La voix
Qui chante là quand toute voix se tait ?
Qui chante avec cette voix sourde et pure un si beau chant ?
Serait-ce hors de la ville, à
Robinson, dans un jardin couvert de neige ?
Ou est-ce là tout près, quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât ?
Ne soyons pas impatients de le savoir puisque le jour n’est pas autrement précédé par l’invisible oiseau.
Mais faisons seulement silence.
Une voix monte, et comme un vent de mars aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte ?
Nul ne le sait.
Mais seul peut entendre le cœur qui ne cherche la possession ni la victoire.
Philippe Jaccottet – Extrait de « L’Ignorant » – Gallimard, 1958
Mon cœur, entends-tu la voix paisible de l’âme qui depuis les confins de sa solitude amie chante, dans la douceur du jour qui s’éteint, son prélude au Voyage ? « Ich bin der Welt abhanden gekommen » (Je me suis retiré du monde).
Loin des vanités du monde, elle berce dans sa transcendante apesanteur l’union intime du poème et de la mélodie. Souffle ultime sur le dernier feu.
Me voilà coupé du monde
dans lequel je n’ai que trop perdu mon temps ;
il n’a depuis longtemps plus rien entendu de moi,
il peut bien croire que je suis mort !
Et peu importe, à vrai dire,
si je passe pour mort à ses yeux.
Et je n’ai rien à y redire,
car il est vrai que je suis mort au monde.
Je suis mort au monde et à son tumulte
et je repose dans un coin tranquille.
Je vis solitaire dans mon ciel,
dans mon amour, dans mon chant.
ƒ
Ich bin der Welt abhangen gekommen,
mir der ich sonst viele Zeit verdorben,
sie hat so lange nichts von mir vernommen,
sie mag wohl glauben, ich sei gestorben !
Es ist mir auch gar nichts daran gelegen,
ob sie mich für gestorben hält,
ich kann auch gar nichts sagen dagegen,
denn wirklich bin ich gestorben der Welt.
Ich bin gestorben dem Weltgetümmel,
und ruh in einem stillen Gebiet.
Ich leb allein in meinem Himmel
in meinem Lieben, in meinem Lied.
Merci pour les mots du poète et la musique apaisante pour le cœur et l’âme, qui nourrissent mon optimisme. Ainsi l’âme trouvera l’apaisement d’un morceau de Malher, c’est une belle promesse.
Je crois que je l’ai entendue…
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CQFD
Comme vous, évidemment je me laisse profondément envahir par l’atmosphère de paix contenue dans ces deux poèmes et dans la musique de Mahler. Mais là où vous percevez une « belle promesse », je ressens, romantique incorrigible, une inévitable désespérance…
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J’espère que nous nous retrouverons un jour sans fin aux confins de la grande ourse pour que vous découvriez que mon intuition était la bonne…
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J’en accepte volontiers l’augure… Mais si cela ne survenait pas j’aurais eu tristement raison.
J’aime ce mot de Flaubert (cité par Cioran dans « La tentation d’exister ») : « Je suis un mystique et je ne crois en rien. »
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