« C » comme France

Oh ! ma France ! ô ma délaissée !
J’ai traversé Les Ponts-de-Cé.

Derrière le plus simple arrondi, incomplet certes, d’une seule lettre de l’alphabet on peut parfois trouver un émouvant poème, chargé de messages, de son siècle ou d’un autre plus lointain, poissé du sang séché des braves, qu’un inoubliable poète mu par son espérance composa un jour outragé sur les bords libres de la Loire :

« C »

Qu’un musicien à la sensibilité exacerbée se fasse complice du poète, qu’il revête sa poésie d’un habit de mélodie…
Qu’un ténor, d’une douce et ondulante inflexion, unisse ces deux voix…
Et nos âmes oublieuses franchissant les ponts de notre Loire, traverseront aussi les combats douloureux de notre histoire et les souffrances de nos ainés.

Quand les vers sont d’Aragon et la musique de Poulenc, les drames que pudiquement ils racontent paraissent plus émouvants encore.
Quand Hugues Cuénod les chante, une larme pourrait bien nous échapper… de nos temps lointains venue.

C

J’ai traversé Les Ponts-de-Cé
C’est là que tout a commencé

Une chanson des temps passés
Parle d’un chevalier blessé,

D’une rose sur la chaussée
Et d’un corsage délacé,

Du château d’un duc insensé
Et des cygnes dans les fossés,

De la prairie où vient danser
Une éternelle fiancée,

Et, j’ai bu comme un lait glacé
Le long lai des gloires faussées.

La Loire emporte mes pensées
Avec les voitures versées,

Et les armes désamorcées,
Et les larmes mal effacées,

Oh ! ma France ! ô ma délaissée !
J’ai traversé Les Ponts-de-Cé.

Louis Aragon 1897-1982

 

in Les Yeux d’Elsa – 1942

Fulgurances – III – Forêt

Il n’y a pas de porte
ni de gardien dans la forêt
bien qu’elle soit le Temple.
Rien à ouvrir ou à fermer.
Chacun trouve en elle son chemin.
Sa lumière dans les bouleaux.
Puis les feuillages retombent
et gardent le secret.

Jean Mambrino 1923-2012

 

in Ainsi ruse le mystère (Corti-1983)

Le silence et la rêverie

C’est dans la rêverie que nous sommes des hommes libres.

Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie)

Alors le rêveur est tout fondu en sa rêverie. Sa rêverie est sa vie silencieuse. C’est cette paix silencieuse que veut nous communiquer le poète.

Heureux qui connaît, heureux même qui se souvient de ces veillées silencieuses où le silence même était le signe de la communion des âmes !
Avec quelle tendresse, se souvenant de ces heures, Francis Jammes pouvait écrire :
……… « Je te disais tais-toi quand tu ne disais rien. »

Gaston Bachelard (La poétique de la rêverie – PUF – 1960/68 / p. 52)

§

Stefanie Jones joue un arrangement de « The Sound of Silence »
de Simon & Garfunkel