Au centre du poème il y a un autre poème, au centre du centre il y a une absence, au centre de l’absence il y a mon ombre.
Alejandra Pizarnik
Cendres
Nous avons dit des paroles,
des paroles pour réveiller les morts,
des paroles pour faire un feu,
des paroles pour pouvoir nous asseoir
et sourire.
Nous avons créé le sermon
de l’oiseau et de la mer,
le sermon de l’eau,
le sermon de l’amour.
Nous nous sommes agenouillés
et avons adoré de longues phrases
comme le soupir de l’étoile,
des phrases comme des vagues
des phrases comme des ailes.
Nous avons inventé de nouveaux noms
pour le vin et pour le rire,
pour les regards et leurs terribles
chemins.
Moi à présent je suis seul(e)
– comme l’avare délirant(e)
sur sa montagne d’or –
et je lance des paroles vers le ciel
mais je suis seul(e)
et je ne peux dire à mon aimée
ces paroles qui me font vivre.

Las aventuras perdidas (1958) – Œuvres (Ypsilon, 2022) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet

