Chaque poème de Roberto Juarroz est une surprenante cristallisation verbale : le langage réduit à une goutte de lumière.
Octavio Paz (cité par Gil Pressnitzer)
Un poème sauve un jour.
Plusieurs poèmes pourront-ils sauver la vie entière ?
Ou suffit-il d’un seul ?
Roberto Juarroz (Treizième poésie verticale)
∞
Éteindre la lumière, chaque nuit,
est comme un rite d’initiation :
s’ouvrir au corps de l’ombre,
revenir au cycle d’un apprentissage toujours remis :
se rappeler que toute lumière
est une enclave transitoire.
Dans l’ombre, par exemple,
les noms qui nous servent dans la lumière n’ont plus cours.
Il faut les remplacer un à un.
Et plus tard effacer tous les noms.
Et même finir par changer tout le langage
et articuler le langage de l’ombre.
Éteindre la lumière, chaque nuit,
rend notre identité honteuse,
broie son grain de moutarde
dans l’implacable mortier de l’ombre.
Comment éteindre chaque chose ?
Comment éteindre chaque homme ?
Comment éteindre ?
Éteindre la lumière, chaque nuit,
nous fait palper les parois de toutes les tombes.
Notre main ne réussit alors
qu’à s’agripper à une autre main.
Ou, si elle est seule,
elle revient au geste implorant
de raviver l’aumône de la lumière.

« Quinzième poésie verticale »
Traduction Jacques Ancet
Je l’ai lu très tard Juarroz. j’étais vieille déjà…
Davantage apte à le comprendre aussi…
Je me retiens, pour préserver ta pudeur, de te dire combien ta voix respire la sagesse et la finesse…Trop tard, ça m’a échappé…
Ta groupie.
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Il me semble en effet qu’on n’entre pas dans la poésie de Juarroz sans avoir déjà passablement l’âme « bronzée ». C’est à ce prix que le poète nous permet cette confrontation lucide – et confiante, peut-être – avec l’inéluctable néant qui nous emportera, Narcisses enfin guéris de nos délires chimériques…
C’est en tout cas rubis aux joues que je reçois ton compliment…
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