Fulgurances – XXXII – Même Lui… ?

Gustave Doré – Bible illustrée

.« Un jour où je doutais de moi », dit Dieu,
« je suis allé chez mon ami Shakespeare,
puis je me suis rendu
au domicile de Rembrandt,
qui se peignait couvert de rides.
Avant de retrouver mon royaume incertain,
j’ai salué l’enfant Mozart,
à qui j’ai apporté
un clavecin tout neuf.
Ces trois visites m’ont suffi
pour m’accepter un peu. »

Alain Bosquet 1919-1998

 

in Le tourment de Dieu (Gallimard -1986)

‘Musique’

La musique repose sur l’harmonie entre le Ciel et la Terre, sur la coïncidence du trouble et du clair.

Hermann Hesse – Narcisse et Goldmund 

MUSIQUE 

J’aurais voulu de temps en temps être musique,
et, privé de mon corps, partir avec le vent
sur les fleuves perdus, les vautours en révolte,
les troupeaux d’arbres fous qui broutent les hameaux.

De temps en temps j’aurais voulu être un murmure
interrompant le long silence du silex
et le forçant enfin de m’expliquer pourquoi
il a l’air malheureux comme un astre qui tombe.

De temps en temps j’aurais voulu être un soupir
chez les insectes roux qui détruisent la pomme,
la sapotille et la pastèque trop crédule.

J’aurais voulu de temps en temps être un refrain
qui unit sans raison ni astuce perverse
le désespoir de vivre aux douceurs de la vie.

Alain Bosquet
(Odessa 1919 – Paris 1998)

 

Sonnets pour une fin de siècle (1980)

A juste enseigne bon commerce !

Ne pas confondre le commerce de la poésie avec la poésie du commerce !
Celle-ci est tellement plus séduisante que celle-là… 

J’ai mis comme enseigne à ma boutique : « Fabricant de mensonges ». J’ai eu très peu de clients : quelques masochistes.
J’ai changé d’enseigne : « Fabricant de mythes ». On fait la queue.

Alain Bosquet
(Odessa 1919 – Paris 1998)

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in La fable et le fouet – Gallimard/NRF 1995