Objet : aide ménagère

Salut mon vieil ami !

Réjouis-toi ! J’ai enfin trouvé la perle rare dont tu rêvais. Tes tâches ménagères, pour lesquelles, comme nous le savons tous les deux, les fées ne t’ont doté d’aucun talent, vont désormais passer entre des mains expertes.

La jeune fille est charmante, pourrait-elle l’être plus ? Elle répond au délicat prénom d’Angelina que lui a donné son célèbre père d’opéra, Gioacchino Rossini. En vérité, elle s’appelle Isabel Léonard et affirme qu’elle est américaine et de mère argentine. Mais ne t’embarrasse pas de ces détails car elle prend aussi parfois des identités différentes, Dorabella, Zerlina, Charlotte ou encore Mélisande, entre autres. Rassure-toi, sa manie est sans danger, bien au contraire.

Les difficultés de son existence ne l’ont pas privée de son beau sourire, espiègle souvent, auquel, j’en suis persuadé, tu ne résisteras pas plus qu’à ses exubérances juvéniles. La vidéo que je joins à ce message devrait t’édifier sur ce point.

Ne te formalise pas des souillures de suie sur son tablier : la pauvre fille est astreinte à l’entretien de la cheminée familiale ; c’est d’ailleurs à travers les lueurs des flammes qu’elle fait voyager ses rêves. Ses sœurs, deux satanées chipies, l’ont même surnommée Cendrillon, ou plutôt, en italien, Cenerentola.

Comme tu le constateras, elle a pris l’habitude de chanter en travaillant. Et joliment, mon coquin, une superbe voix de mezzo. Certes son travail n’en souffre pas, mais les voisins ne résistent jamais au plaisir de venir l’écouter… Ça te fera de la visite, vieil ours !

Je me demande en rédigeant ces lignes si le Prince charmant qui sommeille en toi ne finirait pas par lui mettre la bague au doigt. Comble du paradoxe, c’est toi qui aurais ainsi trouvé chaussure à ton pied… (Facile ! Je sais.)

J’attends avec impatience tes impressions… peut-être un faire-part.
– Belle occasion en tout cas pour qu’Angelina entonne encore – qui s’en plaindrait ? – cette joyeuse et virtuose aria,
Non più mesta

Je ne resterai plus triste   (Non più mesta)

Je suis née dans les épreuves et les pleurs,
mon cœur a souffert en silence.
Mais par un délicieux enchantement,
dans la fleur de mon âge
avec la rapidité de l’éclair
mon sort a changé.
 
Non, non, non, non, essuyez vos larmes.
Pourquoi trembler, pourquoi ?
Accourez vers ce sein,
fille, sœur, amie,
vous trouverez tout en moi.
 
Je ne resterai plus triste, au coin du feu,
à chantonner seule, non !
Ah ! mes longs tourments
n’auront été qu’un éclair, un songe, un jeu.