Elle viendra – 20 – Absurde et beauté

En souvenir du très douloureux 31 décembre 1979
A la mémoire de mon père 

[…] De même et pour tous les jours d’une vie sans éclat, le temps nous porte. Mais un moment vient toujours où il faut le porter. Nous vivons sur l’avenir : « demain », « plus tard », « quand tu auras une situation », «avec l’âge tu comprendras ». Ces inconséquences sont admirables, car enfin il s’agit de mourir. Un jour vient pourtant et l’homme constate ou dit qu’il a trente ans. Il affirme ainsi sa jeunesse. Mais du même coup, il se situe par rapport au temps. Il y prend sa place. Il reconnaît qu’il est à un certain moment d’une courbe qu’il confesse devoir parcourir. Il appartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s’y refuser. Cette révolte de la chair, c’est l’absurde.

Albert Camus – Le Mythe de Sisyphe –1942

La beauté comme une réponse à l’absurde...
Franz Schubert 1797-1828

« Der Tod und das Mädchen »
La jeune fille et la Mort

Quatuor à cordes en Ré mineur (D 810)
Transcription pour orchestre à cordes par Gustav Mahler

1. Allegro
2. Andante con moto
3. Scherzo – Allegro molto
4. Presto

Le 31 décembre,
il y a 45 ans,
"Elle" est venue... sans prévenir,
n'est restée qu'une poignée de secondes...
foudroyantes,
puis est repartie... avec mon père.

Sans musique ! 

Il l'aimait la musique.
Ce concert comme un caillou blanc sur sa tombe.

Paix des sages, paix des singes, paix des sons

Celui qui cherche la paix doit être sourd, aveugle et muet.

De ce vieux proverbe turc, incitation à calquer nos comportements sur ceux des trois célèbres singes dits « de la sagesse », je ne peux décidément recevoir qu’une seule affirmation, la dernière, que je relaie bien volontiers et bien sincèrement à travers cette remarque que Montherlant avait justement choisi de noter dans ses « Carnets » :

Rares sont les mots qui valent mieux que le silence.

Pour réfuter les deux autres, cécité et surdité, prétendument indispensables au succès du chercheur de paix, je propose – sourire aux lèvres – cette évidente démonstration du contraire, visuelle et sonore, bien sûr :

Yuja Wang (piano) et le London Symphony Orchestra
dirigé par Michael Tilson Thomas :

Deuxième mouvement, « Andante »
du Concerto pour piano N°2 de Chostakovitch

Alors, s’il s’avère vraiment que pour atteindre la paix il nous faille également devenir aveugles et sourds, que cela soit !

Mais, de grâce, dans cet ordre et pas avant… un bis !