Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Les eaux de mon été -8/ Au bord de l’eau…
Whistler – Variations en violet et vert (Musée d’Orsay)
On cogne près de l’âtre, avec un tisonnier, on viole dans la nuit étoilée, on assassine les soirs de pleine lune, et l’aube complice éclaire la fuite du coupable de la nuit… Et pourtant !…
Au coin du feu, sous les étoiles, au clair de lune, dès potron-minet … Il y a des expressions circonstancielles, comme celles-ci, qui, me semble-t-il, se refusent à introduire toute évocation violente ou dramatique ; et qui, a contrario, appellent spontanément à leur suite les images douces et paisibles des bonheurs simples.
Ainsi, qui, après au bord de l’eau, attend-il l’image de ce poisson mort rejeté par les flots ? la plainte désespérée du pêcheur devant son lac devenu infécond ? ou le rappel de la terrible noyade de cette innocente enfant ?
Au bord de l’eau demande au temps une courte pause, un instant de paix loin des tracas du monde, pour, comme dit le poète, « sentir l’amour, devant tout ce qui passe, ne point passer ».
Au bord de l’eau
S’asseoir tous deux au bord d’un flot qui passe,
Le voir passer ;
Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,
Le voir glisser ;
À l’horizon, s’il fume un toit de chaume,
Le voir fumer ;
Aux alentours si quelque fleur embaume,
S’en embaumer ;
[…]
Entendre au pied du saule où l’eau murmure
L’eau murmurer ;
Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,
Le temps durer ;
Mais n’apportant de passion profonde
Qu’à s’adorer,
Sans nul souci des querelles du monde,
Les ignorer ;
Et seuls, tous deux devant tout ce qui lasse,
Sans se lasser,
Sentir l’amour, devant tout ce qui passe,
Ne point passer !
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Sully Prudhomme
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Au bord de l’eau !Cette expression, pour ma part, ne peut pas ne pas évoquer, tel un réflexe pavlovien, le souvenir heureux de cette chanson heureuse que chante Jean Gabin dans le célèbre film de Julien Duvivier, « La belle équipe » (1936).
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Une bande de copains au chômage gagne à la loterie nationale et décide d’ouvrir une guinguette en banlieue parisienne, à Nogent, au bord de l’eau. L’équilibre de leur amitié ne résistera pas aux coups du destin et la rivalité amoureuse qui oppose les deux derniers compagnons de l’équipe donnera le coup de grâce à la joyeuse aventure.
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Mais, seuls les bons souvenirs résistent à l’usure du temps. Et mon plaisir est toujours à son comble chaque fois que le hasard m’invite à l’inauguration de cette guinguette populaire pour partager la franche joie collective qui irradie ce beau dimanche ensoleillé… au bord de l’eau.
Ravi de vous avoir un peu rapprochée de la mélodie française.
Il me semble que le facteur de séduction de la mélodie française est fortement lié à l’interprétation (plus encore que dans le lied). Il est vrai qu’entendre chanter des poèmes dans notre propre langue, et que l’on connaît (peu ou prou), nous rend assurément plus exigeant.
Par ailleurs la mélodie française semble souvent désuète quand le ton est, comme autrefois, ampoulé ou maniéré. (Les modes ont heureusement changé, comme pour la poésie qui, et elle y gagne tant, ne se déclame plus…).
Les interprètes modernes, plus discrets, plus effacés, servent mieux le texte et laissent à la musique la place qu’elle mérite… (Je pense en particulier au baryton François Le Roux, à Félicity Lott – anglaise, s’il vous plaît ! – qui a excellé dans le genre, et à Susan Graham – américaine ! – qui possède un incroyable chic à la française…)
Merci pour toutes ces explications intéressantes (mais non, ne vous arrêtez pas :-)). Je m’étais arrêtée en effet à ce côté maniéré dont vous parlez, mais j’ignorais les évolutions modernes. Et cela m’ouvre des horizons 🙂
Alors, puisque vous m’y encouragez, je me permets de continuer un court instant pour vous proposer, bien immodestement, de faire un saut vers un billet (très illustré) que j’avais publié sur « Perles d’Orphée » il y a 5 ans : « Mélodie française ou l’art pour l’art ». https://perlesdorphee.wordpress.com/2013/10/01/melodie-francaise-ou-lart-pour-lart/
Il y a, évidemment, un milliard de références plus sérieuses…
Toujours un plaisir de partager avec vous !
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy
« Quand on s’promène au bord de l’eau ». Quelle chanson entraînante !
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… Et le film de Duvivier… avec tous ces merveilleux acteurs d’un autre temps !!! L’image d’une époque.
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D’habitude je ne suis pas très fanatique de mélodies françaises mais ce morceau de Fauré me touche beaucoup !
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Ravi de vous avoir un peu rapprochée de la mélodie française.
Il me semble que le facteur de séduction de la mélodie française est fortement lié à l’interprétation (plus encore que dans le lied). Il est vrai qu’entendre chanter des poèmes dans notre propre langue, et que l’on connaît (peu ou prou), nous rend assurément plus exigeant.
Par ailleurs la mélodie française semble souvent désuète quand le ton est, comme autrefois, ampoulé ou maniéré. (Les modes ont heureusement changé, comme pour la poésie qui, et elle y gagne tant, ne se déclame plus…).
Les interprètes modernes, plus discrets, plus effacés, servent mieux le texte et laissent à la musique la place qu’elle mérite… (Je pense en particulier au baryton François Le Roux, à Félicity Lott – anglaise, s’il vous plaît ! – qui a excellé dans le genre, et à Susan Graham – américaine ! – qui possède un incroyable chic à la française…)
Arrêtez-moi ! Arrêtez- moi !!!!! 😉
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Merci pour toutes ces explications intéressantes (mais non, ne vous arrêtez pas :-)). Je m’étais arrêtée en effet à ce côté maniéré dont vous parlez, mais j’ignorais les évolutions modernes. Et cela m’ouvre des horizons 🙂
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Alors, puisque vous m’y encouragez, je me permets de continuer un court instant pour vous proposer, bien immodestement, de faire un saut vers un billet (très illustré) que j’avais publié sur « Perles d’Orphée » il y a 5 ans : « Mélodie française ou l’art pour l’art ».
https://perlesdorphee.wordpress.com/2013/10/01/melodie-francaise-ou-lart-pour-lart/
Il y a, évidemment, un milliard de références plus sérieuses…
Toujours un plaisir de partager avec vous !
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Merci, c’est très instructif 🙂 Je regarderai cet article de plus près ce week-end !
Moi aussi j’apprécie vos partages 🙂
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