Mozart… à la française !

… parce que j’ai le culte de la ligne mélodique et que je préfère Mozart à tous les autres musiciens.

Francis Poulenc

Et quel plaisir, toujours renouvelé, d’apporter la preuve d’un tel propos, par l’exemple, avec le deuxième mouvement « Larghetto » du « Concerto pour deux pianos » en Ré mineur, que Poupoule, comme l’appelaient ses intimes, écrit en 1932 à la demande de la princesse Edmond de Polignac.

Francis Poulenc (1899-1963)

Pour nous envelopper de toute la tendresse qu’exprime ce Larghetto, Poulenc,  brillant compositeur et talentueux pianiste de 33 ans, n’hésite pas, par trois fois au cours d’un mouvement de quelques minutes, à puiser son inspiration chez son prodigieux aîné qu’il admire. Mozart !
Nulle peine pour les amoureux d’Amadeus à identifier les lumineuses allusions à ses concertos N° 26, K537, dit « Du Couronnement », N° 20, K466 (Mvt II – Romance), et N° 21, K467.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien Poulenc qui fait chanter la musique, avec cet indescriptible chic à la française qu’il incarne tant.

« Larghetto » du « Concerto pour deux pianos » de Francis Poulenc

Pianos : Lucas & Arthur Jussen
Orchestre Royal du Concertgebouw
Direction : Stéphane Denève
Enregistré en live le 19 octobre 2016 au Concertgebouw d’Amsterdam

L’enthousiasme, certes, ne devrait jamais faire oublier toute la réserve que l’on doit à l’emploi du superlatif. Mais parfois… !
… Après cette vidéo, chacun choisira le sien.

Tout le « Concerto pour deux pianos » est un enchantement, parsemé d’autres heureux clins d’œil à Bach, à Ravel (le « Concerto en sol » n’est jamais loin), à Rachmaninov et à Stravinsky.
C’est justement dans une lettre à Stravinsky que Poulenc confiait les prouesses de caméléon qu’il avait développées en l’écrivant :

« Voulez-vous savoir ce que j’avais sur mon piano pendant les deux mois de gestation du concerto ?  Les concertos de Mozart, ceux de Liszt, celui de Ravel et votre Partita. »

Mais c’est bien du Poulenc qu’il avait composé. Et, à juste titre, il n’en aurait pas douté une seule seconde, lui qui, à la même époque, écrivait au chef d’orchestre belge, Paul Collaer, d’une plume si naïvement immodeste :

« Vous verrez par vous-même que c’est un énorme pas sur mes œuvres précédentes et que j’entre vraiment dans ma grande période. »

Par bonheur Youtube propose l'intégrale vidéo de cette interprétation par les frères Jussen du "Concerto pour deux pianos". Une aussi belle version ne pouvait mériter qu'une remarquable réalisation : la réussite est totale. 
Je ne saurais trop en recommander la fréquentation sans modération.

Hommage :

Francis Poulenc et son ami et complice de toujours, le méticuleux pianiste Jacques Février, interprètent  le « Larghetto » avec l’Orchestre de la RTF sous la baguette du sémillant Georges Prêtre.

Publié par

Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

7 réflexions au sujet de “Mozart… à la française !”

    1. Je suis tombé en amour avec ce concerto… et avec la musique de Poulenc d’une manière générale depuis longtemps.
      Merci d’avoir partagé mon émotion devant cette particulièrement belle interprétation !

      Aimé par 1 personne

        1. Vous voilà entrée dans l’univers de Francis Poulenc : vous n’êtes pas au bout de vos plaisirs musicaux… Et je me réjouis de prendre ma modeste part de responsabilité.
          Viendra, je l’espère pour vous, le temps du « Concerto pour orgue », celui, profond et recueilli de sa musique sacrée (« Gloria » – « Litanies à la Vierge noire » – Stabat Mater), le temps charmant des mélodies françaises quand la musique épouse la poésie d’Apollinaire, de Max Jacob, de Garcia-Lorca, d’Aragon ou d’Eluard, celui, sérieux et gai à la fois, de sa musique de chambre, bien sûr, (« Sonate pour flûte et piano » que j’adore) et même le temps de l’opéra avec entre autres « Les Dialogues des Carmélites » sur un livret de Georges Bernanos – le « Salve Regina » finale me fait toujours frissonner à sa seule évocation.
          Me croirez-vous ? La minute consacrée à convoquer dans ces quelques lignes toutes ces beautés créées par Poulenc a étrangement provoqué en moi un indescriptible plaisir : un peu comme si, après une après-midi entière passée avec toutes ces merveilles, je revenais à ma réalité du soir, arrosant d’un verre d’un excellent whisky mon bonheur comblé.
          Au bien vivant Poulenc !

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        2. Merci Lelius ! En fait, Poulenc ne m’est pas inconnu. J’ai beaucoup écouté sa musique pour piano Les soirées de Nazelles et Les Mouvements Perpétuels, mais aussi son concerto pour orgue. Mais ce concerto pour deux pianos, j’étais passée à côté ! Merci de la découverte !

          Aimé par 1 personne

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