« Je ne vois pas de poète qui ait porté aussi loin le besoin fou d’amour, la souffrance, la barbarie, l’injustice, mais en même temps l’éblouissement devant la beauté de la vie. En premier lieu, je voudrais parler de la conscience du temps chez Milosz, le temps comme de l’éternité volée. »
Laurent Terzieff (1935 – 2010)
paroles rapportées par Gil Pressnitzer
sur ‘Esprits Nomades‘
dans « Le crucifié des hautes paroles »

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Quand Laurent Terzieff disait Milosz…
Symphonie de Septembre – II
Solitude, ma mère, redites‑moi ma vie ! voici
Le mur sans crucifix et la table et le livre
Fermé ! si l’impossible attendu si longtemps
Frappait à la fenêtre, comme le rouge‑gorge au cœur gelé,
Qui donc se lèverait ici pour lui ouvrir ? Appel
Du chasseur attardé dans les marais livides,
Le dernier cri de la jeunesse faiblit et meurt : la chute d’une seule feuille
Remplit d’effroi le cœur muet de la forêt.
Qu’es‑tu donc, triste cœur ? une chambre assoupie
Où, les coudes sur le livre fermé, le fils prodigue
Écoute sonner la vieille mouche bleue de l’enfance ?
Ou un miroir qui se souvient ? ou un tombeau que le voleur a réveillé ?
Lointains heureux portés par le soupir du soir, nuages d’or,
Beaux navires chargés de manne par les anges ! est‑ce vrai
Que tous, tous vous avez cessé de m’aimer, que jamais,
Jamais je ne vous verrai plus à travers le cristal
De l’enfance ? que vos couleurs, vos voix et mon amour,
Que tout cela fut moins que l’éclair de la guêpe
Dans le vent, que le son de la larme tombée sur le cercueil,
Un pur mensonge, un battement de mon cœur entendu en rêve ?
Seul devant les glaciers muets de la vieillesse ! seul
Avec l’écho d’un nom ! et la peur du jour et la peur de la nuit
Comme deux sœurs réconciliées dans le malheur
Debout sur le pont du sommeil se font signe, se font signe !
Et comme au fond du lac obscur la pauvre pierre
Des mains d’un bel enfant cruel jadis tombée :
Ainsi repose au plus triste du cœur,
Dans le limon dormant du souvenir, le lourd amour.

in ‘ Poèmes 1895 – 1927 ‘
J.O Fourcade éditeur – Paris, 1929
Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz 1877-1939

Époustouflant de beauté.
Merci Lelius.
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Une rare osmose entre le poète, le poème et le récitant… De quoi entrer en poésie comme en entre en religion.
Merci d’avoir partagé mon frisson !
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Merci pour ce superbe poème.
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Merci à vous, cher Jean-Marc, de vous être joint à cette belle émotion!
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Merci pour ce poème sublime, dit par cette voix puissante de Lurent Terzieff. J’aime particulièrment :
Le dernier cri de la jeunesse faiblit et meurt : la chute d’une seule feuille
Remplit d’effroi le cœur muet de la forêt.
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Ces mots sont aussi ceux que je fais miens parmi tous les vers de ce formidable poème magnifié par la diction sobre et sensible de Terzieff.
Merci de m’avoir accompagné dans ce beau moment de poésie.
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