En montagne libanaise

Se souvenir – du bruit du clair de lune,
lorsque la nuit d’été se cogne à la montagne,
et que traîne le vent,
dans la bouche rocheuse des Monts Liban.

Se souvenir – d’un village escarpé,
posé comme une larme au bord d’une paupière;
on y rencontre un grenadier,
et des fleurs plus sonores qu’un clavier.

Se souvenir – de la vigne sous le figuier,
des chênes gercés que Septembre abreuve,
des fontaines et des muletiers,
du soleil dissous dans les eaux du fleuve.

Se souvenir – du basilic et du pommier,
du sirop de mûres et des amandiers.
Alors chaque fille était hirondelle,
ses yeux remuaient, comme une nacelle,
sur un bâton de coudrier.

Se souvenir – de l’ermite et du chevrier,
des sentiers qui mènent au bout du nuage,
du chant de l’Islam, des châteaux croisés,
et des cloches folles, du mois de juillet.

Se souvenir – de chacun, de tous,
du conteur, du mage, et du boulanger,
des mots de la fête, de ceux des orages,
de la mer qui brille comme une médaille,
dans un paysage.

Se souvenir – d’un souvenir d’enfant,
d’un secret royaume qui avait note âge ;
nous ne savions pas lire les présages,
dans ces oiseaux morts au fond de leurs cages,
sur les Monts Liban.

Nadia Tuéni (1935-1983)

 

Publié (audio) sur Perles d’Orphée le 5/05/2014 : « Se souvenir ».

Publié par

Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

4 réflexions au sujet de “En montagne libanaise”

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