Toqué de toccata /13 – De touche en timbre : Florilège…

A la fin de l’ère romantique, les caractéristiques musicales de la toccata (moto perpetuo, mouvements répétés et rapides, virtuosité technique et brillance d’expression) érigent le genre en figure maîtresse de la virtuosité pianistique.

Les compositeurs du XXème siècle, depuis Debussy et Ravel, n’ont pas cessé d’explorer la toccata pour piano solo. Et c’est avec succès qu’ils ont modernisé le genre en fusionnant ses caractéristiques propres avec l’impressionnisme, le néo-classicisme, le chromatisme, le traitement folklorique percussif du clavier, ou le jazz.

Depuis le milieu du siècle, la toccata a été continuellement développée dans la littérature pour piano à travers son intégration dans de nouveaux idiomes et divers langages musicaux.
De très nombreuses toccatas viennent alors enrichir le répertoire pour lesquelles les compositeurs utilisent abondamment de nouvelles techniques pianistiques qui repoussent loin les limites formelles, mélodiques et rythmiques. Cependant, malgré cette grande diversité, tous ou presque, s’appliquent à conserver à leurs toccatas – courtes pièces uniques ou mouvements d’œuvres plus élaborées –, le caractère virtuose qui définit le genre.

Traversons donc cette deuxième moitié du XXème siècle, encore si proche, de toccata en toccata, de touche en timbre, comme un enfant avide de sensations et de découvertes traverserait joyeusement, bondissant de pierre en pierre, un ruisseau dans le bleu de l’été !

« Toccata » de Paul Constantinescu, compositeur roumain, interprétée par la très regrettée Mihaela Ursuleasa, décédée en 2012, à 33 ans, d’une rupture d’anévrisme.

Elliot Wuu joue la toccata que Gian-Carlo Menotti compose en 1943 sur le thème de son opéra radiophonique « The Old Maid and the Thief  » (La vieille servante et le voleur).

Brianna Matzke interprète la toccata (1979) de Emma-Lou Diemer, musicologue et compositrice américaine née en 1927, qui fait ici appel aux techniques de pincement direct des cordes par le pianiste.

La Toccata Op.155 écrite en 1957 par le compositeur anglais York Bowen, alors âgé de 73 ans, fait suite à deux précédentes toccatas de 1901 et 1920, mais à la différence de ses deux ainées elle n’a pas été publiée. C’est au pianiste virtuose britannique Stephen Hough que l’on doit sa publication il y a quelques années.

Qui en parlerait mieux que Stephen Hough lui-même ?
« Il est vraiment étonnant qu’un homme de son âge ait pu concevoir une œuvre d’une telle énergie maniaque et d’une telle brillance… La pièce elle-même a une vision et offre un étalage éblouissant de pyrotechnie vraiment revigorante, elle constitue également un témoignage éloquent de la persévérance sans faille du compositeur face au découragement et au manque de reconnaissance. »

Ce n’est certes pas sans raison que Bowen fut surnommé « le Rachmaninov anglais ».

Au piano : Jonathan Borton

Gila Goldstein interprète la « Toccata » du compositeur israélien Paul Ben-Haïm, extraite des Cinq pièces, op. 34 (1943).

Avec sa « Toccata troncata » de 1971, Sofia Gubaïdoulina, figure emblématique de la musique russe d’après 1945, exacerbe les contrastes des structures formelles pour explorer les caractéristiques de la toccata. L’utilisation de la forme « troncata » offre à l’interprète sa pleine liberté d’improvisation et lui permet d’accorder plus d’importance au son et au timbre, qu’à la virtuosité.

Au piano Sanae Takagi :

Marina Vasilyeva interprète la « Toccata » de Pierre Sancan qui a cherché à concilier les techniques performatives contemporaines avec le langage harmonique de Debussy dont il était un fin interprète.

Pierre Sancan, est décédé en 2008. Successeur de Yves Nat au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il a pris une grande part dans la formation de nombre d'excellents pianistes français tels que Jean-Philippe Collard, Michel Béroff ou Jean-Efflam Bavouzet, entre autres.

Ju-Hee Lim, pianiste coréènne, a 11 ans, lorsqu’elle interprète au Festival d’Annecy en 2011, la « Toccata » de Karol Beffa.  Elle fréquente déjà les scènes internationales depuis l’âge de 9 ans.

Quant à Karol Beffa, il y a tant à dire pour le présenter que la meilleure manière de procéder est le « copier-coller » (en prenant soin de choisir à cet effet une présentation sommaire, tant la liste de ses diplômes et des étapes de son parcours est chargée et élogieuse).

Karol Beffa, 44 ans, est compositeur et interprète. Il a reçu de nombreux prix, notamment le Grand prix de la musique symphonique de la SACEM pour l'ensemble de sa carrière (2017). Il a occupé la chaire de création artistique du Collège de France en 2013-2014 et a été élu "compositeur de l'année" aux Victoires de la musique classique en 2013 et 2018. Régulièrement, il se produit en soliste avec orchestre, donne des concerts d'improvisation et accompagne des lectures de textes.

Il est l'auteur de concertos pour violon, pour piano, de deux opéras inspirés de Kafka, d'un ballet, de contes musicaux pour orchestre et d'une quinzaine de musiques de film. Il vit à Paris. (Actes Sud)