Musiques à l’ombre – 2 – Huit voix de lumière

Ni dans les temps anciens, ni de nos jours on ne trouve une perfection plus grande chez un maître aussi jeune.

Robert Schumann (à propos de l’Octuor de son ami Félix Mendelssohn)

Bouillonnement de fraîcheur, houle musicale de jeunesse passionnée, miraculeuse illumination de la musique de chambre, l’Octuor en mi bémol majeur – Opus 20 de Félix Mendelssohn s’impose comme une indispensable contrepartie à notre été de misères.

Felix-Mendelssohn (1809-1847) – portrait par Wilhelm-Hensel

Les plus grands musiciens de l’histoire ont unanimement considéré la composition pour quatuor à cordes comme l’exercice le plus exigeant et le plus difficile de l’écriture musicale. Et c’est pourtant à seize ans, en 1825, que Félix Mendelssohn, écrit, sans modèle particulier d’un précédent maître, l’une des pages les plus proches de la perfection que connaît cet art délicat de la musique de chambre.

Comble du génie précoce, le jeune Félix convoquera pour l’occasion, non pas un, mais deux quatuors à cordes, pour donner naissance à son incomparable

Octuor en mi bémol majeur – Opus 20

Écriture souple, fluide, allègre, élégante, empreinte de juvénile passion et cependant étayée par une incroyable maturité.

Mariage musical intemporel de la jeunesse et de la beauté…

Notre été mérite bien d’y être invité !

Janine Jansen (violon) et la fine fleur mondiale des jeunes chambristes :

Aux violons : Ludvig Gudim – Johan Dalene –  Sonoko Miriam Welde

Aux altos : Amihai Grosz – Eivind Holtsmark Ringstad

Aux violoncelles : Jens Peter Maintz, – Alexander Warenberg

1/ Allegro moderato ma con fuoco

2/ Andante

3/ Scherzo : Allegro leggierissimo

4/ Presto

« La Orquesta Im-posible »

Toute chose qui est, si elle n’était, serait énormément improbable.
.  .  .  .  .  .  .                                                         .         
Paul Valéry

Et si, pour illustrer cette affirmation, il nous faut un exemple qui soit à la fois sympathique – ô combien ! –, aussi récent qu’extraordinaire, et, de préférence, musical, nous n’avons qu’à nous régaler de l’incroyable performance produite en ligne ces derniers mois par la cheffe d’orchestre mexicaine de réputation mondiale, Alondra de la Parra, ambassadrice officielle de la culture de son pays.

Alondra de la Parra

La pandémie de coronavirus a obligé le spectacle vivant à se réinventer, à se produire autrement, et notamment à utiliser l’outil numérique et internet pour se donner l’illusion d’exister encore auprès du public. Ainsi la musique s’est-elle offerte sur les réseaux sous des formes variées, partagées entre « concerts fantômes », sans public, « concerts socialement distanciés », avec un auditoire limité et prudemment réparti, ou « concerts à la maison », des musiciens, solistes ou en très petits groupes, jouant et se filmant depuis leur propre intérieur.

Le « Concert Impossible » qu’a conçu et réalisé Alondra de la Parra est une performance unique qui outrepasse les pourtant superbes efforts qu’ont produits les artistes en ces circonstances particulières.
Seules d’ailleurs de telles circonstances pouvaient provoquer pareille entreprise artistique. Comment, avant 2020, aurait-il été possible ou même concevable, de réunir aussi rapidement, pour un seul concert, autant de solistes de différents instruments, mondialement renommés, dont les emplois du temps sont réservés des années à l’avance par les scènes les plus prestigieuses du monde entier ?  Improbable ! Impossible !
Mais, aujourd’hui…

Soudain, tout le monde était libre. Tout le monde prenait mon appel et tout le monde disait oui. Ils n’étaient pas seulement disponibles en termes de temps, mais je pense qu’il y avait une disponibilité dans l’esprit. – Alondra de la Parra

Tout le monumental travail de la cheffe s’est donc fait sans baguette. Téléphone, visioconférences, canevas au piano, enregistrements de maquettes musicales, prises de vues et de sons aux quatre coins du monde, dans les conditions les plus étonnantes – sur fond de drap noir obligé par exemple –, visionnage, montage, mixage, et même coordination chorégraphique à distance pour insérer dans cet assemblage magique l’âme personnifiée de la musique choisie, la performance de la ballerine Elisa Carrillo Cabrera, danseuse principale du Ballet d’État de Berlin.
Car, il faut enfin le dire, la pièce musicale tout naturellement sélectionnée pour ce Concert Impossible
n’est autre que l’emblématique chef d’œuvre du compositeur mexicain Arturo Márquez, « Danzón nº2 », considéré depuis sa création en 1994 comme le second hymne national du Mexique.

Arturo Marquez – photo YOA Orchestra of the Americas

Si le populaire genre danzón mexicain, pourtant tout droit venu de Cuba à la fin du XIXème siècle, avec ses rythmes syncopés, ses mélodies mélancoliques et ses tonalités sensuelles s’est imposé comme une évidente représentation culturelle, le « Danzón nº2 » de Marquez, au-delà de sa notoriété particulière, constituait, grâce aux nombreux solos d’instruments de tous registres qui le caractérisent, une aide non négligeable à l’indispensable découpage de l’ensemble orchestral, objet principal du défi technique que s’était lancé à elle-même, Alondra de la Parra.

Mais il ne s’agissait pas ici de plaquer des images sur un enregistrement sonore. Le son et l’image devaient apparaître simultanément au cours de la production pour donner la pleine illusion du concert, orchestre au complet, présent sur la même scène.
L’aboutissement de cet effort titanesque est une épatante vidéo musicale d’une dizaine de minutes dominée par le talent, la bonne humeur et l’humour, et chargée d’une énergie positive qui ne peut que requinquer nos cœurs désenchantés.

Elisa Carrillo Cabrera

Après une lente et sensuelle introduction à la clarinette – lenteur typique du danzón, dissimulant la passion qui couve –, le hautbois, second danseur du couple, entre en scène. Le duo ne tarde pas à être rejoint par les autres instruments, cordes, vents et percussions, dans un changement d’humeur dominé par l’énergie des rythmes.
Une courte pause bercée par un solo de flûte piccolo vite rejoint, en cadence, par les autres instruments, prépare l’entrée lyrique du violon qui rappelle le motif introductif. La danse se fait plus langoureuse, plus sensuelle.
Mais, petit à petit l’ambiance s’échauffe, les rythmes s’accélèrent, tous les instruments se fondent dans la dissonance d’un chaos joyeusement mené par la trompette. Toute une éclatante frénésie de sons et de rythmes pour accompagner sauts, voltes et pirouettes de la danseuse épanouie. Tonitruante et fugitive évocation du bonheur de vivre…
Le calme revient le temps d’une reprise de souffle avant que l’ensemble de l’orchestre, d’une seule voix, n’entonne une enthousiaste conclusion, à la mesure du plaisir de chaque musicien… et du nôtre.

Et maintenant, musique ! « La Orquesta Im-posible »

Bravo à tous !    Merci !

Chaque clic de visionnage de la vidéo sur YouTube génère un don pour les organisations sociales "Save the Children" (aide à l'enfance) et "Fondo Semillas" (aide aux femmes du Mexique).