne. Il n’y a pas de « nouvelles façons d’aimer ». Tragique, fantaisiste, insaisissable et gratuit, l’amour est éternellement neuf.
Le granit de la vie allume encore aujourd’hui des étincelles dans les yeux des jeunes gens qui reprennent la vieille chanson si neuve de tout espérer parce qu’un visage a balayé de ses rayons leur visage. Si nous sommes « modernes » c’est pour rien d’autre que notre rage à détruire l’amour, cette alliance lumineuse de naïveté et de grâce qui empêche la roue de l’Argent Roi de tourner.
Les machines portent notre mort, elles en sont grosses et quand elles atteindront la perfection, hypnotiques et silencieuses, elles accoucheront de notre effacement. Nous n’aurons jamais existé. Qui se souviendra des hommes ? Il faut du cœur pour qu’il y ait une mémoire. Les machines n’ont que des yeux de glace, semblables à l’œil du militaire bureaucrate qui regardait l’intérieur de la chambre à gaz, quand l’enfer y bouillonnait.
Je me souviens des yeux d’Akhmatova – deux aigles doux, loin au-dessus de tout. Son nez en escalier brisé. Ses châles noirs comme des peaux qui se décollaient d’elle. Sa vie d’impératrice échouée sur un divan aux pieds cassés, dans dix mètres carrés d’air froid alloués par l’État. Une bouilloire pour le thé, et quand le thé manque l’eau chaude inventera sa fête austère dans des verres au ventre fêlé.
Les poètes sont des monstres. Ils n’aiment pas vos machines. Ils ne les aimeront jamais. Une bouilloire – antique grosse pomme de fer talée – est toute la technologie qu’ils supportent. Ils aiment trop la vie pour prétendre « l’augmenter ».

« Les poètes sont des monstres »
Lettres vives – 2022
‘ Collection entre 4 yeux ‘

C’est une pure merveille, le texte de Bobin, ta voix , le choix des tableaux.
Ah merci merci à toi.
J’aimeAimé par 1 personne
L’écriture de Bobin diffuse toujours une lumière intense, et magique en ce sens que jamais elle n’aveugle, et fait de nous des « voyants ».
J’aimeAimé par 1 personne
Tout à fait d’accord.
J’aimeJ’aime
De toute beauté cette harmonie entre le texte, votre voix, la musique et les tableaux…
Merci Lelius
J’aimeJ’aime
Merci à vous Francine pour votre gentil commentaire.
J’aimeAimé par 1 personne
Belle voix sur beau texte. Merci à vous.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci d’avoir apprécié.
J’aimeAimé par 1 personne
Chacun de vos articles est un cadeau…
J’aimeAimé par 1 personne
Merci infiniment ! C’est bien généreux de votre part.
J’en suis très ému.
J’aimeAimé par 1 personne
L’émotion est partagée.
J’aimeAimé par 1 personne
Et votre voix comme un hommage…
Merci.
Le poète, de là-haut, doit apprécier.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci de cet aimable commentaire !
Chacun sait combien Bobin débordait de bienveillance et de générosité… Heureusement pour moi, s’il m’entend !
J’aimeJ’aime
Magnifique !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci !
J’aimeJ’aime