Toute chose qui est, si elle n’était, serait énormément improbable.
. . . . . . . . Paul Valéry
Et si, pour illustrer cette affirmation, il nous faut un exemple qui soit à la fois sympathique – ô combien ! –, aussi récent qu’extraordinaire, et, de préférence, musical, nous n’avons qu’à nous régaler de l’incroyable performance produite en ligne ces derniers mois par la cheffe d’orchestre mexicaine de réputation mondiale, Alondra de la Parra, ambassadrice officielle de la culture de son pays.

La pandémie de coronavirus a obligé le spectacle vivant à se réinventer, à se produire autrement, et notamment à utiliser l’outil numérique et internet pour se donner l’illusion d’exister encore auprès du public. Ainsi la musique s’est-elle offerte sur les réseaux sous des formes variées, partagées entre « concerts fantômes », sans public, « concerts socialement distanciés », avec un auditoire limité et prudemment réparti, ou « concerts à la maison », des musiciens, solistes ou en très petits groupes, jouant et se filmant depuis leur propre intérieur.
Le « Concert Impossible » qu’a conçu et réalisé Alondra de la Parra est une performance unique qui outrepasse les pourtant superbes efforts qu’ont produits les artistes en ces circonstances particulières.
Seules d’ailleurs de telles circonstances pouvaient provoquer pareille entreprise artistique. Comment, avant 2020, aurait-il été possible ou même concevable, de réunir aussi rapidement, pour un seul concert, autant de solistes de différents instruments, mondialement renommés, dont les emplois du temps sont réservés des années à l’avance par les scènes les plus prestigieuses du monde entier ? Improbable ! Impossible !
Mais, aujourd’hui…
Soudain, tout le monde était libre. Tout le monde prenait mon appel et tout le monde disait oui. Ils n’étaient pas seulement disponibles en termes de temps, mais je pense qu’il y avait une disponibilité dans l’esprit. – Alondra de la Parra
Tout le monumental travail de la cheffe s’est donc fait sans baguette. Téléphone, visioconférences, canevas au piano, enregistrements de maquettes musicales, prises de vues et de sons aux quatre coins du monde, dans les conditions les plus étonnantes – sur fond de drap noir obligé par exemple –, visionnage, montage, mixage, et même coordination chorégraphique à distance pour insérer dans cet assemblage magique l’âme personnifiée de la musique choisie, la performance de la ballerine Elisa Carrillo Cabrera, danseuse principale du Ballet d’État de Berlin.
Car, il faut enfin le dire, la pièce musicale tout naturellement sélectionnée pour ce Concert Impossible n’est autre que l’emblématique chef d’œuvre du compositeur mexicain Arturo Márquez, « Danzón nº2 », considéré depuis sa création en 1994 comme le second hymne national du Mexique.

Si le populaire genre danzón mexicain, pourtant tout droit venu de Cuba à la fin du XIXème siècle, avec ses rythmes syncopés, ses mélodies mélancoliques et ses tonalités sensuelles s’est imposé comme une évidente représentation culturelle, le « Danzón nº2 » de Marquez, au-delà de sa notoriété particulière, constituait, grâce aux nombreux solos d’instruments de tous registres qui le caractérisent, une aide non négligeable à l’indispensable découpage de l’ensemble orchestral, objet principal du défi technique que s’était lancé à elle-même, Alondra de la Parra.
Mais il ne s’agissait pas ici de plaquer des images sur un enregistrement sonore. Le son et l’image devaient apparaître simultanément au cours de la production pour donner la pleine illusion du concert, orchestre au complet, présent sur la même scène.
L’aboutissement de cet effort titanesque est une épatante vidéo musicale d’une dizaine de minutes dominée par le talent, la bonne humeur et l’humour, et chargée d’une énergie positive qui ne peut que requinquer nos cœurs désenchantés.

Après une lente et sensuelle introduction à la clarinette – lenteur typique du danzón, dissimulant la passion qui couve –, le hautbois, second danseur du couple, entre en scène. Le duo ne tarde pas à être rejoint par les autres instruments, cordes, vents et percussions, dans un changement d’humeur dominé par l’énergie des rythmes.
Une courte pause bercée par un solo de flûte piccolo vite rejoint, en cadence, par les autres instruments, prépare l’entrée lyrique du violon qui rappelle le motif introductif. La danse se fait plus langoureuse, plus sensuelle.
Mais, petit à petit l’ambiance s’échauffe, les rythmes s’accélèrent, tous les instruments se fondent dans la dissonance d’un chaos joyeusement mené par la trompette. Toute une éclatante frénésie de sons et de rythmes pour accompagner sauts, voltes et pirouettes de la danseuse épanouie. Tonitruante et fugitive évocation du bonheur de vivre…
Le calme revient le temps d’une reprise de souffle avant que l’ensemble de l’orchestre, d’une seule voix, n’entonne une enthousiaste conclusion, à la mesure du plaisir de chaque musicien… et du nôtre.
Et maintenant, musique ! « La Orquesta Im-posible »
Bravo à tous ! Merci !
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Merci pour ce moment extraordinaire…
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Un beau moment de musique, en effet ! Ravi que vous partagiez mon enthousiasme.
Merci à vous !
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