Les eaux de mon été -3/ Pianos mouillés

Dans l’une de ses conférences qu’il avait intitulée « Water Musics : Musiques sur l’eau, Musiques de l’eau », l’éminent professeur Pierre Brunel tenait avec juste raison à marquer d’emblée la différence entre ces deux qualifications. Les musiques jouées sur l’eau n’ont pas nécessairement de rapport intime avec l’élément liquide — Water Music de Haendel par exemple —, alors que les musiques de l’eau — ainsi Jeux d’eau de Ravel — imprègnent le ou les instrument(s) d’une totale empathie avec l’élément liquide au point que le rendu mimétique du chant de l’onde dans ses rythmes et ses sonorités en vienne à impressionner parfois l’auditeur.

La musique de l’eau, est captée à la source même, si je puis dire au plus eau de l’eau, assurant le passage de l’onde liquide à l’onde sonore. Dans le premier cas, le temps d’un concert, d’une sérénade, on joue sur l’eau ; dans le second cas, se déroule le mouvement, qui pourrait être perpétuel, des jeux d’eau.

Xèmes Entretiens de La Garenne Lemot en 2006

Ravel compose les Jeux d’eau en 1901 et les dédie à son illustre professeur Gabriel Fauré.

Il annote jovialement sa partition de cette épigraphe empruntée à Henri de Régnier :

Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille.

Un programme !

Et, depuis les hauteurs du clavier, l’eau perle, glisse, dégouline. Elle ruisselle au rythme facétieux de ses humeurs, s’amusant de sa propre fantaisie, simulant parfois gravité ou profondeur pour encore mieux surprendre. Heureux Dieu du fleuve…!

Une version d’anthologie par Martha Argerich en 1977.

Claude Monet – Le bateau atelier – 1876

Dans la tranquillité du soir, asservie aux extravagantes caresses des risées, la voici qui clapote et se trémousse dans les reflets polychromes de la moire dont Debussy la vêt. Les cieux frissonnent dans les scintillations d’un capricieux miroir.

Reflets dans l’eau – Claude Debussy par Marc-André Hamelin

Que j’aime ces musiques des eaux de mon été !

Publié par

Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

9 réflexions au sujet de “Les eaux de mon été -3/ Pianos mouillés”

    1. J’apprécie que vous partagiez les apaisantes sensations de fraîcheur que ces musiques nous offrent. Me lasserai-je jamais de les écouter ?
      Merci, Marie-Christine, de vos sympathiques visites !

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  1. Ces deux morceaux de piano sont depuis longtemps parmi mes préférés. Je crois que Liszt est aussi l’auteur de « jeux d’eau à la villa d’Este » qui fait aussi partie de mes morceaux préférés, et qui s’inscrirait très bien aussi dans votre programme aquatique 🙂

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    1. Comment ne pas se laisser emporter par le flux enchanteur de ces pièces pour piano ?
      Oh oui ! Juste commentaire, en effet, « Les jeux d’eau à la Villa d’Este » de Liszt ont toute leur place dans mes préférences pianistiques et bien sûr dans les eaux de mon été. D’autant plus que cette composition est incontestablement mère de celles de Ravel et de Debussy.
      Je l’aurais volontiers intégrée dans ce billet, mais, ne croyant pas en la vertu des billets trop chargés, je me suis abstenu. Je lui avais déjà consacré un article entier (« Depuis la chambre des roses ») sur « Perles d’Orphée » il y a quelque temps, avec – merci internet – une belle vidéo des fontaines illustrée par une fameuse interprétation de Lazare Berman, lisztien parmi les lisztiens.
      Le lien vers le billet : https://perlesdorphee.wordpress.com/2015/09/08/depuis-la-chambre-des-roses/
      Merci de votre bien agréable fidélité.

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  2. Des notes telles des gouttes d’eau pleines de grâce jaillissant de la source, jeunes, fraîches, cristallines courant légères et joyeuses, insouciantes ici et là en d’innombrables filets et rigoles, chuchotant leur secret à la terre, aux arbres, aux plantes, aux oiseaux…. Elles continuent au gré des notes leur chemin fleurissant, égayant le tout vivant de leurs chants et farandoles… une courte halte ou un détour, et elles reprennent leur périple en ondes frémissantes, vivantes, posées, réfléchies, un peu plus matures… l’expérience… puissantes, profondes, elles atteignent leur pleine maturité, et leurs notes poétiques cette intensité au long souffle vibrante d’émotion, de sentiments, d’impressions. Généreuses, elles illuminent le sens, la vie, et donne un éclat particulier à tout, sans distinction. Les voilà déjà de belles pièces musicales tantôt calmes et sereines, tantôt fougueuses, impétueuses convergeant vers les mers et océans en une sublime symphonie harmonieuse… l’eau et la musique ne font plus qu’un !
    Et c’est ainsi que j’ai accueilli cet ensemble textes et jeux d’eau sensible, dynamique et vivant de ses émotions. Merci beaucoup Lelius pour ces beaux instants de poésie et de douceur.

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    1. Merci à vous pour ce bel accueil que vous réservez à mon modeste billet. Mais je ne démordrai pas de l’idée que c’est à Ravel, à Debussy, et à leurs superbes interprètes, que je dois le plaisir de votre envolée lyrique. Après tout, le mérite leur revient tout entier. N’est-ce pas ? 😉

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