
Ce matin, à l’heure où les brumes s’évaporaient au dessus des allées du temple de Shunkoin près de Kyoto, le Maître partageait sa promenade méditative à travers la sereine fraîcheur du jardin avec trois de ses disciples.
Alors que le petit groupe approchait du potager, parfaitement distribué au sommet d’un mamelon de verdure au fond du parc, un disciple s’écarta de quelques pas et avisant une limace qui semblait s’acheminer droit sur les salades, l’écrasa sous la semelle de sa sandale.

Un autre des disciples se raidit aussitôt et, brisant le silence, lui fit remarquer que la vie est éminemment respectable, que même celle d’une limace a la plus grande valeur, et qu’enfin rien ne saurait justifier le sacrifice d’une existence.
Se retournant vers le Maître il dit avec déférence : – N’est-ce pas Maître ?
Et le Maître de répondre : – C’est vrai, tu as raison !
Pour justifier son acte, le disciple « meurtrier » s’empressa de rétorquer à son compagnon que la limace est un nuisible qui mange les salades, un de leurs rares aliments en cette difficile saison ; et regardant interrogativement le Maître il ajouta : – Ainsi je préserve la vie d’une espèce supérieure, la nôtre !
Ce à quoi le Maître répondit : – C’est vrai, tu as raison !
Le troisième disciple, muet jusqu’ici, mais n’ayant rien perdu de cet échange, s’adressa alors respectueusement au Maître pour lui faire remarquer sa contradiction :
– Maître, vous avez d’abord donné raison à celui qui a affirmé que toute vie doit être préservée en toutes circonstances, puis vous avez donné raison à l’autre qui a soutenu que, selon les circonstances, une vie pouvait être détruite. On ne peut pas cautionner une chose et son contraire !
Et le Maître, toujours aussi tranquille : – C’est vrai, tu as raison !

Vertige de l’évidence…
La raison se perd en raisonnant…
Merci à toi
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C’est sans doute pour cela que le poète ne s’embarrasse pas du fardeau de la raison…
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De toutes façons avec les limaces, c’est raison perdue. Qu’aurait dit le maître s’il me voyait tuer (la pudeur m’interdit de dire ici le nombre) limaces chaque jour. Merci Lelius pour ce texte qui me permet de voir ces bêtes sous un autre angle.
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M’est avis que le Maître, cher Jean-Marc, devant votre assiduité génocidaire, ne dirait rien, zen attitude oblige.
Mais, lui expliqueriez-vous le bien fondé de votre barbarie, je ne serai pas étonné qu’il vous réponde : « c’est vrai, tu as raison ! »
Je me réjouis, même si ces pauvres limaces ne sont qu’un prétexte pour l’histoire, d’avoir, malgré moi, plaidé leur cause. 😇
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Je me doutais de cette réponse. Puissent nos belligérants de tous poils entendre ce message! Bonne journée Lélius.
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