
L’araignée qui pleure ou Le Désespoir du monstre
On n’assiste pas à un festin de cette qualité sans une petite préparation, disons une petite mise en condition pour chasser peurs, fantasmes et phobies que beaucoup nourrissent à l’endroit des arachnides. Car c’est à un cérémonial bien particulier que nous invite un amoureux de la nature, officier de marine-compositeur de musique (ça ne s’invente pas) :
« Le Festin de l’araignée »
- La mise en condition (‘mise en bouche’ ?)
En 2011, Richard Kram, (né en 1953), poète, romancier, mathématicien, ingénieur-électricien et… musicien, compose une suite pour piano dont le but est de représenter musicalement l’univers des insectes : « Entomology Anthology Piano Suite ».
Chaque pièce dédiée à un insecte spécifique cherche à reproduire ses caractéristiques et comportements uniques grâce à des textures sonores et des motifs mélodiques inventifs. C’est une fusion originale entre observation scientifique et expression artistique, offrant une immersion poétique dans l’immense diversité du monde des insectes. L’araignée, animal totem par excellence, y occupe une place de choix.
Trois minutes impressionnantes d’images et musique (‘en cuisine’) pour préparer nos esprits pendant que la gourmande prépare son repas :
« The spider weaves its web »
L’araignée tisse sa toile
🕷️
- L’officier de marine – compositeur

Ses études classiques terminées, Roussel entre en 1887 à l’École Navale.
C’est en 1892, après plusieurs traversées – vers la fascinante Asie notamment, sur différents bâtiments, en qualité d’officier de marine, qu’il s’essaie à la composition. L’année suivante, à la faveur d’un congé imposé par des soucis de santé, il démissionne et choisit définitivement la musique.
A partir de son engagement comme enseignant à la Schola Cantorum de Vincent d’Indy, au tout début du XXème siècle, son influence ne cessera de s’étendre sur la nouvelle génération de musiciens.
🕷️
- « Le Festin de l’araignée » Op. 17 d’Albert Roussel

En 1913, après le franc succès que le public parisien a réservé au ballet « Le Festin de l’araignée » qu’il a composé à partir des « Souvenirs entomologiques » du célèbre naturaliste Jean-Henri Fabre, Albert Roussel décide d’écrire une suite pour orchestre – qu’il avait préféré plus modestement appelée « fragments symphoniques », sur cette même thématique, intégrant quelques extraits de l’œuvre originale.
C’est un frémissant voyage au milieu du peuple de l’herbe que propose le chef d’œuvre de ce compositeur profondément amoureux de la nature.
Entre le prélude au cours duquel les ultimes rayons du soleil s’estompent progressivement pour abandonner l’espace au crépuscule qui s’installe entre cordes, flutes et hautbois, et les effets de harpe du dernier mouvement qui accompagnent « la nuit [qui] tombe sur le jardin solitaire », les fragments s’enchainent développant toute l’inventivité orchestrale du compositeur :
Les fourmis entrent en scène, le papillon danse, l’éphémère éclot, danse à son tour. Avant la fin de la nuit, en un rythme lent et solennel, résonneront ses funérailles .
Albert Roussel
« Le festin de l’araignée » op.17
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Barbara Hannigan
🕷️
Remarque à l’attention des âmes sensibles :
Les mangeurs seront mangés. La morale reste sauve… dans l’argument du ballet.
"Le Petit Parisien" - Édition du 7 mars 1913 :
« Dans un paisible jardin, au centre de son immense toile, une Araignée attend patiemment de capturer les insectes qui doivent composer son dîner. Passent d’abord les Fourmis qui lui échappent, puis deux Bousiers. L’Araignée n’ose s’attaquer à eux mais elle prend sa revanche sur un frêle Papillon que son étourderie jette dans la toile. Une pomme tombée de l’arbre excite au combat deux Mantes religieuses et l’une d’elles devient la proie de l’Araignée, tandis que deux vers se glissent dans le fruit, objet du litige. Quand ils s’en sortent, ils sont devenus très gros et frappent d’admiration un Éphémère sorti d’une touffe de nénuphars qui s‘étalent sur le bassin voisin. Tout juste éclos, il virevolte avec insouciance et panache durant ses fugaces instants de vie. Voilà le crépuscule et l’Éphémère touche déjà à sa vieillesse. Il meurt et son cadavre va enrichir le garde-manger de l’Araignée.
Mais au moment où celle-ci commence son festin, la mante et les bousiers se vengent et la tuent. Tous les insectes organisent des funérailles pour emporter le gracieux Éphémère à sa dernière demeure sur un pétale de rose et un ver luisant s’allume pour éclairer le cortège.
La nuit est tombée ; subsiste la solitude du jardin abandonné. »

Sidérant! j’ai tout vécu!
J’aimeAimé par 1 personne
Et tu n’as pas été dévorée ? 🕷️
Beau moment de musique que ce « Festin de l’araignée » n’est-ce pas ?
J’aimeAimé par 1 personne
Magnifique!
Je me suis laissée un peu dévorer sinon je n’aurais pas pu tout ressentir….
J’aimeAimé par 1 personne