Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Plus connu pour sa carrière de diplomate et sa fin tragique que pour son oeuvre littéraire ou ses compositions musicales, Alexandre Griboyedov a laissé tout de même à la postérité une petite valse légère et tendre qui ferait volontiers tournoyer une petite fille pelotonnée dans les bras d’un grand père retrouvant sa jeunesse.
Alexandre Griboyedov (Moscou 15 janvier 1795 – Téhéran 11 février 1829)
Valse No. 2 en Mi mineur
Grigory Sokolov – piano
Les lèvres remuent… mais c’est le clavier qui chante, qui chante, qui chante, quand valsent les doigts d’un génie dans des oeufs à la neige.
Leben wir denn, wir Menschen, um den Tod abzuschaffen? Nein, wir leben, um ihn zu fürchten und dann wieder zu lieben, und gerade seinetwegen glüht das bißchen Leben manchmal eine Stunde lang so schön.
Hermann Hesse – Der Steppenwolf
Vivons-nous donc, nous autres, pour nous débarrasser de la mort ? Non, nous vivons pour la craindre et aussi pour l’aimer, et c’est grâce à elle que ce petit bout de vie, quelquefois, l’espace d’une heure, brûle d’une flamme si belle.
Hermann Hesse – Le loup des steppes
Θ
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles Il semble que la Mort est la sœur de l’amour
Jean Roger Caussimon (paroles) & Léo Ferré (musique et voix)
« Ne chantez pas la mort ! »
Ne chantez pas la Mort, c’est un sujet morbide Le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit Les gens du show-business vous prédiront le bide C’est un sujet tabou pour poète maudit La Mort… La Mort
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles Il semble que la Mort est la sœur de l’amour La Mort qui nous attend et l’amour qu’on appelle Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours La Mort… La Mort
La mienne n’aura pas, comme dans le Larousse Un squelette, un linceul ; dans la main, une faux, Mais fille de vingt ans à chevelure rousse En voile de mariée, elle aura ce qu’il faut La Mort… La Mort
De grands yeux d’océan, la voix d’une ingénue, Un sourire d’enfant sur des lèvres carmin, Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue Mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin, La Mort… La Mort
Requiem de Mozart et non Danse Macabre, Pauvre valse musette au musée de Saint-Saëns, La Mort c’est la beauté, c’est l’éclair vif du sabre, C’est le doux penthotal, de l’esprit et des sens, La Mort… La Mort
Et n’allez pas confondre et l’effet et la cause, La Mort est délivrance, elle sait que le Temps Quotidiennement nous vole quelque chose, La poignée de cheveux et l’ivoire des dents La Mort… La Mort
Elle est euthanasie, la suprême infirmière, Elle survient à temps, pour arrêter ce jeu, Près du soldat blessé dans la boue des rizières, Chez le vieillard glacé dans la chambre sans feu La Mort… La Mort
Le Temps c’est le tic-tac monstrueux de la montre, La Mort, c’est l’infini dans son éternité. Mais qu’advient-il de ceux qui vont à sa rencontre ? Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter La Mort… La Mort… La Mort ?