Recomposition d’un billet proposé sur « Perles d’Orphée » le 14/02/2013
sous le titre : « Orphée et la barbarie »

La sempiternelle souffrance a autant de droit à l’expression que le torturé celui de hurler ; c’est pourquoi il paraît bien avoir été faux d’affirmer qu’après Auschwitz il n’est plus possible d’écrire des poèmes.
Theodor Adorno – « Méditations sur la Métaphysique »
En réponse, dix ans après, à sa propre affirmation de 1949 :
« Écrire un poème après Auschwitz est barbare. »
§

Considerate la vostra semenza ; fatti non foste a viver come bruti, ma per seguir virtute e conoscenza.*
* Considérez votre dignité d’homme : Vous n’avez pas été faits pour vivre comme des bêtes, mais pour acquérir vertu et connaissance.
Dante – « Divine Comédie »,
cité par Primo Lévi – « Si c’est un homme » – Chapitre 11
§

Ces innombrables morts, ces massacrés, ces torturés, ces piétinés, ces offensés sont notre affaire à nous. Qui en parlerait si nous n’en parlions pas ? Qui même y penserait ? […] Si nous cessions d’y penser, nous achèverions de les exterminer, et ils seraient anéantis définitivement.
Vladimir Jankélévitch – Pardonner ? – 1971
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La soprano Anne-Sofie Von Otter a publié en 2007 un CD « Terezin Theresienstadt », – nom du « camp-ghetto » ouvert par les nazis en 1941 –, pour contribuer à la commémoration des très nombreux musiciens juifs assassinés dans les camps. Ce camp-ci avait été créé par la propagande hitlérienne pour, supercherie couplée à l’horreur, servir le régime dans sa tentative de démonstration de sa « bonne foi ».
Les souffrances, la peur, la faim et le froid, qui étaient le quotidien de ces intellectuels juifs regroupés dans cette antichambre des fours crématoires d’Auschwitz, n’arrêtèrent pas la création artistique qui restait le plus puissant soutien de tous ces malheureux.
Parmi eux, une écrivaine et compositrice tchèque, Ilse Weber. Pour apaiser les craintes de son jeune fils Tommy avec lequel elle était conduite à la mort, elle chanta jusqu’à l’ultime instant cette douce mélodie, « Wiegala ».
Dodo l’enfant do,
Le vent joue de la lyre.
Il joue doucement entre les verts roseaux,
Le rossignol chante sa chanson.
Dodo…
Dodo, l’enfant do,
La lune est une lanterne
Au plafond noir du ciel,
Elle contemple le monde
Dodo…
Dodo, l’enfant do,
Comme le monde est silencieux !
Pas un bruit ne trouble la paix,
Toi aussi mon bébé, dors.
Dodo, l’enfant do,
Que le monde est silencieux !
§
Il y a encore des chants à chanter au delà des hommes.
Paul Celan 1920-1970







